L’HOMME EN FUITE
Stranger On The Run – Etats-Unis – 1967
Support : Bluray & DVD
Genre : Western
Réalisateur : Don Siegel
Acteurs : Henry Fonda, Ann Baxter, Michael Parks, Dan Duryea, Sal Mineo, Lloyd Bochner, …
Musique : Leonard Rosenman
Durée : 98 minutes
Image : 1.33 16/9ème
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0 Mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 17 novembre 2022
LE PITCH
Tout juste libéré de prison, Ben Chamberlain, alcoolique notoire, se rend dans une petite ville tenue par la compagnie de chemins de fer. Honorant une promesse, il tente d’aider une jeune serveuse à quitter les lieux. Lorsqu’il la retrouve assassinée, il est vite désigné comme le coupable et traqué par le shérif et ses hommes …
Tuez Ben Chamberlain !
Troisième et dernier film du contrat passé au début des années 1960 entre le cinéaste Don Siegel et la branche télé des studios Universal, L’Homme en fuite est un western âpre et singulier. Dans la traque violente et désespérée d’un innocent au bout du rouleau, le réalisateur de L’invasion des profanateurs de sépultures et de L’enfer est pour les héros sème les germes de deux chefs d’oeuvres à venir : Les Proies, qu’il réalisera lui-même en 1971, et Impitoyable, que Clint Eastwood n’hésitera pas à lui dédier en 1992. C’est dire la valeur de ce téléfilm au casting prestigieux et à la simplicité remarquable.
Voici une décision qui pourrait paraître étrange. Avec déjà une belle carrière derrière lui (monteur du Casablanca de Michael Curtiz, il mit aussi le pied à l’étrier à un certain Sam Peckinpah) et le succès en 1962 de L’enfer pour les héros, excellent film de guerre avec un Steve McQueen à la popularité grandissante, Don Siegel fait le choix de se tourner vers le petit écran. Si le format n’a rien de déshonorant (bien au contraire), il est pourtant plus souvent associé aux cinéastes débutants qu’aux vétérans. Siegel y trouve en réalité une seconde jeunesse et un terrain d’expérimentation idéal pour son style de narration, privilégiant la concision, l’immédiateté et l’efficacité. No bullshit. Nouvelle adaptation des Tueurs d’Ernest Hemingway après le film de Robert Siodmak avec Burt Lancaster et Ava Gardner en 1946, À bout portant, son premier téléfilm pour NBC Universal, rassemble Lee Marvin, Angie Dickinson et Ronald Reagan (sans oublier un score composé par John Williams et Fred Steiner). Et le résultat est d’une telle intensité que le studio le sortira finalement sur grand écran ! Siegel tourne également deux épisodes de la saison 5 de La Quatrième Dimension (« Oncle Simon » et « Le recyclage de Simon Ross ») et un deuxième téléfilm, Le prix d’un meurtre. Pour en arriver, en 1967, à L’Homme en fuite, ses retrouvailles avec le western. Exploitant les contraintes de la petite lucarne à son avantage, Don Siegel dégraisse le genre jusqu’à l’os et orchestre un duel étouffant entre un loser qui va peu à peu retrouver sa dignité et un sens à son existence et un homme de loi frustré, dominé par sa soif de violence et la nécessité de maintenir son statut de chef de meute.
L’odeur du sang
S’appuyant sur un sujet de Reginald Rose (auteur de Douze hommes en colère) transformé en scénario par Dean Riesner, un habitué du western télé avec d’innombrables épisodes de Rawhide, de Bonanza et du Virginien à son actif, L’Homme en fuite situe son intrigue dans un trou perdu au milieu du désert, un semblant de ville érigée autour du rail et où l’on applique l’ordre plutôt que la loi. Y règne par la force du Colt l’imprévisible Vince McKay, un homme ambitieux mais tenu en laisse par ses employeurs comme un vulgaire chien de garde. Entouré d’un shérif vieillissant et d’adjoints psychopathes et hargneux, McKay ronge son frein, gagné par l’ennui. Et lorsque le pauvre Ben Chamberlain, loque humaine guidé par une promesse bien vague déboule sur son territoire et se retrouve mêlé au meurtre d’une jeune femme, l’occasion est trop belle pour ne pas être saisie. Chamberlain est le gibier idéal, la victime que personne ne viendra pleurer. Mais alors que la proie va trouver sa rédemption auprès d’une femme esseulée, ses poursuivants vont s’autodétruire dans une spirale sanguinaire.
L’Homme en fuite souffre sans nul doute de scènes d’intérieur trop éclairées et d’une poignée d’ellipses malheureuses et certains personnages ne sont pas assez étoffés. Ces menus défauts digérés, le métrage s’avère en réalité assez exceptionnel. De par son casting, d’abord. Quelque part entre Jon Voight et Marlon Brando, Michael Parks est l’attraction majeure de L’homme en fuite, volant la vedette à Henry Fonda et Ann Baxter, regard halluciné et moustache bouffée par la sueur. Pour le reste, la lucidité et la précision avec laquelle Don Siegel décortique les mécanismes de violence et de la haine démontre la profondeur de son propos. La violence vient avec l’ennui et la frustration et demeure un aveu d’impuissance, séparant les hommes des brutes. Cette mise à mal d’un modèle de virilité, Siegel la prolongera dans Les Proies, dressant un parallèle entre violence et séduction et jetant le « mâle » Clint Eastwood dans un nid de vipères où il se fera prendre à son propre jeu. Eastwood, pour sa part, saura se souvenir de Ben Chamberlain et de Vince McKay, les réunissant en un seul personnage, William Munny, tueur, alcoolique, veuf et anti-héros d’Impitoyable. Quentin Tarantino considère L’Homme en fuite comme le meilleur western de Don Siegel. Il se pourrait bien qu’il ait raison.
Image
Une copie exceptionnelle issu d’un nouveau master restauré en 2K. Pour un film relativement peu connu et produit pour le petit écran, une telle qualité d’image est tout à fait surprenante. Les nombreux gros plans affichent un piqué vertigineux, les couleurs sont parfaitement équilibrées et la compression est aussi robuste que pour un blockbuster hollywoodien à 200 millions de dollars ! Qui l’eut cru ?
Son
Diffusé en France assez tardivement et de façon confidentielle, le film bénéficie pourtant d’un doublage soigné et d’un mixage très correct. Plus dynamique, plus propre et plus riche en termes d’ambiances, la version originale emporte le morceau sans trop en faire.
Interactivité
Quatre présentations pour le même film, c’est un peu trop et les propos ont tendance à se répéter d’un entretien à l’autre. Bien que maladroite et un peu laborieuse, l’analyse de Bertrand Tavernier soulève des questions passionnantes. Olivier Père offre pour sa part une présentation studieuse du film qui fait écho à celle de Jean-François Giré, plus personnelle mais tout aussi érudite. Patrick Brion est plus bref que ses camarades et, au bout du compte, moins intéressant.
Liste des bonus
Présentation de Bertrand Tavernier, Présentation d’Olivier Père, Présentation de Jean-François Giré, Présentation de Patrick Brion.