LA CHEVAUCHÉE DE LA VENGEANCE
Ride Lonesome – Etats-Unis – 1959
Genre : Western
Réalisateur : Budd Boetticher
Acteurs : Randolph Scott, Pernell Roberts, James Coburn, Karen Steele, James Best, Lee Van Cleef…
Musique : Heinz Roemheld
Durée : 73 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Anglais, français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Editeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 20 septembre 2021
LE PITCH
Le chasseur de primes Ben Brigade arrête le meurtrier Billy John pour l’emmener à la potence à Vera Cruz. Sur sa route, il rencontre et fait équipe avec une femme dont le mari vient d’être tué par les indiens, ainsi que deux hors-la-loi qui veulent s’emparer de Billy pour être amnistiés. De plus, l’ombre de Frank, le frère de Billy et une vieille connaissance de Brigade, plane sur le « convoi » ….
Au pied de mon arbre…
Sur un scénario des plus conventionnels, un homme solitaire souhaitant accomplir sa vengeance, Budd Boetticher magnifie pourtant ce western grâce à une réalisation épurée et de superbes acteurs. La Chevauchée de la vengeance est d’ailleurs régulièrement citée comme une source d’inspiration par de grands réalisateurs comme Tavernier, Eastwood, Tarantino ou Scorsese…
Dès les premières minutes du film, Budd Boetticher plante le décor : un long plan-séquence où on distingue un homme seul perdu dans un paysage aride et rocheux s’approchant de sa proie. Une première scène à l’image du reste du métrage où la réalisation épurée fait merveille. L’utilisation de plans larges en Scope, un tournage intégral en extérieur, un montage calibré et de longues séquences magnifiées par la photographie de Charles Lawton rendraient presque ce film désuet tant le cinéma actuel use de procédés différents. Mais au contraire, la « patte » Boetticher est un modèle d’efficacité et en 73 petites minutes un chef d’œuvre du genre accouche sous nos yeux admiratifs. Et on ne se lassera jamais de ce splendide final et de cet arbre aux pendus, magnifique métaphore du mal qui ronge notre héros.
Au-delà de la forme, le réalisateur de Sept hommes à abattre n’abandonne pas le fond de son histoire surprenante à plus d’un titre et qui s’avère une véritable partie de poker où chacun cache son jeu tout en cherchant à découvrir celui des autres. Malgré un scénario des plus simples au premier abord (une énième histoire de vengeance, un héros solitaire), la galerie de personnages complexes échappe finalement aux stéréotypes du genre. D’ailleurs, le rôle tenu par Randolph Scott nous fera penser aux pistoleros solitaires et silencieux du western italien, et ses « adversaires » d’infortune semblent avoir inspiré Tarantino et ses galeries de « méchants » sympathiques, mais aussi stupides, sadiques…
Trois hommes dans l’Ouest
Sergio Leone pourrait aussi s’être inspiré du travail de Boetticher dans son Il était une fois dans l’ouest, avec son héros vengeur mutique, son Cheyenne qui nous fait songer au rôle tenu par Pernell Roberts notamment par son interaction avec la veuve Karen Steele, cette potence au milieu de nulle part sorte d’arbre aux pendus façon Leone… L’italien lui aurait d’ailleurs dit au détour d’un festival : « Budd, je t’ai tout volé ! ». On peut également ajouter que Lee Van Cleef et James Coburn (tous deux présents dans de petits mais beaux rôles) retrouveront le maître du western italien la décennie suivante.
Enfin La chevauchée de la vengeance est le sixième des sept westerns tournés par trois hommes incontournables du Far West : le réalisateur Boetticher, son scénariste Burt Kennedy et bien sûr Randolph Scott. Avec des films comme Decision at Sundown ou Comanche Station, cette série est devenue culte grâce à ce trio qui en reprenant les mêmes éléments d’un film à l’autre (vengeur solitaire, seconds couteaux prenant le « dessus », simplicité et efficacité de la mise en scène…) donna de nouvelles lettres de noblesse au genre, malgré le côté indépendant de leurs films.
Image
Une version impeccable qui rend hommage à la photographie de Charles Lawton qui travailla également avec John Ford ou Orson Welles. La profondeur de champ est impressionnante et les couleurs bien rendues. Peu ou pas de défauts à déclarer.
Son
Deux versions Mono de qualité. La ritournelle de Heinz Roemheld est des plus agréables. Même si nous préférons toujours la version originale, la VF est également de qualité.
Interactivité
Comme toujours, Sidonis nous gâte avec des bonus passionnants ! Ainsi Martin Scorsese nous apprend qu’il cite bien souvent ce film comme référence aux jeunes acteurs jouant des rôles de solitaire. Un autre grand réalisateur, Bertrand Tavernier, nous parle, le temps de deux bonus, de son ami américain Burt Boetticher qu’il connaissait bien. Une rencontre qui commença de façon épistolaire…depuis une prison américaine puisque l’américain était enfermé pour cause de dettes ! Il nous rappelle aussi que Eastwood était fan du réalisateur et que c’est Boetticher qui scénarisa Sierra Torride en 1970.
De son côté, Patrick Brion nous confie que Pernell Roberts devait mourir à la fin dans la première mouture du scénario, mais « je l’ai tellement apprécié que j’ai voulu l’épargner » dira Boetticher. Jean-François Giré, admiratif devant la simplicité et la richesse de la mise en scène, nous prévient aussi que le cinéaste américain aimait brouiller les cartes et que les apparences sont souvent trompeuses dans ses films.
Enfin, le documentaire Master of Western est un petit joyau pour les amoureux du western américain. On revient surtout sur Sept hommes à abattre, le premier film de la série, et on en apprend plus sur un auteur qui était fan de tauromachie. Il devient toréador au Mexique dans sa jeunesse, et réalisa deux films sur le sujet : La dame et le toréador ainsi que Arruza. On appréciera de retrouver les bobines de messieurs Eastwood, Tarantino ou Peter Bogdanovich nous racontant leur dévotion pour Boetticher ou nous expliquer que John Wayne produisit des films de Boetticher mais ne tournera malheureusement jamais avec.
Liste des bonus
Présentation par Martin Scorsese (5’), Présentation par Jean-François Giré (10’), Présentation par Patrick Brion (7’), Budd Boetticher par Bertrand Tavernier (23’), Présentation par Bertrand Tavernier (24’), Budd Boetticher, Master of Western (49’), Bande-annonce (2’), Bande-annonce commentée (2’).