LA COULEUR POURPRE
The Color Purple – Etats-Unis – 1985
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Steven Spielberg
Acteurs : Whoopi Goldberg, Danny Glover, Margaret Avery, Oprah Winfrey, Willard E. Pugh, Akosua Busia, Rae Dawn Chong, Laurence Fishburne…
Musique : Quincy Jones
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 anglais, Dolby Audio 2.0 français, allemand, italien…
Sous-titres : Français, anglais, allemand, italien…
Durée : 154 minutes
Éditeur : Warner Bros. Entertainment France
Date de sortie : 06 décembre 2023
LE PITCH
L’histoire de deux sœurs, Celie et Nettie, dans le cadre du Sud profond des Etats-Unis. Elles ont été séparées dès leur adolescence à cause de la brutalité de « Monsieur », un fermier qui a acheté Celie plus qu’il ne l’a épousée. Au fil des années longues et difficiles qui passent, Celie endure les pires vexations et subit l’humeur intolérante de son maître…
D’un monde à l’autre
Alors qu’une nouvelle version sortira sur les écrans le 24 janvier 2024, Warner ressort le « classique » de Steven Spielberg, date importante autant pour son casting intégralement noir, l’incroyable révélation de Whoopi Goldberg dans son premier rôle à l’écran et le passage d’un réalisateur adolescent à un monde plus adulte. Toujours aussi beau.
Puisqu’il est devenu un peu trop coutumier de regarder aujourd’hui d’un air suspicieux un réalisateur blanc qui mettrait en image une œuvre aussi marquée par la question identitaire, il est sans doute important que rappeler que Steven Spielberg n’était pas convaincu au départ d’être le meilleur choix pour mettre en image le roman à succès (et à polémique) d’Alice Walker. Lui, le jeune réalisateur d’origine juive et middle class, le spécialiste du cinéma fantastique moderne et du divertissement popcorn, avait-il la légitimité de conter un drame afro-américain se déroulant dans le sud profond des années 30 ? C’est Quincy Jones, le compositeur et orchestrateur de génie, qui va le pousser à passer le cap, bien entendu convaincu des qualités indéniables de l’artiste, mais aussi des portes que cela va ouvrir à Hollywood en termes de publicité et de production. Mais cette réflexion, ou du moins ce questionnement va amener le cinéaste à aborder les thèmes explorés bien plus frontalement dans le roman, avec minutie, chaleur et humanisme. La Couleur Pourpre n’a donc rien du manifeste franc que certains attendaient (comme Alice Walker) mais se veut avant tout un grand drame historique qui va plonger ses racines directement dans l’esthétique et le romanesque de l’époque abordée.
Sisters
Cinéphile, Spielberg réactive le mélange de candeur et de cruauté, d’humour aussi parfois, des grands mélodrames américains d’avant-guerre, teinte l’ensemble d’un misérabilisme de conte jamais très loin des œuvres de Dickens (directement cité dans le film) avec naturellement de grands accents de musical noir, blues et jazz, admirablement placés par quelques morceaux relevés et une partition poétique et excessive de Quincy Jones.
En apparence donc avec ses larges travellings, sa mise en scène limite grandiose, sa célébration constante d’une nature qui aurait dû rester idyllique (les allusions bibliques et au paradis perdu sont évidentes), la photographie généreusement colorée d’Allen Daviau, son récit qui s’étale sur près de 30 ans, La Couleur pourpre est un spectacle flamboyant, déchirant, sentimental et bien entendu optimiste qui ne boude jamais son classicisme. Mais dans le détail, ce portrait douloureux et chaleureux d’un petit bout de femme s’extirpant lentement mais surement de sa condition réussit à mêler universalisme, témoignage historique et questionnement plus profond sur les dégâts considérables provoqués par la ségrégation et le racisme. La force du film étant justement de mettre en image cette terrible vision d’un oppressé devenant oppresseur, ou quand le racisme systémique donne naissant à une culture paternaliste et machiste destructrice. Car il y avait pire condition que d’être noir dans ces années-là : être une femme noire. Une question ardue, complexe, mêlée ici avec féminisme fort et traité avec un naturel touchant, qui permet clairement au film de résister admirablement au temps.
Impossible bien entendu de ne pas associer à cette réussite l’incroyable performance d’une troupe d’acteurs investis, charismatiques et d’une rare justesse : Danny Glover terrifiant et pathétique en salopard violent, Oprah Winfrey en jeune femme puissante et indépendante tristement rattrapée par la réalité et bien entendu Whoopi Goldberg qui crève l’écran à chaque instant, tout en timidité, en tristesse, en regards rieurs, en affirmation et en fierté reconquise. Une très grande actrice pour un superbe film qui permit, entre autres, à son auteur d’entrer dans une maturité nouvelle qui ouvrira la voie à des projets comme Empire du Soleil, La Liste de Schindler ou Amistad.
Image
Le passage à l’Ultra HD se passe sans encombre pour La Couleur pourpre qui sans forcément être reparti pour une toute nouvelle restauration vient clairement sublimer les qualités du master précédent. L’image est toujours aussi pure, propre et ferme, et souligne mieux encore ses matières organiques et sa profondeur de champs. Une performance limpide et forte, au piqué indéboulonnable, mais qui surtout emporte largement l’adhésion grâce à des couleurs plus puissantes et contrastées, appuyant constamment sur l’aspect presque « Technicolor » du film et son appartenance à un cinéma d’autrefois. Le HDR10 est utilisé avec finesse et générosité pour un résultat lumineux et éclatant.
Son
Les pistes sonores sont les mêmes que celle déjà proposées sur le précédents Bluray avec de pauvres Dolby Audio pour les performances doublées (la vf est plutôt pas mal) et surtout un très ample et énergique DTS HD Master Audio 5.1 pour la version originale. Les atmosphères sont parfaitement installées, appuyant les sensations temporelles, et se mêlent admirablement avec les échappées chantées et les musiques mélodiques de Quincy Jones. Les dialogues sont clairs, équilibrés… rien à redire.
Interactivité
Depuis le très complet DVD collector, Warner n’a jamais eu trop à se prendre la tête pour ses éditions de La Couleur pourpre se contentant d’en reprendre systématiquement le matériel. C’est encore le cas ici avec des suppléments (en SD) présents aussi bien sur le disque Bluray que sur l’UHD et que l’on commence à connaitre par cœur. Pas vraiment gênant, ce long documentaire découpé en quatre parties, traverse toute la construction du film, du roman jusqu’aux musiques, de l’adaptation à l’écran jusqu’au choix du casting, de l’esthétique aux thèmes parfois polémiques. Tout y est abordé par les principaux intéressés (la romancière, Spielberg, Quincy Jones, les acteurs…) avec franchise et un habillage carré et efficace. C’était le bon temps des vrais Making of…
Liste des bonus
« Conversation avec les ancêtres » : du roman à l’écran (27’), « Un travail d’équipe » : casting et équipe technique (29’), « Cultiver un classique » : making of (24’), « La Couleur pourpre : la comédie musicale » (8’), Bandes-annonces originales.