LA CHAMBRE D’À COTÉ

The Room Next Door – Espagne, Etats-Unis – 2024
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Pedro Almodóvar
Acteurs : Julianne Moore, Tilda Swinton, John Turturro, Alessandro Nivola, Juan Diego Botto…
Musique : Alberto Iglesias
Durée : 107 minutes
Image : 2.39 16/9
Son : Anglais et Français DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Pathé
Date de sortie : 14 mai 202
LE PITCH
Ingrid et Martha, amies de longue date, ont débuté leur carrière au sein du même magazine. Lorsqu’Ingrid devient romancière à succès et Martha, reporter de guerre, leurs chemins se séparent. Mais des années plus tard, leurs routes se recroisent dans des circonstances troublantes…
L’accompagnatrice
Après avoir résisté des années durant aux sirènes du cinéma américain, Pedro Almodovar a finalement « abdiqué » livrant avec La Chambre d’à coté son premier long métrage en langue anglaise. Mais l’artiste ne s’est pas vendu loin de là, et le film est à son image, prolongement de ses drames intimes, de ses réflexions sur la vie et de ses portraits de femmes… éblouissantes de sincérité.
Certainement le cinéaste espagnol le plus plébiscité à travers le monde, et auteur d’une filmographie à la cohésion imposante, Pedro Almodovar aura forcément attirer sur lui le regard des producteurs américains, rêvant de le voir prendre les commandes, entre autres, d’un Sister Act ( !!!) dans les années 90 ou déjà plus logiquement d’un Brockeback Mountain la décennie suivante. Mais le cinéaste s’est toujours méfié, craignant effectivement de se perdre dans le système hollywoodien, de ne devenir qu’un simple artisan au service d’une large entreprise. Alors, intrigué tout de même, il s’est quelque peu mouillé la nuque avant de plonger en signant les deux courts métrages La Voix humaine d’après Cocteau (déjà avec Tilda Swinton) et surtout le western « gay » Strange Way of Life avec Ethan Hawke et Pedro Pascal, puis a assuré ses arrières en plaçant sa société, El Deseo, comme coproductrice et en tournant partiellement le film en Espagne en compagnie de son équipe habituelle. Surtout le thème lui-même du film, une femme, atteinte d’un cancer incurable qui demande à une vieille amie de rester proche d’elle dans ses derniers jours, jusqu’à son suicide, à quelque chose de profondément anti-hollywoodien. Une amitié retrouvée soit, deux femmes qui ont partagé quelques aventures, quelques amants, mais qui ne tombent jamais ici dans la comédie des retrouvailles, dans la virée folle et joyeuse américaine.
Femmes miroirs
A l’image de l’interprétation fascinante de Tilda Swinton, plus fantomatique mais vivante que jamais, et de celle incroyablement fragile et émotionnelle de Julianne Moore, cette camaraderie féminine est traitée avec une grande subtilité, énormément de naturel et une affection qui esquive le moindre cliché, la moindre facilité d’écriture. Touchantes, complètes, réelles même, Martha et Ingrid sont moins les outils d’un sujet à débat (pour Almodovar la question de l’euthanasie est réglée depuis longtemps), que le portrait délicat de ce choix de la mort, et des derniers jours, des dernières heures, des derniers beaux moments qui la précède. Sans doute que là Almodovar se montre plus en retenue qu’à l’accoutumée, délaissant quelques extravagances ibériques au profit d’une rigueur plus proche du cinéma indépendant américain, mais c’est moins en baissant les armes qu’en acceptant une culture plus feutrée. Et cette idée d’un adieu à la vie, sans grande folies ou crises de larmes, est constamment enluminé par une douce poésie, évocation du temps passé et du temps qui passe, d’erreurs et d’incompréhensions (ici une fille avec qui est né une grande distance), constamment sublimé par une omniprésence presque magique de l’art sous toutes ses formes.
Peinture, photographie, mode, musique et cinéma rattachent finalement plus à l’existence que toutes les conversations du monde et rarement un film parlant autant de la mort aura été aussi coloré, presque joyeux dans sa photographie et ses cadres. Un ultime pied de nez à la fatalité et à la disparition, qu’Almodovar filmerait presque parfois comme un thriller Hitchcockien (on n’est jamais très loin de Vertigo jusque dans les compositions tendues d’Alberto Iglesias), mais où le crime n’en est pas un, simplement une reprise en main sur le destin et un passage de relais de femme à femme.
Image
Tout simplement superbe, la copie HD hérité d’une source numérique 4K assure des cadres virginaux et lumineux, toujours creusés, fermes et au piqué impeccable. Parfait dans sa définition, intense dans ses contours et particulièrement généreux bien entendu dans sa restitution des contrastes et des couleurs, centrales dans le dispositif du film. Vraiment dommage dès lors que le métrage n’ait pas eu les honneurs d’une sortie UHD, qui aurait littéralement sublimé chaque tableau.
Son
Versions originale, anglaise, et française sont proposées autant dans une stéréo classique mais bien menée pour les installations économiques, et un DTS HD Master Audio 5.1 beaucoup plus ample et dynamique. Pas de grandes effusions ou d’échappées spectaculaires, mais un jeu délicat et généreux sur les atmosphères feutrées et surtout les ambiances naturelles, comme cette vision d’une forêt au petit matin avec une brise traversant les arbres et quelques oiseaux chantant déjà. On s’y croirait.
Interactivité
On passera rapidement sur les images du tournage et celles de l’enregistrement de la bande originale, présentées dans des versions brutes et sans commentaires, pour se tourner soit vers les interviews solo d’Almodovar et Julianne Moore, soit vers la rencontre public de l’équipe du film. Ces éléments évoquent effectivement les mêmes thèmes et questions (le suicide assisté, le choix des deux actrices, l’omniprésence de l’art, le premier film américain du cinéaste…). On préfèrera personnellement le second, permettant d’avoir quelques interventions de Tilda Swinton en prime et un ton général moins cadré.
Liste des bonus
Masterclass de Pedro Almodóvar, Tilda Swinton et Julianne Moore (20’), La bande originale du film (4′), Le Tournage (4’), Entretien avec Pedro Almodóvar (8’), Entretien avec Julianne Moore (9’).