L’AUBERGE DU PRINTEMPS

迎春阁之风波 – Taiwan, Hong-Kong – 1973
Support : Bluray
Genre : Action, Wuxiapian
Réalisateur : King Hu
Acteurs : Li Hua Li, Roy Chiao, Feng Hsu, Bai Ying, Feng Tian, Angela Mao…
Musique : Joseph Koo
Image : 2.39 16/9
Son : Mandarin DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 105 minutes
Editeur : HK Vidéo
Date de sortie : 6 juin 2025
LE PITCH
Durant les derniers jours de la dynastie Yuan, des révolutionnaires luttent contre la dictature mongole. Parmi eux, Chu Yuan-chang est le plus téméraire. Pour protéger un plan de bataille, il cache son identité à l’auberge du printemps. Membre de la royauté, Lee Khan est un combattant de premier ordre secondé par sa sœur dont les aptitudes martiales sont tout aussi fulgurantes. Grâce à un traitre, le duo prend connaissance du plan de bataille et se rend à l’auberge pour le subtiliser. Mais l’aubergiste a enrôlé des combattantes qui se font passer pour des serveuses afin de neutraliser Lee Khan et sa clique.
Une grande adresse
Grand maitre du wuxia et cinéaste célébré autant par le public chinois (de Hong-Kong à Taiwan) que la grande critique internationale (dont les Cahier du cinéma), King Hu revenait en 1973 au théâtre de la grande taverne, déjà explorée dans les incontournables L’Hirondelle d’or et L’Auberge du dragon. Un retour en terrain connu, mais toujours aussi inventif, fascinant et élégant.
Même si le nom de King Hu est en ce début des 70’s l’un des plus célèbres du cinéma chinois et que ses premiers films de sabres sont déjà entrés dans la légende, King Hu reste un cinéaste extrêmement exigeant, maniaque et lent, ce qui n’est bien entendu pas sans conséquences dans ses relations avec les producteurs. Surtout quand son précédent opus, le sublime A Touch of Zen dépasse allègrement les trois heures et lui empêche une distribution classique… voir une distribution tout court. L’auberge du dragon marque ainsi d’une certaine façon sa volonté de faire à nouveau patte blanche et de rappeler sa capacité à livrer un cinéma d’action sans doute moins contemplatif, plus classique, et surtout de répondre à un format plus classique. Ce partenariat avec la Golden Harvest va ainsi lui permettre de prendre son temps pour mettre en forme Pirates et guerriers (aka The Valiant Ones) tout en signant L’Auberge du printemps en question ici, qui s’apparente ni plus ni moins qu’à une nouvelle variation autour des figures déjà richement explorées dans L’Hirondelle d’or et L’Auberge du dragon. On y retrouve bien évidemment à nouveau le cadre de l’auberge, véritable carrefour de la vie itinérante de la Chine ancienne, vivier de nombreux personnages hétéroclites et théâtre aux airs de huis clos pour un vaste complot où tout le monde cache plus ou moins son vrai visage et ses ambitions. Ici donc, il s’agit d’un groupe de résistants qui espère profiter du voyage d’un prince mongol et sa fille (les occupants) dans la région pour mettre la main sur un plan de bataille aussi nébuleux (pour le spectateur) que fatal pour l’issue de la guerre.
Traquenards au menu
Le film se déroule alors en deux grandes parties aussi différentes que complémentaires. La première, presque tournée vers le récit picaresque, voire la comédie, décrit les incessants va-et-vient dans la fameuse grande salle de repas, entre joueurs, tricheurs, clients affamés, musiciens envahissants, serveuses vindicatives, comptable affable, patronne séduisant le préfet local et quelques brigands qui passaient par là, où ce qui se joue en surface dissimule quelques tentatives de reconnaissances, quelques indices sur les alliés ou ennemis en présence. Une mise en place pleine de surprises, émaillée de rixes fantaisistes et spectaculaires, qui va laisser place à une seconde moitié beaucoup plus sérieux et tendue à l’arrivée de Lee Khan (Feng Tien, visage bien connu des classiques de la Shaw) et Lee Wan-erh (actrice fétiche de King Hu). Là, les pièces sont en place et la danse peut commencer, le cinéaste se montrant toujours aussi talentueux pour orchestrer les mouvements et déplacement de ses personnages dans l’espace (l’utilisation du décor en profondeur et en dans la hauteur est brillante), mettre en valeur les regards et les tensions palpables, tout en délivrant quelques jaillissements d’une violence froide et rapidement dramatique. L’auberge du printemps n’est jamais dans la redite avec les deux chapitres précédents de la trilogie informelle des « films d’auberge », mais bien une nouvelle réinvention autant dans la forme, avec l’apport non négligeable du nouveau chorégraphe Sammo Hung plus porté la rapidité et les combats aux poings, que dans le fond. On note ici une démultiplication de la présence féminine, séductrice, stratège, guerrière et héroïne prête à tous les sacrifices, mais aussi un développement accentué de la place du méchant. Ce dernier, plus pragmatique que purement cruel, est sans doute le personnage le plus étoffé psychologiquement et celui qui doit, presque seul, résister à ses ennemis qui l’attaquent en masse lors d’un final dantesque hors des murs de l’auberge.
Presque un négatif des films de sabre habituels, et de la Shaw en particulier, ou le héros viril et indéboulonnable met à mal une armée à lui seul, et un attrait supplémentaire pour cette Auberge du printemps, qui réussit pleinement, pour revenir à un cinéma plus « populaire », à atténuer les élans poétiques et contemplatifs du maitre calligraphe, mais sans jamais perdre la grâce et la précision de son cinéma.
Image
Le film est proposé ici dans une nouvelle copie 2K de toutes beautés. Un vrai travail de restauration a manifestement été effectué à la source, avec un nettoyage éprouvé de circonstance, une stabilisation remarquable et un petit rééquilibrage bienvenu sur la colorimétrie. Les quelques plans de fondus enchainés sont moins fermes, mais l’ensemble assure au passage une définition admirable, avec un piqué bien présent et creusé qui souligne à chaque instant les effets de profondeur et de spatialisation du réalisateur. Très propre, mais aussi avant tout, toujours accompagné de ses accents purement pellicule avec des argentiques élégants et un grain, naturel et vibrant. Une superbe présentation.
Son
La piste chinoise d’origine, en mandarin, est disponible en deux versions. La première DTS HD Master Audio 2.0 reste au plus près des échos monos d’origine avec des sonorités frontales et un équilibre avant qui met en valeur les dialogues, et offre une pointe de dynamisme aux musiques et bruitage. Une prestation des plus propres (et étonnement sans les habituelles saturations du cinéma chinoise de l’époque), complétée par un plus étonnant DTS HD Master Audio 5.1. Très efficace lors des scènes de combats avec des effets bien nerveux et enveloppants, le mix se montre un peu plus artificiel dans les moments de calme avec des effets de spatialisation bien plus artificiels et dissonants.
Interactivité
Proposé par la branche HK Vidéo, L’Auberge du printemps est donc présenté sous la forme d’un très joli digipack trois volets reprenant le design bien reconnaissable. A l’intérieur se glisse un mini-livret de quelques pages seulement, mais bien remplis par un long texte retraçant les origines du film, ses particularités, des rapprochements avec les autres œuvres du cinéaste, le style de King Hu et les carrières des têtes d’affiche. Comme toujours, les paragraphes glissent aussi régulièrement quelques pistes d’analyses, stylistiques et thématiques.
Sur le disque Bluray on peut aussi retrouver la bande annonce restaurée, ainsi qu’une très sympathique interview de l’actrice Helen Ma par Frédéric Ambroisine. Une figure bien connue de la Shaw Brothers qui nous raconte ses débuts très jeune dans la grande maison, évoque sa carrière en dehors de celle-ci (dont des films plus récents qui l’extraient enfin des films d’action) et passe tout de même pas mal de temps à raconter ses souvenirs de la production de L’Auberge du printemps. On y apprend aussi qu’elle est une grande amatrice de football lorsqu’elle nous montre fièrement sa dédicace de Zinedine Zidane.
Liste des bonus
Un livret (12 pages), Interview de Helen Ma par Frédéric Ambroisine (23’), Bande-annonce originale restaurée (4’).