LA FEMME OBJET

France – 1980
Support : Bluray
Genre : Érotique
Réalisateur : Frédéric Lansac
Acteurs : Richard Allan, Marilyn Jess, Nicole Segaud, Laura Clair, Nadine Roussial, Frédéric Carton…
Musique : Jean-Claude Nachon
Durée : 86 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français, Anglais, Allemand et Espagnol DTS HD Master Audio Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Pulse Vidéo
Date de sortie : 15 décembre 2020
LE PITCH
Écrivain de science-fiction à l’appétit sexuel insatiable, Nicolas épuise toutes ses partenaires et les fait fuir. Frustré et esseulé, il construit une femme robot à même de le satisfaire et qu’il nomme Kim …
C’était mieux avant ?
Le porno, c’est de la merde ! Oui, mais encore ? Si on se base sur ce qui traîne de nos jours sur le net en mode classé X, alors effectivement, pas de doute, le porno, c’est bien de la merde. Mais il fut une époque (que les moins de 38 ans ne peuvent pas connaître) où le porno, c’était aussi du cinéma, du vrai. Avec des auteurs à la barre et des techniciens compétents derrière la caméra. La preuve avec La Femme Objet, indéniable classique du film de fesses à la française, restauré avec soin par les petits coquins de Vinegar Syndrome.
Réhabilité par l’éditeur cinéphile Le Chat qui Fume au travers de très belles éditions vidéo consacrées à La Rose écorchée, La Saignée ou Les Charnelles (ses premières œuvres, soft), le cinéaste Claude Mulot fut, sous le pseudonyme de Frédéric Lansac, l’un des rares auteurs « authentiques » du X hexagonal. Scénariste de formation, amoureux de cinéma fantastique, il ne se destinait bien évidemment pas à l’érotisme et à la pornographie mais, nécessité faisant loi, il s’y consacra avec application jusqu’à son décès accidentel en 1986 à l’âge de 44 ans. Tout en écrivant pour ses amis Max Pécas et Gérard Kikoïne, Mulot s’offrait dès 1975 un premier film X remarquable avec Le sexe qui parle, animé par l’extravagante Sylvia Bourdon. Sans aller jusqu’à parler de féminisme (faut pas pousser !), Mulot/Lansac ne se contente pas de livrer du sexe mais offre déjà une réflexion pertinente et iconoclaste sur la libération des mœurs des 70’s. L’année suivante, il tente même un remake de La grande bouffe de Marco Ferreri avec Mes nuits avec … Alice, Pénélope, Arnold, Maud et Richard et parvient à livrer quelques images mémorables comme les danses lascives d’Helga Trixi autour d’un phallus géant ou ce coït final et mortifère au ralenti.
Abordé en totale liberté, La Femme Objet est son œuvre la plus iconique. Si la présence ô combien fascinante de Marilyn Jess, admirable de naturel dans le rôle-titre, compte pour beaucoup dans la popularité du film, c’est bien le scénario de Claude Mulot qui en fait la force. Oui, son scénario.
Homo (trop) erectus
N’intervenant qu’à mi-parcours, l’argument fantastique est un sacré leurre. Qu’un écrivain de science-fiction, imitant l’une de ses œuvres, se lance dans la construction d’une femme robot démontre une approche à la fois naïve et poétique du basculement du récit. Amusé, Claude Mulot ne cache pas ses références. Le mythe de Frankenstein et le Pinocchio de Carlo Collodi sont explicitement convoqués et l’androïde Kim est ainsi nommée en hommage à Kim Novak dans Sueurs Froides, comme le souligne un dialogue. Les fans les plus polissons de l’univers de George Lucas seront même ravis de voir un mini R2D2 trôné sur le bureau du personnage principal, s’agitant avec force bips chaque fois que des galipettes se déroulent à proximité. Pour autant, Mulot/Lansac a d’autres chats à fouetter que de satisfaire les amoureux de SF et de clins d’œils cinéphiles et littéraires.
Faussement subjective malgré sa structure en flashbacks et sa voix-off, la narration tire le portrait d’un mâle peu reluisant. Parfaitement campé par un Richard Allan à la virilité excessivement machiste, Nicolas est un parfait salaud. Et l’image du jouisseur tout puissant d’en prendre un sacré coup. La première partie avec Sabine, sa compagne, est assez révélatrice de ce qu’un cinéaste intelligent peut faire lorsqu’il se sert des scènes de sexe autrement que par leur fonction masturbatoire. L’intimité de la première partie de jambes en l’air cède la place à des amours mécaniques et solitaire qui annonce déjà la venue de l’androïde Kim et contredit les propos de Nicolas. Il prétend que les femmes ne sont pas à la hauteur de son appétit vorace. C’est lui, en réalité, qui n’est pas à la hauteur de la sexualité féminine, privilégiant son plaisir en pur égoïste. Et le dernier tiers du film de renverser la vapeur avec un twist façon l’arroseur-arrosé, Nicolas se transformant en homme objet pour ses deux compagnes androïdes, couple interracial de femmes bisexuelles et très justement dominantes.
Drôle mais pas toujours sexy, ironique et malin, relativement bien foutu eu égard à un budget famélique, La Femme Objet se redécouvre avec bonheur et sa mise en boîte du mâle alpha contemporain résonne même fortement en des temps où la lutte féministe redouble de vigueur face à un patriarcat aux abois. Merci Claude – pardon, Frédéric !
Image
Scannée en 2K puis retravaillée avec un fétichisme certain pour en préserver le grain et la texture d’époque, la copie de La Femme Objet est de tout premier ordre. Seul le premier plan du film montre encore des faiblesses mais on pinaille. La carnation des actrices et des acteurs est d’un réalisme presque tactile et la définition est assez miraculeuse. Et on ne vous parle même pas des couleurs à la jeunesse retrouvée et d’une compression aux petits oignons.
Son
Quel que soit la langue choisie (mais bon, privilégiez quand même le français, hein), c’est un mono robuste qui nous accompagne de bout en bout avec une bande sonore tout en ambiances suaves et musique électronique rigolote et qui n’empiète jamais sur les dialogues et, euh, les cris de jouissances de ces messieurs-dames.
Interactivité
Outre les goodies accompagnant une campagne Ulule couronnée de succès (vinyle de la bande originale, töte bags et autres mots doux signés de la main de Dominique Troyes, alias Marilyn Jess), il est possible de se procurer La Femme Objet sous deux packagings différents : un boîtier scanavo classique avec fourreau et un digipack bien plus élégant à la couverture topless, conçue spécialement pour trôner sur les étagères des collectionneurs les plus hardis. Le contenu, en revanche, reste le même. Tout commence par un excellent making-of de près d’une heure où une bonne partie de l’équipe du film (ceux qui sont toujours en vie, donc) partage des anecdotes et s’attache à rétablir la vérité sur les tournages d’époque, entre convivialité et débrouillardise. Un deuxième module, bien plus court, suit le producteur Francis Mischkind lors du processus de restauration de certaines scènes et révèle les progrès de la technologie lorsqu’il s’agit de redonner des couleurs à une pellicule qui a viré au vert et au jaune. Enfin, cerise sur le gâteau, ce n’est pas loin d’une heure de bandes-annonces en très bon état que l’on retrouve en fin d’interactivité. Une façon de « teaser » de futurs éditions X vintage ? On n’en doute pas une seule seconde.
Liste des bonus
Le dernier porno à Paris : la création de La Femme Objet racontée par Marilyn Jess, Didier Philippe Gérard, Richard Allan, Francis Mischkind & François About (55’), Francis Mischkind restaure La Femme Objet (12’), Bandes-annonces des films de Claude Mulot (38’), Bandes-annonces des films de Marilyn Jess (25’), Galerie photo.