LA MAISON DE LA TERREUR
La Casa con la scala nel buio – Italie – 1983
Support : Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Lamberto Bava
Acteurs : Andrea Occhipinti, Anny Papa, Fabiola Toledo, Michele Soavi, Valeria Cavalli, Stanko Molnar, …
Musique : Guido De Angelis, Maurizio De Angelis
Durée : 106 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français & Italien DTS HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Le Chat Qui Fume
Date de sortie : 15 février 2022
LE PITCH
Un compositeur de musique de films installé dans une villa isolée enquête sur la disparition inquiétante de sa voisine, …
Secrets de famille
Fidèle à sa mission cinéphile de réhabilitation du cinéma bis, Le Chat Qui Fume accueille au sein de son inestimable catalogue le deuxième long-métrage de Lamberto Bava, giallo en quasi huis-clos et le cul entre deux chaises. Souffrant de sa conception au rabais imposé par les contraintes du petit écran (nous y reviendrons) et la pingrerie de son producteur, La maison de la terreur échappe de justesse à l’étiquette de nanar grâce au savoir faire de son réalisateur et à un script aux références solides.
Au lendemain de ses débuts de cinéaste marqués par le succès d’estime du joliment malsain Baiser macabre (alias Macabro), Lamberto Bava constate avec une pointe de déception que les producteurs ne se bousculent pas vraiment à sa porte pour lui proposer de remettre le couvert. Il voit même un scénario écrit à son attention par le fidèle et prolifique Dardano Sacchetti lui échapper au profit du plus bankable Lucio Fulci (il s’agit probablement de L’éventreur de New York). Sans broncher, il retrouve son poste d’assistant réalisateur auprès de Dario Argento à l’occasion de l’excellent Ténèbres. Au même moment, Sacchetti et Elisa Briganti répondent à la commande de Luciano Martino pour le script d’une mini-série horrifique de quatre épisodes de vingt minutes et s’acquittent avec professionnalisme des consignes très strictes du peu scrupuleux patron de la Dania Films : chaque épisode doit se conclure par un meurtre violent, toute l’histoire doit se dérouler dans un lieu unique, à savoir une villa romaine dont Martino vient de se porter acquéreur (histoire de promouvoir les lieux pour une future plus-value et d’amortir les frais) et le tout doit être pensé pour être tourné très vite et pour pas cher. Agissant par amitié, Dardano Sacchetti propose immédiatement à Martino d’engager Lamberto Bava comme réalisateur, proposition à laquelle le nabab transalpin répond avec enthousiasme, espérant ainsi capitaliser sur le nom de Bava. Énergique et inventif, le fils de Mario rend sa copie après 18 jours de tournage. Impressionné par les mises à mort très graphiques imaginées par Lamberto Bava et son équipe et craignant la censure, Luciano Martino change son fusil d’épaule, fait repartir le film au montage et le sort sur grand écran le 6 août 1983.
L’habit ne fait pas le tueur
Excepté une scène d’ouverture réussie et qui répond parfaitement aux promesses du titre et de la très belle affiche d’Enzo Sciotti, où un enfant apeuré disparaît comme avalé par les ténèbres d’un grand escalier menant à la cave d’une demeure délabrée, La maison de la terreur ne réussit jamais à se soustraire d’une facture tristement télévisuelle. On pense souvent à un épisode de série policière allemande et le jeu plutôt fade d’Andrea Occhipinti, belle gueule au charisme de courgette, n’aide pas vraiment. Quant aux limites du budget, elles sont bien visibles avec un décor trop dépouillé et un faux sang peu convaincant.
Pour autant, il faut reconnaître à Lamberto Bava un talent suffisant pour ne pas abdiquer face à de tels handicaps. Le cinéaste sait construire un rythme et un suspense qui vont crescendo. Construite à coups de fausses pistes et de longues explorations de pièces secrètes ou abandonnées, l’ambiance se révèle plus étouffante et mystérieuse qu’on ne pouvait l’espérer au premier abord. De leur côté, Elisa Briganti et Dardano Sacchetti font preuve de suffisamment d’ambition pour habiller avec goût une intrigue très classique et relativement prévisible. Si on peut regretter que La maison de la terreur n’exploitent pas assez son contexte méta, les emprunts à Blow Out, Pulsions et Psychose sont bien vus et relèvent la sauce avec une efficacité très premier degré.
Teintées de sadisme et de perversité, les scènes où toute une galerie de séduisantes demoiselles passent de vie à trépas évoquent la violence cru et frontale du Ténèbres d’Argento (forcément!) et achèvent de faire de La maison de la terreur un giallo 80’s très fréquentable. Le meurtre de Fabiola Toledo dans une salle de bains, un long couteau planté dans la main et un sac en plastique sur la tête avant qu’on ne lui fracasse le crâne avec fébrilité contre le rebord du lavabo, peut se voir comme un classique du genre. Tout comme celui d’Anny Papa, étranglée avec la pellicule de son propre film d’horreur, lequel s’inspire du traumatisme qui a forgé les pulsions homicides de son assassin ! Une mise en abîme savoureuse et un tour de chauffe prometteur pour le futur réalisateur du diptyque Démons.
Image
Tourné en 16mm puis gonflé en 35mm pour son exploitation sur grand écran, La maison de la terreur posait plusieurs défis pour sa restauration. Le choix du format tout d’abord, puis le grain et la définition. Entre les mains expertes de passionnés, le résultat affiche une harmonie de tous les instants. Et même si quelques accidents de pellicule demeurent et que les noirs manquent un peu de profondeur, Le Chat Qui Fume peut s’enorgueillir de proposer aux aficionados un nouveau transfert de référence pour une œuvre rare.
Son
On aurait bien aimé profiter de l’hilarant doublage américain mais il se faudrait se contenter de son pendant français, moins drôle mais tout de même bien croquignolet. Sur le plan de l’acoustique autant que du respect des intentions du réalisateur, le doublage italien fait bien évidemment la course en tête, avec un mixage fragile sur les aigus mais propre et bien dosé.
Interactivité
Captivante, elle propose des entretiens récents avec Lamberto Bava, Dardano Sacchetti et le chef opérateur Gianlorenzo Battaglia. Le cinéaste se remémore les circonstances qui l’ont amené à réaliser La maison de la terreur et les difficultés d’un tournage à petit budget. Son scénariste revient sur son amour du cinéma d’horreur, son enfance et ses sources d’inspiration et se montre au final un peu sévère en jugeant que le film a « manqué sa cible ». Spécialiste des prises de vue sous-marine (on lui doit notamment la célèbre scène d’ouverture dans la cave inondée d’Inferno de Dario Argento), Gianlorenzo Battaglia raconte son premier tournage en tant que directeur de la photographie titulaire en insistant sur la bonne humeur et la débrouillardise. Divine surprise, un cd joint à cette édition limitée propose une rétrospective des meilleurs scores des frangins Guido et Maurizio De Angelis, lesquels, outre La maison de la terreur et Keoma, ont mis en musique une bonne dizaine de films mettant en scène les inénarrables Bud Spencer et Terence Hill. Une certaine idée du bonheur musical à l’italienne.
Liste des bonus
L’escalier de la mort avec Lamberto Bava (16 minutes), Bienvenue à la maison avec le scénariste Dardano Sacchetti (21 minutes), Dans une maison vide avec le chef opérateur Gianlorenzo Battaglia (17 minutes), Bande-annonce.