L’ÎLE
섬 – Corée du sud – 2000
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Kim Ki-duk
Acteurs : Jung Suh, Kim Yu-seok, Cho Jae-Hyun, Sung-hee Park, Jang Hang-seon…
Musique : Jeon Sang-Yun
Durée : 90 min
Image : 1.85 16/9
Son : Coréen DTS HD master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Spectrum Films
Date de sortie : 01 octobre 2021
LE PITCH
La belle et fantomatique Hee-Jin s’occupe d’îlots de pêche au beau milieu d’un site naturel idyllique. Pour survivre, elle vend de la nourriture, des boissons et se prostitue occasionnellement. Un jour, un homme plus désespéré que les autres, débarque sur cet îlot : il vient de tuer sa femme et cherche dorénavant un endroit pour disparaître et oublier sa peine. La souffrance de cet homme intrigue Hee-Jin…
L’image au-delà des mots
Ex-soldat, ancien moine, peintre à ses œuvres, l’existence de Kim Ki-Duk a connu nombre de vie avant de devenir cinéaste. Sa philosophie pleine d’ironie et son regard acéré a vite fait de le propulser en ce début de millénaire comme le chef de file du cinéma indépendant coréen.
Son œuvre est apparue comme un électrochoc dans la cinéphilie de l’époque. A peine remis des exubérances du cinéma hongkongais, c’est à l’émergence de celui du matin calme que nos contrées vont être confrontées. Le spectateur s’apercevra vite que le calme en question n’était que de nom. Alors que Park Chan-Wook ne nous a pas encore éclaboussé de sa trilogie de la vengeance et que Bong Joon-Ho était à vingt années de sa Palme d’Or, Kim Ki-Duk allait nous donner une autre vision du cinéma asiatique. Souvent dérangeante, parfois froide, sa vision sans compromis d’un pays en plein questionnement après des années de militarisation filme les tourments de la vie et des points de vue. Il offre à qui veut bien le suivre une mise en scène à la beauté compulsive pour mieux contrebalancer les tumultes intérieurs de ses protagonistes. Moins facile d’accès que son Printemps, été, automne, hiver… et printemps qui l’a rendu célèbre, L’île, son quatrième film (et premier chef-d’œuvre) n’en possède pas moins les prémices de toute sa filmographie.
Filmer pour exister
La particularité majeure du cinéma de Kim Ki-Duk se situe dans le travail de sa mise en scène. Souvent avare en dialogue, il a cette faculté à donner corps à l’image (en ce sens son film Locataires pousse encore plus loin l’expérience). Sans doute influencé par ses expériences de peintre, il aime travailler ses cadres et ses ambiances tout en prenant son temps jusqu’à l’envoûtement. Ses acteurs partagent l’espace comme autant d’éléments du décor, minimaliste mais si expressif. Leurs corps font partie d’un tout et la narration s’égrène au fil des non-dits. Pourtant le film n’est pas à mettre devant tous les regards. Souvent cru, à la violence parfois frontale (une traumatisante tentative de suicide à l’hameçon), ses films relatent un malaise à exorciser. Les personnages ont besoin de souffrir pour exister mais l’inverse est également valable. Kim Ki-Duk joue constamment sur des jeux de miroirs (les reflets aquatiques) et les symbolismes (le froid, l’eau). Le réalisateur n’hésite pas à mettre à nu ses réflexions et interrogations. Autant d’éléments qui auraient fait la joie de Freud.
Les acteurs sont au diapason. Pas facile pour eux de jouer dans les conditions extrêmes du tournage avec un réalisateur qui les pousse dans leurs retranchements. Cette attitude lui confèrera une image néfaste allant parfois jusqu’au procès avec certaines actrices (pour des raisons moins louables). Mais le résultat est là, un chef-d’œuvre de chaque instant, de chaque plan. Metteur en scène de l’espace, il prend le pouvoir par l’image, nous happe jusqu’au générique final. Pas mal pour cet autodidacte qui n’a pas fait d’études spécifiques.
Cet aventurier de la vie ne sera, comme tout prophète, jamais reconnu dans son pays. Le succès viendra d’ailleurs. De l’Europe pour être précis, où ses films arrivent dans le désordre façon puzzle. Malheureusement la Covid aura eu raison de lui. L’un des plus importants réalisateurs du cinéma coréen s’en allait. Encore un argument superflu pour vous faire regarder cette pièce maitresse de sa filmographie.
Image
Non exempte de petit défaut, l’image assure un piqué très convenable. Volontairement froide pour mieux retranscrire les sentiments des protagonistes, de belles couleurs automnales émergent lors de plans larges accentuant encore davantage les ambiances du film. A noter l’image légèrement zoomée passant du format 1.85 au 1.78, ce qui est bien dommage.
Son
Avare en dialogue, le son se concentre naturellement sur la musique et les ambiances sonores. Le travail est impeccablement effectué. Immersif, le spectateur est naturellement envouté sans que les effets ne soient dans le démonstratif. Fin et sans bavure.
Interactivité
Généreuse ! C’est le premier adjectif qui nous vient à l’esprit eu regard du travail apporté par Spectrum Films. L’éditeur agrémente ses bonus d’un second film, Rough Cut, écrit par Kim Ki-Duk cette fois et réalisé par l’un de ses anciens assistants. Plus commercial que l’œuvre du réalisateur, celui-ci joue sur les faux-semblants entre un acteur qui se prend pour un voyou et vice-versa. La barrière entre la vraie vie et la fiction est ici infime.
Deux modules sont ensuite consacrés au réalisateur par Antoine Coppola qui a eu la chance de le côtoyer à plusieurs reprises. En résulte une conversation entre parcours professionnel et l’intime. Spectrum a également eu l’excellente idée de proposer le très bon documentaire “Les enragés du cinéma coréen” qu’Yves Montmayer avait réalisé en 2006. Epoque bénie ou des Park Chan-Wook, Bong Joon-Ho et autres Kim Jee-Woon s’incrustaient sur nos écrans. Ces cinéastes n’hésitent pas à expliquer l’intellectualisation de leur cinéma pour dénoncer l’oppression militaire dont leur pays fut victime. La section bonus ne serait pas complète sans différentes interviews de l’équipe technique et autres modules dit “promotionnels” qui sont autant d’instant de tournage. On se demande comment on aurait pu faire plus complet !
Liste des bonus
Documentaire : Les enrages du cinéma Coreen de Yves Montmayer (54’), Kim Ki-Duk par Antoine Coppola 2007 (61’), Interview de Kim Ki-Duk (4’) et du cast (5’), Making of (7’), Presentation des films par Panos Kotzathanasis (5’) et (6’), Kim ki-duk (37’), Modules promotionnels (103’), Merej (7’), Bande-annonce (2’), le film Rough Cut (113’).