LA BÊTE DE GUERRE
The Beast of War – Etats-Unis – 1988
Support : Bluray
Genre : Guerre
Réalisateur : Kevin Reynolds
Acteurs : George Dzundza, Jason Patric, Steven Bauer, Stephen Baldwin, Donald Patrick Harvey…
Musique : Mark Isham
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et Français DTS Master Audio 2.0
Sous-Titres : Français
Durée : 111 minutes
Editeur : ESC Édition
Date de sortie : 5 janvier 2022
LE PITCH
Pendant la guerre d’Afghanistan, en 1981, une troupe de soldats soviétiques, commandée par un homme très dangereux, se perd dans le désert. Les hommes, en pleine mission de destruction de villages et d’élimination de civils, deviennent alors les cibles des habitants, armés pour se défendre…
Duel au soleil
La guerre, c’est mal. C’est sanglant et très violent. En 1988, le réalisateur Kevin Reynolds en apportait une illustration coup de poing avec La Bête de Guerre, une œuvre puissante qui n’a rien perdu de sa pertinence.
Le réalisateur Kevin Reynolds a connu son moment de gloire et les sommets du box-office au début des années 90 au côté de Kevin Costner pour Robin des Bois, prince des voleurs (1991), avant de sombrer dans les limbes d’Hollywood avec les échecs successifs de Rapa Nui (1993) et surtout le désastre critique et publique Waterworld (1995). Un cinéaste mésestimé qui avait auparavant secoué le cocotier hollywoodien et marqué les esprits avec un film de guerre âpre et violent : La Bête de guerre, sorti en 1988. Le film est l’adaptation de la pièce de théâtre Nanawatai de William Mastrosimone, et illustre l’errance d’un escadron soviétique se déplaçant dans un char de combat, isolé en pleine guerre d’Afghanistan en 1981. Après avoir massacré un village moudjahidin, ils se trouvent traqués par un groupe de résistants afghans criant vengeance. Kevin Reynolds prend son sujet au premier degré et choisit de filmer son histoire dans un style brut, aux accents quasi-documentaires. Pour cela, il ne s’interdit aucun débordement de violence et dès l’ouverture du film, compose une scène choc lorsque les soldats soviétiques s’adonnent à une véritable boucherie sur le peuple afghan. Une séquence qui, d’emblée, donne le ton, pose les bases d’un récit qui expose sans concession la barbarie, les atrocités ainsi que la folie engendrée par le conflit. Celles des soldats soviétiques dans un premier temps, montrés comme littéralement sous l’emprise du conflit, capables des pires atrocités. Mais le film a cette particularité précieuse et pas si courante à l’époque de ne privilégier aucun des deux camps : on suit autant le point de vue des Soviétiques que des Moudjahidins. Ainsi, au massacre d’ouverture, le film oppose en dernière bobine une vengeance pas moins sanglante, dans une référence à peine voilée à David contre Goliath, à l’issue d’une traque aliénante.
“C’est pas ma guerre…”
L’approche peut sembler un peu naïve, elle n’en reste pas moins pertinente de la part de Kevin Reynolds qui place sur un même plan les exactions des deux camps. Ici, pas de personnages positifs ou négatifs, tous cèdent à un moment ou un autre à leurs plus bas instincts, que ce soit la soif de sang et la démence côté soviétique, ou la vengeance et la survie côté afghan. Les femmes ne sont d’ailleurs pas épargnées, prêtes à prendre les armes et à lyncher l’ennemi. D’où un discours évident se dégageant du film : la guerre rend absolument barjo et les exactions des uns finissent toujours par se retourner contre eux (à l’image de la mare empoisonnée). On est très clairement à des années lumières de la représentation du guerrier américain, de l’héroïsme béat à la Rambo III de Peter MacDonald, sorti la même année et évoquant également le conflit afghan sous un tout autre spectre. A ce titre, le personnage central, interprété par Jason Patric, loin du soldat héros, est lui-même un personnage totalement dépassé par les événements, balancé entre les deux camps. Trahi par les siens, il bascule chez l’ennemi et grâce à ses connaissances, devient le bras armé des moudjahidins. De son récit implacable et son approche réaliste, le film bascule progressivement vers une forme d’abstraction, à mesure que le char progresse dans ces paysages désertiques. Et malgré leur immensité, c’est une sensation d’enfermement, de claustrophobie et d’inéluctabilité qui finit par dominer, tant les personnages semblent prisonniers d’un désert prenant les atours d’un purgatoire à ciel ouvert, un monde qui n’a plus grand chose à voir avec le réalisme. A cet égard, la représentation du char soviétique, énorme monstre d’acier (The Beast en VO), s’approche elle-même d’une incarnation presque maléfique, à l’image de ce qu’a pu faire Spielberg et le camion de Duel, à grand renfort de bruitages bestiaux.
Œuvre rude, âpre, La Bête de Guerre reste aujourd’hui un film de guerre de tout premier ordre. Un condensé de folie guerrière, au discours marquant et à l’efficacité redoutable, dont la mise en scène de Kevin Reynolds, paradoxalement aussi rugueuse que cinégénique, annonce une maîtrise malheureusement trop peu exploitée par la suite, la carrière du cinéaste ayant vrillé après le pourtant bien sympathique Waterworld…
Image
Cette édition HD se base sur une copie tirée de la pellicule 35 millimètres d’origine et offre une image assez belle à défaut d’être parfaite, en raison de nombreuses taches et autres griffures persistantes. Le grain de la pellicule reste très prononcé, ce qui est plutôt un bon point. Le côté organique de l’image n’en ressort que plus avantageusement. Restent quelques fluctuations de couleurs et de luminosité dans certaines scènes, mais cette édition s’avère de toute évidence une proposition tout à fait honorable pour redécouvrir le film en haute définition.
Son
La version originale en DTS Master Audio 2.0 est d’excellente facture, avec pas mal de puissance délivrée par les bruitages, notamment les grondements du char. L’ambiance sonore et les dialogues sont également bien restitués. La dynamique et l’équilibre restent très satisfaisants, mettant particulièrement en valeur la superbe musique synthétique de Mark Isham. Version française logée à la même enseigne.
Interactivité
On se montre assez peu convaincu globalement par les deux courts bonus proposés dans cette édition. La présentation du film par la réalisatrice Patricia Mazuy reste assez superficielle. Plus intéressante est l’intervention du journaliste Jean Thooris, qui revient sur la carrière de Kevin Reynolds et recontextualise le film. On aurait néanmoins préféré une approche plus frontale et détaillée de la mise en scène et des thèmes du film. Dommage.
Liste des bonus
Présentation du film par Patricia Mazuy (6’) ; « La Guerre de Kevin Reynolds » par Jean Thooris, journaliste (20’).