LA GRANDE BOUFFE
France, Italie – 1973
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Marco Ferreri
Acteurs : Marcello Mastroianni, Michel Piccoli, Philippe Noiret, Ugo Tognazzi, Andréa Ferréol…
Musique : Philippe Sarde
Durée : 130 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français PCM 2.0 mono
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Editeur : Tamasa Distribution
Date de sortie : 19 novembre 2024
LE PITCH
Quatre amis gourmets et gourmands s’enferment tout un week-end à la campagne et organisent une « bouffe » gigantesque.
Recettes pour mourir
Le plus grand succès de la filmographie de Marco Ferreri, La grande bouffe, nous est resservi dans une superbe restauration mitonnée par Tamasa. Laissez-vous séduire à nouveau par les effluves de l’un des plus grands scandales de l’Histoire du cinéma.
Après la sortie remarquée des remarquables La petite voiture, Le lit conjugal, Le mari de la femme à barbe et Dillinger est mort en 2022, l’éditeur Tamasa continue d’explorer la carrière de Marco Ferreri avec la sortie de son film le plus célèbre, l’arbre qui cacha trop longtemps la filmographie du cinéaste italien : La grande bouffe.
Abandonnant peu à peu la verve ironique de ses comédies « noires » des années 1960, le réalisateur milanais aborde les années 1970 certes de manière plus baroque mais en n’oubliant pas d’écorner l’une de ses victimes favorites : la bourgeoisie et sa vacuité. A l’instar de Dillinger est mort, avec déjà Michel Piccoli qui augurait alors sa collaboration avec Ferreri, le scénario de La grande bouffe, malgré de nombreux dialogues, n’explique rien mais appuie sur le sentiment de vide et d’inutilité de ses personnages principaux piégés dans ce huis-clos au cadre resserré.
Fidèles de Marco Ferreri et véritables amis dans la vie, Piccoli, Noiret, Tognazzi et Mastroianni, qui conservent leurs prénoms pour jouer les personnages du film, représentent ici le somment de la chaîne alimentaire d’alors : producteur de télévision, juge, grand restaurateur et pilote de ligne. Des hauts dignitaires, des modèles qui durant plus de deux heures s’évertueront à dévorer les mets les plus exquis pour aboutir à un suicide collectif mémorable et scandaleux…car « on ne pète pas impunément dans la France de 1973! », selon la célèbre formule de François Nourricier.
Indigestion
Vilipendé par la majorité de la critique et par une bonne partie du public, dont on peut retrouver les traces dans les archives mémorables de l’INA, le film demeure finalement plus connu par sa réputation et les incroyables réactions qu’il suscitât notamment lors d’un Festival de Cannes historique. Un parfum de scandale qui fit toutefois le bonheur des producteurs puisque La grande bouffe demeure, et de très loin, le plus grand succès commercial de son auteur, tant le public souhaitait se faire son avis, comprendre un film qui malgré l’exhalation des sens ne semble pas en avoir beaucoup. Symbole d’une époque où certains films semblaient vouloir représenter l’immontrable, d’un point de vue moral, à l’écran, (tels Salo, Sweet Movie ou Le dernier tango à Paris pour n’en citer que quelques-uns), La grande bouffe reste, 50 ans après sa sortie, toujours aussi peu aimable avec son public auquel il tend un miroir monstrueux d’une société de consommation viciée et d’une bourgeoisie décadente.
Sublimé par la mélancolique et irrésistible composition de Philippe Sarde, la mise en scène de Ferreri multiplie les superbes tablées qui représentent ici d’innombrables tableaux, des « natures mortes » dont se délectent ces amoureux du bon goût ayant la mort au ventre. Sommet de vulgarité ou constat lucide d’une époque en pleine indigestion, l’œuvre de Ferreri, et pas seulement La grande bouffe, garde son pouvoir sulfureux et absurde dans sa dénonciation d’un monde vide de sens.
Image
Le Master proposé ici est une restauration effectuée 4K réalisée par l’immagine ritrovata à partir du négatif image original. Outre des cadres stables et une définition excellente, la copie ne présente aucun défaut et nous fait découvrir des couleurs profondes parfaitement contrastées.
Son
Restauré à partir négatif son original, le Master audio est de toute beauté. Dialogues clairs sans bruit de fond et une parfaite spatialisation de la divine BO de Philippe Sarde.
Interactivité
Outre l’édition Blu Ray simple traitée ici, Tamasa propose également une édition collector agrémentée de l’autobiographie d’Ugo Tognazzi et de l’affiche culte du film.
En ce qui concerne les bonus vidéo, identiques aux deux éditions, près de deux heures de contenu nous sont proposées. On retrouve avec grand plaisir la spécialiste française du réalisateur milanais, Gabriella Trujillo, qui avait publié en 2021 l’indispensable et passionnante analyse Marco Ferreri, le cinéma ne sert à rien. Durant près de trente minutes, elle revient sur la genèse et le contexte d’un film certes « physiologique » mais également ode à l’amitié.
Le témoignage d’Andréa Ferréol est également une petite pépite ! L’actrice ne regrette rien et rappelle le caractère décisif du film sur sa carrière. Outre les anecdotes sur son contrat incroyable, elle revient sur un tournage idéal entouré de « gentlemen ».
Enfin, Tamasa conclue cette édition en nous permettant de découvrir le méconnu et inédit jusqu’alors Faictz ce que vouldras, moyen métrage télévisuel réalisé en 1994. Parfaitement restauré en 2K, à partir de bandes VHS, le film est un hommage à Rabelais et fait alterner lectures de Gargantua et spectacles de rue. Une étonnante curiosité à découvrir.
Liste des bonus
« Souvenirs d’un tournage unique » par Andréa Ferréol (28’), « Le Film de toutes les exceptions » par Gabriela Trujillo (29’), « Faictz ce que vouldras » de Marco Ferreri (1995, 51’).