LA FEMME AU PORTRAIT

The Woman in the Window – Etats-Unis –1944
Support : Bluray &DVD
Genre : Thriller
Réalisateur : Fritz Lang
Acteurs : Edward G. Robinson, Joan Bennett, Raymond Massey, Edmund Breon, Dan Duryea, Thomas E. Jackson…
Musique : Arthur Lange
Image : 1.33 16/9
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 100 minutes
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 26 février 2024
LE PITCH
Enseignant la psychologie à l’université, le professeur Richard Wanley rencontre Alice, une femme mystérieuse. Celle-ci est en effet le modèle d’un tableau en vitrine dont Wanley est tombé amoureux. Après une soirée arrosée, Richard et Alice vont prendre un dernier verre chez elle lorsque le compagnon d’Alice les surprend. En état de légitime défense, Richard poignarde l’homme. Le couple décide alors de faire disparaître le cadavre…
Les accusés
Après un duo de westerns, et un trio de productions consacrés à l’effort de guerre, Fritz Lang revient pleinement au film noir avec La Femme au portrait. Mais pas de vieux flics, de criminels endurcis et de poursuites nocturnes ici, le cinéaste renoue dans la foulée avec l’onirisme de ses obsessions psychanalytiques.
1944 est véritablement marqué par un retour au film noir au sein de l’industrie hollywoodienne, marquée par les restes de la grande crise économique, par les ténèbres de la Guerre Mondiale, tout autant que par une remise en cause morale et sociétale. Aux cotés de films comme Les Main qui tuent, Le Port de l’angoisse, Adieu ma belle et surtout Assurance sur la mort et Laura, La Femme au portrait amorce une renaissance d’un genre qui va se détacher de plus en plus de son passé purement policier et réaliste. Ici donc la triste aventure d’un brave père de famille, laissé quelques jours seuls à la maison, et qui au détour d’une vitrine présentant un portrait de femme énigmatique, va rencontrer Alice qui se dit en être le modèle. La conversation s’engage et se poursuit au domicile de celle-ci, mais un homme violent apparait et tente de l’étrangler, obligeant le professeur de psychologie à le tuer d’un coup de ciseaux. Légitime défense donc et un adultère qui n’aura jamais eu le temps d’être consommé, mais qui pourtant va entrainer le protagoniste dans une spirale de culpabilité autodestructrice.
Le divan de Fritz Lang
Dès le premier plan du film, Wanley donnant court devant un tableau ou est écrit Sigmund Freund en toutes lettres, il est ici question de la psychanalyse et de l’auto-analyse, et Fritz Lang qui ne laisse jamais rien au hasard va alors démultiplier les niveaux de lectures, les illustrations symboliques (sexuelles et phalliques cela va de soi) tout autant que les jeux sur les notions de reflets et de doubles, pouvant parfois même se reproduire à l’infini. Qu’est-ce qui peut pousser un homme à avoir envie de bouleverser sa vie tranquille pour les beaux yeux d’une jolie brune comme Joan Bennett ? Quelle honte le taraude pour dissimuler son crime ? Et quels mécanismes se mettent en place pour l’amener à envisager pire encore contre les autres et contre lui ? Edward G. Robinson est comme toujours parfait pour figurer le brave type perdu dans ses propres angoisses dont le spectateur espère constamment l’échappée, lui qui accompagne ses amis du club, le procureur et le journaliste, sur les lieux de l’enquête manquant constamment de laisser échapper un indice sur son implication. En véritable maitre du suspens Fritz Lang ménage un suspens de très haute volée, multipliant les possibles moments de basculement, complexifiant la situation par l’arrivée d’un maitre chanteur (ce filou de Dan Dureya), mais surtout en laissant planer tout au long du métrage une atmosphère de doute et de flottements qui ferait presque douter de la réalité des évènements. Si la résolution et son happy-end un peu facile aura longtemps refroidi les amateurs de trames plus cruelles, elle permit tout de même au cinéaste de signer l’un de ses plans les plus audacieux, montrant un Edward G. Robinson s’endormant à son domicile dans une certaine tenue, se réveiller à son club dans une autre, en un seul plan sans coupure ou trucage. Malin et impressionnant.
Produit l’année suivante avec le même trio d’acteur et une équipe équivalente, La Rue rouge replacera Robinson face à une Bennett vénéneuse dans une nouvelle histoire de portrait et d’usurpation, mais à l’issue bien moins heureuse. Un film frère aux airs de jumeau maléfique dont le visionnage rapproché rehausse encore par le jeu des variations et des échos les deux œuvres proprement dites.
Image
Après quelques DVD aux sources bien datées, La Femme au portrait revient dans une nouvelle copie HD 2K de très belle facture, nettement plus propre qu’autrefois et avec au passage un soupçon d’informations en plus sur les bords. Les cadres sont parfois encore très abimés par des restes de griffures, voire déchirures, mais l’ensemble est assez stable, profitant de contrastes argentiques joliment dessinés et d’un grain plutôt harmonieux.
Son
La version originale mono, disposée en DTS HD Master Audio 2.0 est en très bon état, ne souffrant d’aucune perditions ou tressautement notables, un poil de souffle mais rien de dérangeant puisque les dialogues sont parfaitement clairs. La version française souffre un peu plus avec quelques accents nasillards et un aplat moins élégant.
Interactivité
Troisième digipack cartonné Bluray + DVD après Casier Judiciaire et Le Bourreaux meurent aussi, La Femme au portrait est à nouveau accompagné par une longue présentation du film signée Nicolas Tellop (La Septième Obsession). L’occasion pour lui de revenir sur les débuts de Lang aux USA, ses relations de travail avec le producteur Walter Wanger et l’actrice Joan Bennett, son attachement au film noir et bien entendu d’entamer une petite analyse du film sur ses versants psychanalytiques. Toujours intéressant.
Liste des bonus
Interview de Nicolas Tellop, essayiste et critique (55’).