LA NUIT DES MALEFICES

Blood on Satan’s Claw – Royaume-Uni – 1971
Support : Bluray & DVD
Genre : Epouvante
Réalisateur : Piers Haggard
Acteurs : Patrick Wymark, Linda Hayden, Barry Andrews, Michel Dtrice, Wendy Padbury, Anthony Ainley, James Hayter, Simon Williams…
Musique : Marc Wilkinson
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 97 minutes
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 11 avril 2025
LE PITCH
Angleterre, XVIIIème siècle. Dans un petit village, un jeune homme affirme avoir vu le Diable. Le juge du comté n’y prête pas attention. Mais soudain, des événements anormaux se déroulent : les villageois sombrent dans la folie, et des jeunes femmes se voient affligées de marques sur le corps. C’est alors qu’un groupe mené par la jolie Angel Blake pratique d’étranges cérémonies funèbres.
Le Diable à fleur de peau
Sans doute noyé sous l’implacable règne de la Hammer et la masse incroyable de productions horrifiques anglaises de ces décennies royales, La Nuit des maléfices est souvent oublié dans la liste des grands classiques du fantastique gothique anglais. Imprévisible (le script est des plus chaotiques), barré, parfois presque douteux, il se révèle pourtant une œuvre singulière et ensorcelante.
Dans le cinéma de genre anglais, le début des années soixante-dix est un tournant marqué par la rencontre fructueuse et imparablement décadente entre la fin de règne de l’inimitable Hammer, à la recherche inlassable d’une renaissance à base d’effet bien plus gores et d’érotisme opulent, et l’avènement de la contre-culture portée par les mouvements hippie. Et quand l’horreur gothique croise le paganisme moderne, cela donne naissance à une série de productions confrontant une société puritaine à une jeunesse décomplexée pratiquant joyeusement la sorcellerie et les orgies dans les bois. Des films qui a l’instar du sublime The Wicker Man, sont constamment ballotés entre illustrations réactionnaires (jeunes en toges = Satan) et fascination évidente pour une liberté plus proche du corps et de la terre. A quelques mois du très réussi Les Sévices de Dracula (Twins of Evil avec les inoubliables frangines Collinson), la plus modeste Tigon British Film s’engouffre dans la même voie avec le curieux La Nuit des maléfices (titre français trompeur puisque rien, ou presque, ne s’y passe la nuit), évocation étonnante d’une campagne anglaise en plein obscurantisme, tiraillé entre la modernité des lumières et les vieilles croyances locales. Les restes peu reluisants d’un authentique démon pataud (on pense au Village de Night Shyamalan) sont découverts dans les sillons d’un labour, et tous les gentils gamins faisant actes de présence aux catéchismes du vicaire commencent à être parcourus d’étranges, et compréhensibles envies.
Weaker-men
Les adultes détournent les yeux, leurs progénitures copulent entre eux et se massacrent allègrement, dirigés par une sublime et terriblement sensuelle Linda Hayden (Une Messe pour Dracula) dans des séquences de messes noirs hallucinées, traversées de pulsions purement animales et d’un sadisme sans détour. La scène centrale du viol collectif achevé par un meurtre aux ciseaux, renverse parfaitement les enjeux tout en confrontant le spectateur à sa propre innocence. Des scènes d’autant plus perturbantes, que le téléaste affirmé Piers Haggard (dont on retiendra tout de même l’amusant Venin) travaille pour le reste une mise en scène extrêmement fine, des cadrages très habiles mais discrets, un montage volontairement invisible qui scrute un naturalisme frontal. A la lisière du documentaire historique, ou les reconstitutions d’habitats, du village un poil pouilleux et d’une nature omniprésente sont admirablement photographiés par un Dick Brush (Tommy, Le Convoi de la peur) sculptant les plans intérieurs de clairs obscurs magnifiques et les extérieurs comme des tableaux idylliques et pastoraux. Le traitement visuel ne vise pas très loin de celui de Barry Lyndon, rejoignant d’ailleurs la même détermination à présenter sans détour une Angleterre peu glorieuse, pauvrette et assez pathétique. Et si la persécutions de ces délicieuses sorcières est une fois encore symbolisée par un juge garant de « la morale » (le vieillissant Patrick Wymark), évacuant rapidement le pauvre prêtre du coin accusé de pédophilie (pour une fois que ce n’est pas vrai !), il n’est pas aussi détestable et psychotique que celui incarné par Vincent Price dans Le Grand Inquisiteur, finissant du même coup de brouiller considérablement la fine limite entre le bien et le mal, la répression et l’ordre nécessaire.
La Nuit des maléfices est un très beau film oublié, sortit à quelques encolures de Les Diables de Ken Russel. 1971 décidément une très bonne année pour le paganisme.
Image
Après un ancien DVD, déjà assez joli, chez Artus Films, Rimini prend le relais pour la sortie Bluray de La Nuit des maléfices. Si cette sortie ne profite pas d’un disque UHD, il s’agit cependant clairement de la même restauration 4K effectuée à partir des négatifs. Le nouveau master est totalement dénué de toutes cicatrices, presque virginal (la seule chose qui soit virginal dans le film d’ailleurs), avec des couleurs toujours ternes mais bien définies, des contrastes marqués et des noirs pêchus. La compression s’en sort merveilleusement bien avec un grain présent mais pas envahissant, et un piqué on ne peut plus solide. Belle bête.
Son
Versions anglaise et française sont présentées ici dans leur mono d’origine. Le doublage semble un peu vieillissant, très frontal et un poil écrasé, mais tout à fait confortable et agréable. La version anglaise, elle aussi en DTS HD Master Audio 2.0, assure un rendu plus vif et naturel, avec un joli équilibre entre les dialogues et les musiques païennes de Marc Wilkinson.
Interactivité
Pour Artus, c’était Alain Petit qui se chargeait de la présentation du film, pour Rimini s’est Mr Arte Cinéma, Olivier Père, qui explore les arcanes secrètes du film. Une intervention encore une fois très intéressante qui s’efforce de remettre en lumière ce film d’épouvante british certainement pas assez reconnu. Quelques informations sur les coulisses ou la, courte, carrière du réalisateur Piers Haggard, mais le propos s’étend surtout sur son rapprochement avec la folk horror et son atmosphère (due essentiellement à la photo et la musique selon lui) tout à fait particulière.
Rejoignant la collection Fantastique de l’éditeur, le digipack avec fourreau cartonné propose aussi un nouveau livret signé Marc Toullec.
Liste des bonus
Le livret « Sous le soleil de Satan » écrit par Marc Toullec (24 pages), Interview de Olivier Père, directeur de l’Unité Cinéma de ARTE France (42’).