LA CROISIÈRE JAUNE
France – 1932
Support : Livre, Bluray & DVD
Genre : Aventure, Documentaire
Réalisateur : André Sauvage, Léon Poirier
Acteurs : Louis Audoin Dubreuil, George-Marie Haardt, Victor Point
Musique : Divers
Durée : 98 minutes
Image : 1.78
Son : Français DTS HD Master Audio mono
Sous-titres : Aucun
Éditeur : Carlotta
Date de sortie : 06/12/2022
LE PITCH
Financée par André Citroën, l’expédition de la Mission Citroën Centre-Asie, la Croisière jaune, doit relier Beyrouth à Pékin en véhicules autochenilles. Un premier groupe dirigé par Georges-Marie Haardt quitte le Liban le 4 avril 1931 pour retrouver à mi-chemin un second groupe parti de Pékin sous la conduite de Victor Point. Une quarantaine d’hommes, parmi lesquels des savants et des médecins, vont parcourir trente mille kilomètres à travers le Moyen et l’Extrême-Orient, bravant les intempéries, les défaillances mécaniques et les conflits politiques…
Marco ? Polo !
Grande aventure humaine, technologique, scientifique et ethnologie, La Croisière jaune suivit la fière expédition au travers de l’Asie centrale à bord d’autochenilles Citroën. En 1932 découvrir les limites du monde sur grand écran tenait encore du Blockbuster.
Après une première expédition au travers du Sahara et après avoir crée l’évènement avec ce qui fut rapidement appelé « La Croisière noire » (traversée donc du continent africain), le grand industriel et constructeur automobile André Citroën imagina décliner l’opération aux quatre coins du monde, non pas par altruisme mais bien dans l’optique de promouvoir encore et toujours le génie français, la performance technologique. Celle des fameuse autochenilles, véhicules tout terrain ultra performants et avant-gardistes pour l’époque, qui permettaient enfin d’accéder à certaines zones éloignées du globe et de transporter hommes et matériaux dans un « confort » inédit jusque alors. Trois semaines avant l’ouverture officielle de l’exposition coloniale de Paris, le départ est donné avec une équipe démarrant son périple de Tianjin en Chine, l’autre de Beyrouth dans le projet de se réunir autour de Xinjiang. Et le second groupe dirigé par Georges-Marie Haardt et Louis Audouin-Dubreuil, qui ont déjà participé aux deux précédents raids, s’accompagne d’une équipe cinématographique qui doit permettre à André Sauvage de témoigner de la glorieuse aventure. Bien entendu tout ne se passe pas comme prévu, certains fleuves ou montagnes deviennent de véritables casse-têtes et obligent à démonter puis remonter les véhicules, les chefs de guerre des plateaux ne sont pas toujours des plus accueillant, l’équipe chinoise est prise en otage en cours de route, la guerre civile fait toujours rage en Chine et le tout s’achèvera même par le décès brutal et mystérieux de Georges-Marie Haardt (mort chronique ? empoisonnement ?).
Les mondes perdus
Des épisodes réels mais qui tiennent du feuilleton, de l’épopée et qui délivrent à maintes occasions des paysages époustouflants, des témoignages visuellement bouleversants, des instants particulièrement forts, impressionnants et violents aussi parfois, comme ceux des charniers découverts sur la côte chinoise. Mais le réalisateur des célèbres Etudes sur Paris, André Sauvage, documentariste et poète, ne quettait pas forcément la performance, mais plutôt l’opportunité de rencontrer sur cette route de la soie, des peuples, paysages et cultures connues essentiellement par les romans d’aventures et les témoignages historiques. Il capture des images précieuses d’une humanité parfois encore vierge du contact avec l’envahissant occident, des peuples oubliés vivant comme leurs ancêtres dans des paysages arides ou luxuriants, célébrant la vie par leurs danses, leurs chants et leurs coutumes. Une approche profondément humaniste, que Sauvage imaginait pouvoir se passer d’ajouts audio, de toute façon peu convaincu par les résultats du nouveau matériel sonore embarqué. Des décisions artistiques qui sont très loin de satisfaire André Citroën qui trouve que le premier montage présenté, après de long mois de travail, s’avère trop long, trop silencieux et surtout ne mettant pas suffisamment sa propre personne, sa marque, mais aussi l’identité voire l’autorité civilisationnelle française, en valeur. Il rachète alors les droits à Pathé, évacue le pauvre cinéaste (qui quittera alors définitivement le monde du cinéma) et rappelle le Léon Poirier de La Croisière Noire pour remettre l’objet en forme et surtout y apposer un commentaire qui oscille entre le publicitaire (supportable) et le paternalisme colonial (beaucoup moins). Des heures de films disparus et surtout une optique gangrénée par un racisme omniprésent (on parle ici tout de même de notre belle race aryenne…) qui amoindrissent fortement la beauté de ce qu’aurait dû être cette Croisière Jaune.
Dans son montage survivant, La Croisière Jaune garde quelques fulgurance, la force d’un témoignage historique, dont on sait qu’on ne retrouvera jamais le premier montage, l’intensité du documentaire fleuve… Si ce n’est que l’édition concoctée aujourd’hui par Carlotta Films joue les trésors archéologiques. Mais pour ça, il faut se rendre du coté des bonus…
Image
A partir d’un scan 2K des négatifs retrouvés, les techniciens de la restauration ont véritablement opéré un travail de titan effacement progressivement toutes les imperfections les plus manifestes (griffures, taches, déchirures…), stabilisant les cadres et redorant fermement les contrastes noirs et blancs désormais merveilleusement argentiques. Certes le grain est toujours assez fluctuant et tous les photogrammes n’atteignent pas la perfection, mais pour un film de 1932 tourné dans des conditions loin d’être confortable, le résultat est plus que spectaculaire, assurant une homogénéité inédite et surtout une définition parfois estomaquante. Les visages, les montagnes, les villages, n’ont jamais paru si proches.
Son
La captation mono d’origine devait encore faire face à de nombreux défis et la technique était encore balbutiante en 1932. Les quelques minutes véritablement prises sur les lieux de tournages sont forcément abimées, marquées par un souffle, et le tout est souvent recouvert par quelques musiques typiques de l’époque, des bruitages ajoutées ou la voix off pontifiante. Reste que comme pour l’image, le DTS HD Master Audio marque une restauration appliquée et un résultat plus qu’honorable au vu du matériaux.
Interactivité
Aidé par les descendants d’André Sauvage, l’éditeur Carlotta est véritablement allé fouiller dans toutes les archives nationales afin de recomposer le programme le plus complet possible autour de La Croisière jaune. Tout d’abord en réunissant tous les courts métrages qui réutilisèrent de manière plus ou moins officielles des images de cette expédition. Produit dans les années suivantes, voir les décennies suivantes, Dans la brousse annamite (1936), L’Afghanistan (14’), La Perse (14’), Images indochinoises (1939), La Croisière jaune (1971), revisite certaines images déjà présentées, mais y ajoutent aussi parfois quelques plans et séquences inédites.
Cependant avec le segment « L’Autre croisière d’André Sauvage » c’est tout bonnement presque deux heures d’images brutes regroupant toutes les séquences survivantes ayant été collectées durant l’expédition. Rassemblées dans l’ordre chronologiques, elles permettent véritablement d’approcher au plus près de la volonté beaucoup plus contemplative du cinéaste de restituer la beauté des mondes qui se sont découverts devant lui. Et chacun des films ont été scrupuleusement restaurés à partir de scan 2K ou 4K des négatifs ou copies 35mm, tout comme les deux films presque familiaux Vues du Bois-des-Près – Un été 1977 et Chez André Sauvage, peintre, musicien, écrivain qui furent filmé sur sa propriété deux ans après sa mort. Une jolie manière de se rapprocher au plus près de l’homme et de l’artiste.
Ce qui est certainement le premier argument de l’imposant ouvrage dans lequel ont été rangés les disques Bluray et DVD. Un beau livre composé de textes introductifs et explicatifs, de photos d’archives mais aussi et surtout d’une compilation de la correspondante d’André Sauvage tout au long de ces longs mois. Des lettres presque uniquement adressées à son épouse et qui s’apparentent alors à des billets d’humeurs, à des instants d’excitation, de fascination, d’anecdotes ou de découragement mais où pointe constamment un amour certains pour les âmes rencontrées et bien entendu pour sa femme dont il se languit. Un véritable carnet de bord qui, associé aux suppléments vidéos, redessine peu à peu SA Croisière jaune.
Liste des bonus
Livre L’Aventure cinématographique de la Croisière jaune (396 pages), « L’Autre croisière d’André Sauvage » (exclusivité Blu-ray, 2022, N&B, 109’, muet), 7 courts métrages en version restaurée autour de la Croisière jaune et de son réalisateur André Sauvage : « Dans la brousse annamite » (1936, N&B, 25’), « L’Afghanistan » (1938, N&B, 14’), « La Perse » (1938, N&B, 14’), « Images indochinoises » (1939, N&B, 18’), « La Croisière jaune » (version courte, 1971, N&B, 18’), « Vues du Bois-des-Près – Un été 1977 » (1977, couleurs, 9’, muet), « Chez André Sauvage, peintre, musicien, écrivain » (1977, couleurs, 8’, muet).