LA CLÉ & MIRANDA
La Chiave, Miranda – Italie – 1983, 1985
Support : Bluray & DVD
Genre : érotique, drame
Réalisateur : Tinto Brass
Acteurs : Stefania Sandrelli, Frank Finlay, Franco Branciaroli, Barbara Cupisiti, Serena Grandi, Andrea Occhipinti…
Musique : Ennio Morricone, Riz Ortolani
Image : 1.66 et 1.85 16/9
Son : Italien et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 99 minutes
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 22 août 2023
LE PITCH
La Clé : En 1940 à Venise, deux journaux intimes relatent la face cachée de la vie amoureuse d’un couple. Leur lecture réciproque est soupçonnée et à la fois souhaitée par le mari et la femme. Ce stratagème permet une communication intime qu’une confrontation directe rendrait difficile.
Miranda : Au début des années cinquante, une jeune femme, provocante et sensuelle, attend le retour de son mari, porté disparu à la guerre. Elle est courtisée par de nombreux hommes.
La Voce della luna
Erotomane fameux, réalisateur culte de perle décadentes comme Salon Kitty et Caligula, Tinto Brass a par la suite cultiver une carrière plus discrète, moins grandiloquente, ou sa caméra s’est inévitablement recentrée sur la femme… et en particulier son arrière-train.
C’est qu’abimé par le remontage et le caviardage de ce qu’il aurait voulu comme son grand chef d’œuvre Tinto Brass, choisit de prendre de la distance avec les projets luxueux, avec le cinéma dit « sérieux » quitte à bifurquer très loin des contrastes qu’il aimait mettre en évidence entre la dégénérescence des empires et l’explosion d’une sexualité débridée. D’ailleurs lorsqu’il explore à nouveau les affres de l’Italie fasciste, ceux-ci ne servent plus essentiellement que de toile de fond. Un chaos en arrière-plan qui présente dans La Clé la Venise de Mussolini comme un décor fastueux, mais désincarné, où une femme d’âge mur va se redécouvrir, se libérer par l’exploration de ses pulsions et de ses infidélités avec des hommes plus jeunes. Tournés à deux ans d’écart, La Clef et Miranda sont intimement proches, montrant deux personnages féminins totalement désintéressés par la grande histoire qui se déroule devant elles, regrettant surtout le départ ou la disparition des hommes sur le front, plus occupées par leur propre anatomie et le besoin indéfectible d’effondrer les barrières de leur pudeur.
Petite mort à Venise
Véritable tournant dans une carrière jusque-là relativement classique pour un cinéaste italien (du néo-réalisme, du western, du thriller, du drame…) La Clé permet à Tinto Brass de devenir début des années 80 LE réalisateur star du cinéma érotique féminin, fonctionnant comme un véritable manifeste pour la libération de la femme. Ou plus précisément de toutes les femmes. Dans un pays toujours aussi machiste et souvent centré sur la virilité, La Clé montre un mari (le très british Frank Finlay) qui va offrir à sa femme l’accès à son journal intime et donc à ses fantasmes les moins avouables. Une mise à nue qui donne à cette dernière (désirable Stefania Sandrelli) la possibilité de s’extraire de ses postures morales, et d’expérimenter avec bonheur toutes ses envies. Rejet des carcans vertueux, femme qui prend le pouvoir de sa sexualité, fascination superbe pour les fesses de ses héroïnes et leur nudité frontale… Brass rejoint avec suavité les BD sexy de Milo Manara. Particulièrement délicat dans la construction de ses plans, citant à maintes reprises des classiques de l’art pictural (L’origine du monde), La Clé est tout autant celle qui délivre la plantureuse Stefania Sandrelli (Jambon Jambon, L’opportuniste) que celle qui ouvre le spectateur vers le fétichisme de son auteur.
Les saisons du plaisir
Un drame conjugal auquel va donc rapidement répondre le beaucoup plus léger Miranda, où là le point de vue de l’époux disparait par état de fait (il est mort à la guerre) et laisse totalement l’héroïne libre de ses fantasmes et de ses mouvements. La plantureuse et impudique Barbara Cupisti (qui va rapidement devenir une star du genre) remplace Stefania Sandrelli, mais la caméra de Brass est toujours portée sur ces mêmes anatomies qui contrastent fortement avec les canons de beautés actuels. S’il y a métamorphose dans Miranda, c’est presque dans le sens inverse de La Clé puisque cette dernière n’a aucun mal à changer d’amant, à en côtoyer plusieurs en même temps et à s’exhiber joyeusement pour faire monter la température, mais peine plutôt à reconstruire sa vie et un vrai couple. Petite chronique sentimentale plus franchement portée sur la paillardise dans un pays qui se reconstruit laborieusement après-guerre, mais où l’anecdote et les petits épisodes saisonniers semblent plus prétextes à de simples tableaux d’érotomane. Le film séduit toujours autant par la désinvolture de ses représentations sexuelles et par sa célébration d’un corps féminin généreux, rond, plein et n’ayant pas encore connu le diktat de l’épilation à tout prix, sans doute un peu moins par un traitement languissant plus complaisant.
Peu importe, la machine Tinto est lancée et les 13 film qui suivront (jusqu’en 2009 !) ne feront plus que creuser ce même sillon avec plus (un petit faible pour le très sympathique Monella et Anna Ammirati) ou moins de bonheur et d’inspirations.
Image
Identiques aux copies internationales des films (versions uncut donc), celles présentées par Sidonis Calysta sont donc elles aussi un peu décevante dans leur rendu et leur précision. La remasteration s’est manifestement faite à partir de sources datées et l’utilisation de divers filtres et remaniement numériques qui occasionnent un rendu constamment doux et recouvert d’un voile. La définition est donc constamment sur la retenue, la profondeur le plus souvent réduite, même si effectivement l’ensemble est plutôt propre.
Son
Versions italienne et française nous parviennent avec des DTS HD Master Audio 2.0 sobres et frontales. Pas de défauts majeurs à signaler si ce n’est comme toujours un écrasement marqué de l’arrière-plan par le doublage français. L’ensemble reste clair et appréciable.
Interactivité
Sidonis met bien évidement La Clé en avant avec un livret exclusif de 60 pages rédigé par Olivier Père (Arte) qui retrace avec talent les rapports de Tinto Brass avec l’érotisme et le corps féminin. Le disque propose lui une présentation du film pas François Guérif, qui resitue le film au tournant de la carrière du metteur en scène et revisite les émois que le film avait alors pu procurer. On retrouve aussi une longue rencontre avec le metteur en scène, enregistré par les Italiens de Raro Video, qui pour le coup raconte effectivement son rapport aux genre érotique, ses premières émotions sensuelles au cinéma et le tournage du film.
Tout comme François Guérif qui souligne l’aspect cul de plus en plus affirmé de Miranda, le réalisateur est présent sur l’édition du second film via deux interviews distinctes. Le changement d’actrice et la découverte de Serena Grandi, l’adaptation du roman, le découpage en saison, les petits liens avec le contexte historique et le casting masculin, sont évoqués dans les deux items qui ont forcément un peu tendance à se répéter.
Liste des bonus
La Clé : Le livre « Tinto Brass, toutes les couleurs de l’érotisme » par Olivier Père (60 pages), Présentation par François Guérif (10’), Scène coupée (4’), Le Journal secret interview de Tinto Brass (28’), Bande-annonce
Miranda : Présentation par François Guérif (12’), Les Secrets de la belle aubergiste interview de Tinto Brass (12’), Conversation avec Tinto Brass (25’), Bande-annonce.