LA CORRUPTION DE CHRIS MILLER
La Corrupción de Chris Miller – Espagne – 1973
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Juan Antonio Bardem
Acteurs : Jean Seberg, Marisol, Barry Strokes, Perla Cristal, Rudy Gaebel…
Musique : Waldo de los Rios
Image : 2.35 16/9
Son : Espagnol et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 113 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 mars 2024
LE PITCH
Années 1970, dans le Pays basque espagnol – Ruth Miller réside dans sa propriété avec sa belle-fille, Chris, psychologiquement instable suite à un viol. Ruth, quant à elle, souffre de névrose après avoir été abandonnée par son mari. Les deux femmes vivent dans un climat de peur, d’autant que, depuis plusieurs mois, la région est le théâtre d’une série de meurtres. Lors d’une nuit d’orage, un vagabond, Barney Webster, vient se réfugier dans la grange des Miller. Après un moment d’hésitation, Ruth l’engage comme homme à tout faire. Très vite, Barney va se livrer à un jeu de séduction auprès des deux femmes. Et s’il était le tueur ?
Amarillo
Comme tous les genres à succès, le giallo, bien italien, s’est lui aussi exporté dans toute l’Europe avec même quelques, rares, essais espagnols comme cette Corruption de Chris Miller qui se donne des petits airs de production internationale avec la présence de Jean Seberg et Barry Strokes dans les rôles principaux.
Pas forcément très mémorable la Jean Seberg, ex-icone des 60’s, qui semble très souvent distante, peu concernée par l’action. Un peu un fantôme de son ancienne gloire qui avouait n’avoir accepté le projet que pour des questions alimentaires et qui n’appréciait que très peu les aspects « racoleurs » du film. C’est que La Corruption de Chris Miller est bien ouvertement un film d’exploitation et qui, malgré la censure franciste, n’est pas des plus sages, grâce au scénario gentiment déviant imaginé par Santiago Moncada, auteur prolifique auquel on doit Une Hache pour la lune de miel, Et Sabata les tua tous, La Vengeance du zombie et même le pitch initial de Toutes les couleurs du vice. Un pied bien fermement planté dans le bis italien, qui permet de retrouver ici toute l’atmosphère trouble et douteuse, la pesanteur immorale et les regards et sous-entendus sulfureux d’une bourgeoisie livrée à elle-même du voisin méditerranéen. Avec ses petits airs de giallo à complot et les apparitions, volontairement déconnectées, d’un tueur se trimbalant masqué, en ciré jaune et une serpe à la main, il y a effectivement de quoi confondre.
La maison des femmes
Mais le film n’est pas un simple décalque d’un effet de mode populaire, et distille sa propre identité en faisant constamment cohabiter des univers presque antinomiques comme l’annonce de manière outrancière cette première séquence ou une grande diva se fait assassiner par son amant déguisé en Charlot. Le film lorgne ainsi très ouvertement vers le drame psychologique et son cœur tourne presque uniquement autour de la relation ambiguë mise en place entre Jean Seberg, femme abandonnée par son époux et tentant de s’échapper d’une vie d’ennui et de frustrations, sa belle-fille, jouée par la chanteuse Marisol, constamment hantée par les souvenirs d’un viol qu’elle a subi, et le visiteur hippie (cheveux, torse-poil et l’air canaille) campé par un Barry Strokes (Le Zombi venu d’ailleurs) qui ne sait plus à quels seins se vouer. Un triangle curieux sur fond de saphisme incestueux, où jalousies, envies, peur de l’abandon et mystères autour de l’identité du vagabond va finalement faire tomber la maisonnée dans le fait divers sordide et criminel. Si le métrage s’égare parfois dans des séquences languissantes et un scénario très (trop ?) disparate, il est régulièrement relevé de séquences particulièrement inspirées, dont un sublime supplice cathartique entièrement filmé dans un ralenti aussi cruel, que gothique et sensuel.
Ancienne figure du renouveau du cinéma espagnol dans les années 50, resté dans les mémoires pour des œuvres comme Mort d’un cycliste ou Grand rue, Juan Antonio Bardem (grand-père de Javier) fut aussi un farouche opposant du régime franquiste et son incarcération fit alors grand bruit. Mais en ce début des années 70, le cinéaste a été obligé de délaisser un cinéma personnel, très marqué par le néoréalisme italien, pour accepter quelques commandes plus commerciales comme la mini-série L’ile Mystérieuse avec Omar Shariff, le film d’horreur anticlérical La Cloche de l’enfer ou le présent La Corruption de Chris Miller. Un thriller forcément à l’arrivé assez curieux et jamais plus intriguant que lorsqu’il s’échappe de son cadre et de ses contraintes.
Image
Le Chat qui fume reprend ici le master produit par Vinegar Syndrome en 2019. Un impressionnant travail de restauration effectué à partir d’un scan 4K des négatifs qui permet véritablement au film de renaitre, loin très loin, des vieilles copies maculées qui ont circulé pendants des années. En dehors de rares points blancs, petites traces, légères zones de décoloration et les deux génériques très abimés, la copie est vraiment superbe s’appuyant sur une définition extrêmement précise, des matières organiques et vibrantes et une colorimétrie riche et contrastées aux pourpres et aux verts éclatants.
Son
Le film n’ayant été présenté en son temps en France que dans un montage raccourci, la version doublée proposée est forcément incomplète et laisse régulièrement la place à des passages en vost. Le doublage et la piste étaient plus de bonne qualité, mais on préfère forcément largement la version espagnole, plus juste dans son ton et son énergie, avec un mono bien équilibré, clair et franc.
Liste des bonus
Bande-annonce (3’).