LA CITÉ DES ENFANTS PERDUS
France– 1995
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Fantastique
Réalisateur : Jean-Pierre Jeunet, Marc Caro
Acteurs : Ron Perlman, Daniel Emilfork, Judith Vittet, Dominique Pinon, Jean-Claude Dreyfus, Ticky Holgado, Rufus, Jean-Louis Trintignant
Musique : Angelo Badalamenti
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 5.1, Anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Anglais
Durée : 112 minutes
Éditeur : Intersections
Date de sortie : 29 mars 2023
LE PITCH
Dans un pays imaginaire, peuplé d’incroyables créatures de foire, un monstre et son armée de clones capturent des enfants pour voler leurs rêves et essayer ainsi de trouver le secret du bonheur. Un des enfants capturés est l’ami de Miette, une jeune orpheline, qui décide de tout faire pour le retrouver, avec l’aide de One, un sympathique colosse. Au bout d’aventures rocambolesques dans cet univers de bande dessinée, Miette et One, aidés par les uns et poursuivis par les autres, parviendront à leurs fins et démantèleront le réseau maléfique des « voleurs de rêves »…
Chimérique
Même si l’étrange duo formé par Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet avait déjà émerveillé le cinéma français avec le moyen métrage Le Bunker de la dernière rafale et leur premier long Delicatessen, rien ne préparait vraiment au choc, esthétique et technique, de La Cité des enfants perdus. Un rêve de cinéma, l’un de ces petits miracles français apparu comme par enchantement et qui a fait beaucoup, beaucoup, de petits.
Régulièrement le cinéma français se ré-imagine, comme autrefois, en usine à rêve, croisement d’un élan populaire, imaginaire et poétique, et exploration d’un savoir-faire artisanal du 7ème art. Dans ces résurgences modernes d’une approche purement hexagonale on trouve en 1995 La Cité des enfants perdus, production pharaonique à plus de 17 millions d’euros, imposant immédiatement son ambition avec un mélange impressionnant de décors gigantesques et uniques occupant jusqu’au moindre millimètre les studios d’Arpajon, et de performances numériques ultra modernes (et toujours convaincantes) signées Pitof et la Buf Compagnie. Mieux encore, le film pioche allègrement une nouvelle fois parmi les plus belles trognes du métier bien de chez nous, entre Jean-Claude Dreyfus en dompteur émotif de puces et Dominique Pinon qui se démultiplie, ravive le souvenir d’une cinéphilie passée avec la voix inimitable de Trintignant en cerveaux dans un bocal ou le phrasé théâtral et emprunté du légendaire Daniel Emilfork, mais allant aussi draguer une certaine internationalité avec le massif Ron Perlman en monsieur muscle un peu simplet et les compositions hantées et mélancoliques d’Angelo Badalamenti. On n’est alors plus du tout étonné de croiser en cours de route des costumes tout en rayures et en déconstruction de formes signés Jean-Paul Gaultier ou une photographie léchée à l’extrême concoctée par Darius Kondji.
Rêveur
La crème de la crème au service non pas d’un divertissement populaire boursouflé, d’une comédie lourdaude sur les particularismes régionaux ou une tentative veine d’approcher l’action américaine, mais bien de l’imaginaire national fait de bric et de broc, de collages improbables entre l’esthétique du muet, du cartoon, de la BD, déjà pas si loin de l’image d’Épinal, mais teintée par la noirceur et les mécaniques étranges d’un Marc Caro toujours marqué par son expérience sur Métal Hurlant (la secte de tueur cyclopéens est directement issu d’un de ses vieux « crobars »). Un imaginaire foisonnant, vibrant, débordant à chaque image et entrainant véritablement le spectateur dans un univers unique à la Peter Pan mais en mode rétrofuturiste. Une démonstration de force visuelle soit, mais avec cette aspiration constamment enfantine entre rêve et cauchemars, enfants perdus et adultes désolés de grandir où tout n’est question que d’innocence à retrouver et de songes volés par un vilain scientifique fou et pathétique. Véritable film de monstres à la beauté époustouflante, voyage inquiétant au romantisme affolant, monde désespéré mais à la fougue revigorante, cette ultime vraie collaboration entre Jeunet et Caro (ce dernier apportera de petites touches sur le Alien Résurrection de son vieux copain) se souvient encore que le 7ème art est avant tout une invitation vers un ailleurs, un grand spectacle projeté dans au fond d’une pièce obscure.
Un peu boudé par une critique pantouflarde à sa sortie en France (mais il deviendra rapidement culte), La Cité des enfants perdus sera perçue aux États-Unis comme un véritable phare montrant la voie. Alex Proyas (Dark City), Henry Selick (Coraline), Guillermo Del Toro (La Forme de l’eau) et beaucoup d’autres, ne l’ont jamais oublié.
Image
Comme en parle depuis longtemps Jean-Pierre Jeunet dans ses différents commentaires, et ici encore dans la nouvelle interview, à cause du procédé d’étalonnage initial le film avait toujours été marqué par des teintes plaquées et des noirs bouchés. Pour rectifier cela, il fallait donc retourner à la source, comme cela a été le cas ici avec un nouveau scan 4K du négatif 35 mm. Nettoyage d’envergure, stabilisation des bords et du grain pour les 80% du film sans retouches numériques, et travail de débruitage et d’harmonisation HD pour le reste. Outre une définition incomparable avec ce que l’on avait connu jusque-là, le nouveau traitement des couleurs en Dolby Vision, en adéquation enfin avec les volontés initiales, beaucoup plus subtiles, variées et proches du rendu pellicule, permettent de refaire apparaitre de nombreux détails et effets quasiment invisibles jusque-là. On notera bien quelques courts plans (vaporeux à l’origine) un peu bousculés par un tel traitement, mais La Cité des enfants perdus n’a bien entendu jamais été aussi beau, aussi organique et filmique dans son rendu, avec au passage des effets numériques (les puces, les collages des clones…) plus que jamais performants et admirablement intégrés.
Son
On retrouve le DTS HD Master Audio 5.1 déjà entendu sur le précédent Bluray et qui s’avérait tout à fait convaincant. Loin des vieilles stéréos plaquées la version française retrouvait son élégante amplitude, sa minutie d’effets spatiaux accompagné d’une limpidité constante des dialogues. On espérait un peu l’apparition d’une toute nouvelle pistes Dolby Atmos question de vraiment marquer le coup.
Interactivité
Proposé dans un Mediabook avec fourreau cartonné, La Cité des enfants perdus version UHD contient un tout petit livret piqué dans sa reliure. Quelques photos du film, du storyboard ou du costume et une note très précise sur la restauration l’habille un peu. Autre supplément inédit, et très attendu, Jeunet et Caro sont enfin réunis pour une interview presque « 30 ans après ». Quelques souvenirs autour de l’aventure du tournage sont partagés, on y discute aussi de la restauration du film, des effets numériques, de séquences jamais tournées faute de budget, de l’arrivée de Perlman et Badalamenti, de la réception américaine et même de l’apparition éclair de Gad Elmaleh en figurant. Sympa mais le journaliste (pourtant pas un débutant) ne semble pas franchement préparé ou peu inspiré dans ses questions, et on aurait certainement apprécié que l’échange aille beaucoup plus loin (références esthétiques, acteurs français…).
On retrouve en outre bien entendu le commentaire audio très précis et didactique déjà connu depuis le DVD collector et sur le Bluray tous les suppléments vidéos de celui-ci. A savoir donc l’excellent Making of du film réalisé par Marc Caro en personne, les vidéos de coulisses par Jeunet et la petite rencontre avec un Jean-Paul Gautier enthousiasmé par son expérience.
Liste des bonus
Un livret (32 pages), Commentaire audio de Jean-Pierre Jeunet, « Les Enfants de la cité perdu » : making of réalisé par Eric Caro (1995, 26’04”), Archives de Jean-Pierre Jeunet : masters HI-8 de Jean-Pierre Jeunet sur le tournage du film (montage 2001, 13’37”), Interview de Jean-Paul Gaultier : extrait d’Écran Total du 19 mai 1995, Paris Première (montage 2001, 3’24”), « Entretien avec Jeunet & Caro » par Philippe Rouyer (Studiocanal, 2023, 28’41”).