LA BATAILLE D’ALGER
La Battaglia di Algeri – Algérie, Italie – 1966
Support : Bluray & DVD
Genre : Guerre, Drame
Réalisateur : Gillo Pontecorvo
Acteurs : Brahim Haggiag, Jean Martin, Saadi Yacef, Samia Kerbash…
Musique : Ennio Morricone
Durée : 122 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Editeur : StudioCanal
Date de sortie : 27 octobre 2021
LE PITCH
Octobre 1957. Les paras du colonel Mathieu cernent le refuge d’Ali-La-Pointe, responsable de la guérilla urbaine. Pendant ses heures de réclusion forcée, Ali revit l’itinéraire qui l’a conduit de l’état de délinquant et proxénète à celui de chef guérillero du F.L.N. Novembre 1954, l’organisation terroriste entreprend son activité en Algérie ; ce sont les premiers attentats à la bombe dans les bars, les gares et les cinémas de la « ville européenne ». Ali devient l’un des chefs de l’organisation, sous la direction de Ben M’Hidi, alors qu’arrivent à Alger les parachutistes salués par la population européenne. Le colonel Mathieu, mettant à profit une grève, pénètre dans le quartier arabe et procède aux premières arrestations…
استقلال
Longtemps oublié dans les milieux cinéphiliques français et quasiment interdit de diffusion en salles ou autres par son sujet trop embarrassant pour l’état français, La Bataille d’Alger fut pourtant dès sa sortie un tournant du cinéma contemporain. Une reconstitution historique implacable et une proposition esthétique radicale.
Marqué par la tragédie de la Seconde Guerre Mondiale, devenu grand résistant dans l’Italie fasciste, Gillo Pontecorvo garde verrouillé au corps ses convictions humanistes et sa fascination constante pour les combats des opprimés, la quête de liberté des peuples, pour Les Damnés de la Terre, l’essai de Frantz Fanon restant son livre de chevet. Logique alors qu’entre l’évocation de la réalité des camps de concentration dans Kapò et la question de l’esclavage dans Queimada, il se prenne de passion pour le projet de Saadi Yacef. Un ancien dirigeant du FLN et véritable acteur de la bataille d’Alger qui voudrait voir porté à l’écran son ouvrage Souvenirs de la bataille d’Alger, offrant une vision de l’intérieur d’un conflit le plus souvent couvert par les autorités et les médias français. Le film sera donc un film dossier, une contre-offensive contre la propagande française et une quête de vérité, de réalisme qui n’exclura aucunement la question de la torture par les militaires français (une première), pas plus cependant que les nombreux attentats perpétrés par le FLN contre des civiles. Un film qui cherche les faits, la frontalité et qui va alors reprendre à son compte l’esthétique des films d’actualités de l’époque, caméra souvent portée et mouvante, montage nerveux et une image noir et blanc granuleuse, extrêmement contrastée, obtenue en filmant directement avec un internégatif.
L’appel aux larmes
Tourné directement dans les rues d’Alger et plus particulièrement dans la fameuse casbah aux airs de ghetto avec des acteurs non professionnels (sauf un), La Bataille d’Alger est criant de vérité, troublant par sa sécheresse, sa prise directe avec l’action et son absence quasi-totale de pathos, d’exposition psychologique ou de manichéisme. Une esthétique de documentaire, de cinéma vérité à vif qui est totalement inédite en 1966 et sera largement reprise (copiée ?) par la suite, de French Connection à La Chute du Faucon noir, où les épisodes authentiques s’enchaînent implacablement, suivant la montée constante de la violence, voire de la barbarie. Puissant, captivant, frappant, le métrage, toujours juste, toujours construit et cadré avec précision, préserve son efficacité d’authentique thriller, enchaînant les épisodes sous tension et les séquences spectaculaires (arrivée des chars dans la ville, manifestation à grande échelle, explosions des attentats…). Mais peut-être que la plus grande qualité de La Bataille d’Alger reste d’avoir réussi à éviter justement la prise de position. Certes le film milite et soutient la nécessaire indépendance de l’Algérie, célèbre le courage et l’abnégation d’une population constamment dénigrée et humiliée par les colons, mais n’en cache jamais la part d’ombre et questionne régulièrement le choix de la réplique. De la même façon, le colonel Mathieu (excellent Jean Martin, seul acteur professionnel du film), symbole de l’oppresseur, ne se réduit jamais à son apparence de para sans pitié mais fait preuve d’un sens de l’honneur certain voir d’aspects sympathiques déstabilisants.
Jamais ambiguë, mais certainement pas unilatéral, le grand œuvre de Gillo Pontecorvo décrit la guérilla dans toute sa complexité, comme une tragédie de la condition humaine.
Image
Une fois n’est pas coutume, l’édition française peut faire la nique au disque Criterion puisque la restauration disposée ici est bien plus récente et poussée. Un nouveau scan du négatif opéré en 2016 avec un nettoyage total des photogrammes, mais constamment avec l’aspect vibrant et granuleux voulu par le réalisateur. Quelques plans zoomés ou de transitions se montrent moins pointus, mais le master est dans 99% du film une petite merveille technique proposant une image forte, fine, à la définition impressionnante et aux argentiques à tomber.
Son
Même si le film est une production italienne et algérienne, le film fut bel et bien tourné en langue arabe et française. Une piste mono d’origine postsynchronisée comme le veut la tradition italienne qui forcément gâche un peu parfois le réalisme du film. Heureusement la restauration de la bande est passée par là avec une source plus stable, nette et équilibrée qu’autrefois.
Interactivité
Proposé dans la collection Make My Day ! de Jean-Baptiste Thoret, l’édition de La Bataille d’Alger s’ouvre naturellement sur une nouvelle présentation complète et éclairée du directeur de collection. Une bonne mise en bouche avant de se diriger vers le très long entretien enregistré par Samuel Blumenfeld qui pour le coup se livre à un exercice analytique plutôt complexe mais habilement négocié. Dans les deux cas on revient sur l’influence considérable du film sur le cinéma mondial, sur les thématiques récurrentes de Gillo Pontecorvo, sur les conditions particulières de production, le sujet encore brûlant et surtout les outils, brillants, utilisés pour livrer un film passionnant et finalement bien plus subtile qu’on pourrait le croire.
Le reste de l’interactivité a été reprise directement de l’ancienne édition DVD collector de Studio Canal, se présentant donc en basse définition mais ne perdant aucunement de sa pertinence : Une rencontre indispensable avec le cinéaste, une autre avec l’excellent acteur Jean Martin et une troisième avec Yacef Saadi, qui donne finalement de manière souvent amusé le regard algérien sur les coulisses du film. On retrouve aussi le petit sujet sur la sortie compliqué du film en France et une remise en contexte historique des évènements le spécialiste Benjamin Stora qui éclaire encore plus avant La Bataille d’Alger.
Liste des bonus
Préface de Jean-Baptiste Thoret (11’), « La Bataille d’Alger » revu par Samuel Blumenfeld (73’), « Le souci de la vérité » : entretien avec Gillo Pontecorvo (16’), « Dans la peau d’un Para » : entretien avec Jean Martin (14’), « Alger 1956-1957, retour sur une insurrection » par Benjamin Stora (18’), « 40 ans de bataille » (6’), « D’une bataille à l’autre » : entretien avec Yacef Saadi (19’).