LA DERNIÈRE MAISON SUR LA GAUCHE (2009)
The Last House On The Left – États-Unis – 2009
Support : Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Dennis Iliadis
Acteurs : Garret Dillahunt, Michael Bowen, Joshua Cox, Riki Lindhome, Aaron Paul, Sara Paxton, Monica Potter, Tony Godlwyn, …
Musique : John Murphy
Durée : 110 minutes (version cinéma) / 117 minutes (version non censurée)
Image : 1.85:1 / 16/9ème
Son : Anglais & Français 5.1 DTS-HD
Sous-titres : Français
Editeur : BQHL Éditions
Date de sortie : 29 janvier 2024
LE PITCH
Mari Collingwood, 17 ans, et sa meilleure amie Paige, sont enlevées, torturées et violées par Krug et sa bande de psychopathes. Fuyant les lieux du crime alors qu’une tempête s’annonce, les malfaiteurs échouent par le plus grand des hasards chez les parents de Mari, …
Avis de tempête
Comment proposer en 2009 un remake de La dernière maison sur la gauche, en pleine vague du « torture porn » (Saw, Hostel et consorts), sans sombrer dans une surenchère de gore et une complaisance coupable ? L’exercice semblait risqué mais le réalisateur grec Dennis Iliadis relève le défi avec une habileté peu commune, chaque changement apporté au film original de Wes Craven suffisant à justifier des explosions de violence distillées avec un soin pervers.
Le début des années 2000 marque un tournant dans le cinéma d’horreur. Les attentats du 11 septembre 2001 et le scandale de la prison d’Abou Ghraib à l’été 2003 inondent les toutes nouvelles chaînes d’info en continu d’images de mort, de destruction, d’humiliations, de poussière et de crasse. Comme il le fit à la fin des années 60 et au début des années 70 avec les crimes de la famille Manson et la Guerre du Vietnam, le cinéma se fait la caisse de résonance de son époque, des angoisses et des cauchemars qui l’accompagnent. Aux débordements outranciers du torture porn (avec un nom pareil, pas besoin de vous faire un dessin) se mêle une vague de remakes de classiques du cinéma d’horreur des années 70 – douce ironie de l’Histoire, qui aime décidément beaucoup se mordre la queue ! Massacre à la tronçonneuse, Halloween, Fog, Amityville, La colline a des yeux et – on y arrive ! – La dernière maison sur la gauche sont ainsi remis au goût du jour pour un public de plus en plus friands de corps mutilés, de chairs malmenées et de tabous éparpillés façon puzzle.
Un peu plus malin que la moyenne et parfaitement conscient que le succès critique et public de La colline a des yeux version 2006 doit une fière chandelle à la vision d’auteur d’Alexandre Aja, lequel avait su adapter à son époque les enjeux sociaux et politiques du film original de 1977 en trouvant l’équilibre entre survival ultra-vénère et satire mordante du rêve américain, Wes Craven producteur choisit de confier La dernière maison sur la gauche à un jeune cinéaste prometteur venu de l’étranger. Natif d’Athènes, Dennis Iliadis s’était fait remarquer dans plusieurs festivals en 2004 avec Hardcore (qui n’est pas un remake du film de Paul Schrader), un drame racontant l’histoire de deux jeunes filles échouant dans un bordel. Les similitudes entre ce premier long-métrage et le calvaire des deux victimes de La dernière maison sur la gauche suffisent à convaincre Craven et ses partenaires, Maria Maddalena et Sean S. Cunningham, d’engager Iliadis en lui confiant les pleins pouvoirs. Bien leur en a pris.
Le petit chaperon rouge
Travaillant avec les scénaristes Adam Alleca et Carl Ellsworth (ce dernier avait signé le script de Red Eye, déjà pour Wes Craven), Denis Iliadis revoit la structure du film de 1972 et la rééquilibre en deux parties égales. D’un côté, le viol et le meutre de Mari et de Paige. De l’autre, la vengeance des parents de Mari lorsqu’ils comprennent que les individus qu’ils hébergent de bon cœur sont les meurtriers et les tortionnaires de leur fille. Laquelle, d’ailleurs, survit ici à ses blessures. Un rebondissement qui éclaire la croisade punitive des époux Collingwood sous un angle nouveau. Quant au fils de Krug, de simple benêt et junkie dans le film de Wes Craven, complice consentant des atrocités commises par son père et sa « famille », il devient ici un ado mal dans sa peau qui va se retourner contre son géniteur. Son refus de participer au viol et l’importance que le cinéaste accorde à son regard horrifié offrent un point de vue détourné sur cette scène tant redoutée, amplifiant le malaise ressenti sans avoir à recourir à une mise en image trop frontale ou putassière. Une idée brillante, tout comme l’insistance avec laquelle Iliadis ramène l’opposition entre les Collingwood et la famille de Krug à une guerre de clans, les civilisés contre les barbares, reflet d’une actualité où la guerre contre le terrorisme impose de choisir son camp dans un élan manichéen qui viendrait ainsi justifier les pires exactions.
Et on en vient forcément à la seconde moitié du film, un huis clos tendu où la violence monte graduellement et passe de la légitime défense (la mort de Francis, le frère de Krug, relève de l’improvisation la plus totale) au meurtre prémédité. Et après avoir eu toutes les peines du monde à punir la bête immonde venu souiller leur idéal de vie familiale, le film choisit de s’achever sur un acte de cruauté tout à fait gratuit et faussement « jouissif ». (Attention ! Spoilers !) Faire exploser la tête de cette enflure de Krug à l’aide d’un micro-onde peut effectivement faire sourire et rassasier les amateurs de justice sauvage. Mais l’ironie discrète qui parcourt cet épilogue pose question : était-ce vraiment nécessaire ? Qu’est-ce que la satisfaction de mettre à mort le monstre qui s’est invité à notre table indique quant à notre degré de civilisation ? Cette simple touche d’humour noir venant conclure un film au demeurant très sombre, viscéral et sérieux fait toute la différence et place La dernière maison sur la gauche cuvée 2009 loin devant la concurrence. On pardonnera aisément à Denis Iliadis le seul véritable défaut de son film : un casting inégal et trop facilement dominé par un Garret Dillahunt bestial et répugnant.
Image
Le master de 2009, à la définition aussi aiguisée qu’une lame de rasoir et au grain marqué, répond à nouveau présent pour cette réédition signée BQHL. Un recyclage qui se justifie entièrement. La compression accomplit quelques miracles lors d’une dernière heure filmée dans la pénombre et sous une pluie battante. Un peu de fourmillement subsiste toutefois.
Son
Pour les ambiances et la profondeur de champ, mieux vaut opter pour la version originale ; plus équilibrée et moins centrée à l’avant qu’une version française au doublage un peu fade. Les hurlements, les coups de feu et les effets saignants sont forcément mis en valeur mais le score de John Murphy trouve un écrin idéal, entre dérapages synthétiques et plages atmosphériques.
Interactivité
Bonne nouvelle, on retrouve ici le choix entre la version cinéma et la version non censurée, sensiblement plus longue et mieux rythmée. Jean-François Dickell, critique pour le site Culturopoing, se lance dans une analyse souvent pertinente et replace le film de Wes Craven et le remake de Dennis Iliadis dans leur contexte respectif, citant d’ailleurs au passage des arguments de Jean-Baptiste Thoret. L’intervention demeure néanmoins à destination des néophytes et les initiés n’apprendront pas grand-chose. Dommage que l’on soit privé du making of de l’édition originale, aussi court soit-il, et que l’on ne récupère que les presque dix minutes de scènes coupées, pas forcément intéressantes. Un livret complète cette mise à jour dont la sortie précède de peu le méga-collector du film de 1972 chez ESC.
Liste des bonus
Présentation du film par le chroniqueur Jean-François Dickeli (29 minutes), Scènes coupées (9 minutes), Bande-annonce.