L’AMI AMÉRICAIN
Der Amerikanische Freund – Allemagne, France – 1977
Support : Bluray
Genre : Thriller, Drame
Réalisateur : Wim Wenders
Acteurs : Dennis Hopper, Bruno Ganz, Lisa Kreuzer, Gérard Blain, Nicholas Ray, Samuel Fuller…
Musique : Jürgen Knieper
Image : 1.66 16/9
Son : Allemand DTS HD Master Audio 2.0 et 5.1, Français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 127 minutes
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 17 octobre 2023
LE PITCH
Jonathan Zimmerman est atteint de leucémie et se sait condamné. Tom Ripley, un trafiquant de tableaux, va utiliser cette affliction pour le faire recruter par un ami en tant que tueur à gages. Jonathan accepte pour ne pas laisser sa famille dans le besoin et va entamer une lente descente aux enfers…
Anges déchus
Révélé par Alice dans les villes ou Au fil du temps, Wim Wenders s’est imposé comme le chef de fil d’un nouveau cinéma allemand. Avec L’Ami américain, son cinéma de l’errance entame son voyage vers les rives américaines et vers une approche de plus en plus cinéphilique.
Arrivé sur les écrans en 1977, L’Ami américain opère un changement manifeste dans le cinéma de Wim Wenders, certes déjà tourné vers une certaine forme du road movie, mais qui préservait surtout les formes d’un cinéma dit d’auteur, en tout cas tourné vers un certain réalisme, voir véridique et sociale. Ici il reprend le flambeau d’Alfred Hitchcock (L’Inconnu du nord express), René Clément (Plein soleil) et Claude Autant-Lara (Le Meurtrier) en adaptant, assez librement, un roman noir de Patricia Highsmith. Une autre virée destructrice du fameux Mr Ripley (ici joué par un Dennis Hopper cynique à souhait), qui croise le chemin de Jonatha Zimmerman (Bruno Ganz) simple artisan qui se sait condamné et va accepter de devenir tueur à gage pour assurer financièrement le futur de sa femme et de son fils. Les codes du film noir sont bel et bien là, imposant d’emblée une trajectoire mortifère sans retour, dans un décor peuplé de faussaires, de trafiquants d’arts et de gangsters rivaux… Un monde presque indistinct qui frise à l’abstraction déconstruit par une sublime photographie signée Robby Müller (Dead Man, Envoutés…) où les aplats de couleurs chaudes viennent redessiner des rues et des environnements urbains insalubres, aux lumières grises et blafardes, souvent glauques. Comme une vision en mouvements des toiles d’Edward Hooper et de Rothko.
Paris-Hambourg
Les noir et blanc de Los Angeles laisse place au quotidien insalubres et modernes de New-York, Paris et surtout Hambourg, et extirpe volontairement toute l’élégance des références hollywoodiennes pour s’apprêter d’un ton plus désespéré encore et sans doute aussi beaucoup plus absurde. En dehors d’une mort qui ne cesse de s’approcher de séquences en séquences, rien ne se passe vraiment comme prévu ici, Jonathan n’a vraiment rien d’un tueur, et le duo amical et autodestructeur qu’il forme avec Ripley tournerait presque au pied-nickelé tragique. Tout s’étiole dans L’Ami américain, balade existentielle où la violence crue et froide appuie sur la triste folie de protagoniste déjà perdu avant que le générique d’ouverture. Cet effondrement en cours c’est autant celui du monde pseudo-criminel que d’une certaine idée du cinéma dit « classique ». Ici, toutes les « grandes figures » de criminels aperçus dans le film sont interprétés par des cinéastes mentors ou des collègues comme Nicholas Ray, Samuel Fuller, Gérard Blain, Jean Eustache ou Daniel Schmid, et bien entendu Dennis Hopper dont déjà Easy Rider et The Last Movie plaçaient le spectateur aux premières loges.
Moins sensitif et percutant, que contemplatif et cérébral (et donc pas forcément aux goûts de toute le monde), L’Ami américain est un véritable condensé des obsessions de Wim Wenders, à la fois œuvre somme et transitoire, qui va effectivement lui ouvrir les portes du marché américain. Un vaste paysage, fantasmé et intensément cinématographique qu’il va partir explorer consciencieusement durant une bonne dizaine d’année avant de revenir pour célébrer, là, la vitalité de Berlin dans Les Ailes du désir.
Image
Comme pour Les Ailes du désirs, L’Ami américain a connu une importante restauration avec un scan 4K des négatifs 35mm et un sacré nettoyage en règle. Comme nous informe le carton en début de programme, la source n’avait cependant connu aucun souci majeur et le travail effectué a donc reposé sur des étapes plus classiques. Cela ne change rien au résultat final qui est resplendissant, du moins autant que la photographie lourde et glauque ne le permette, redonnant toute leur force aux contrastes et surtout renouant enfin avec les matières d’origine : grain, argentiques… Une patine celluloïd organique, vibrante et extrêmement agréable qui affirme constamment la profondeur de la mise en scène.
Son
La version française d’origine, sobre mais efficace, reste figée dans son mono initial, là où la version originale (mêlant allemand et anglais) se présente aussi bien en stéréo sobre et équilibrée que dans un nouveau DTS HD Master Audio 5.1 plutôt ample et dynamique mais surtout harmonieux et naturel.
Interactivité
Sans en avoir l’air, Carlotta propose L’Ami américain dans une édition collector légèrement plus luxueuse que la moyenne. Le fourreau cartonné épais, le digipack et surtout le livret composé de nombreux polaroids pris pendant le tournage font clairement la petite différence. Sur le disque Bluray on retrouve la bonne demi-heure de scènes coupées (commentées en optionnel) déjà présents sur une ancienne édition où Wenders développait essentiellement le personnage de l’épouse de Jonathan, actrice de doublage et de théâtre.
Le reste est inédit avec une présentation du film enregistré pour un festival de Hamburg, un essai vidéo de Wenders dans lequel il présente la poignée de réalisateurs visibles à l’écran, et enfin et surtout un long entretien avec ce dernier. Une rencontre une nouvelle fois très intéressante où le cinéaste se remémore sa découverte de Hambourg, les premiers jours compliqués entre Hopper et Ganz s’achevant à coup de poings avant qu’ils ne se rabibochent lors d’une longue nuit de beuverie, et la présentation du film à la romancière Patricia Highsmith.
Liste des bonus
Le livret « Mes amis Polaroïd » (40 pages), « Eine stadt sieht einen film » : Wim Wenders présente L’Ami américain dans le cadre du festival Eine Stadt sieht einen Film (Une Ville regarde un Film) de Hambourg en 2018 (HD, 3’), Entretien avec Wim Wenders(HD, 46’), Scènes coupées avec ou sans commentaire audio de Wim Wenders (2001, 36’), Les réalisateurs apparaissant dans « L’Ami américain » : essai vidéo exclusif, diffusé à l’occasion de l’exposition « Mes Amis Polaroid » présentée aux Rencontres d’Arles 2023 et commenté par Wim Wenders (HD, 8’), Bande-annonce originale.