KING OF NEW YORK
Etats-Unis, Italie – 1989
Genre : Policier
Réalisateur : Abel Ferrara
Acteurs : Christopher Walken, David Caruso, Laurence Fishburne, Victor Argo, Wesley Snipes…
Musique : Joe Delia
Durée : 103 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0, Français DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 08 septembre 2021
LE PITCH
Frank White est sorti de prison et les règlements de compte se multiplient. Installé dans une suite du Plaza, il est bien décidé à redevenir le roi de New York. Mais alors que la police s’est juré de le mettre hors d’état de nuire, White se rêve en businessman. Se rapprochant des élus municipaux et des œuvres de charité, il conçoit le projet d’ouvrir un hôpital pour enfants, financé par l’argent du trafic de drogue…
Le crépuscule des dieux
Film culte des années 90, King of New York est l’une des rares rencontre entre le cinéma de Ferrara et le public. Trop fou, trop brutal, trop extrême, il tempère ici sa vision contemporaine, la transformant en opéra funèbre sur la fin des années 80 et le dernier gangster.
Si China Girl était son adaptation de Romeo & Juliette, il est facilement possible de voir dans King of New York une extrapolation des textes shakespeariens, des raisonnements sur le pouvoir corrupteur et la solitude qui traversent des textes comme Hamlet et King Lear. Une proximité rendue d’autant plus évidente, que le film de Ferrara se construit véritablement comme un drame en trois actes, entre la libération, l’ascension et la chute (le grand final) d’un gangster à l’ancienne sur le retour. A l’ancienne car ne voyant pas d’un bon œil le massacre d’innocents, la prostitution infantile et l’absence de partages des richesses. Un truand avec une morale qui dès l’ouverture (et sa sortie de prison) a du mal finalement à retrouver sa place dans un New York qui a profité de son absence pour pourrir sur place. Newyorkais dans l’âme, habitant immuable de la petite Italie, Ferrara est amoureux de sa ville, lui offre une photographie lumineuse, des couleurs chatoyantes, des cadrages magnifiques et un habillage sonore exaltant. Mais il en connait aussi tous les défauts, plaçant sa caméra au ras du sol, dans les rues mal famées, montrant frontalement la drogue, les putes, les camées et la mort comme une accumulation de faits divers insupportables. Comme un acteur seul sur scène, Frank White semble le seul à en voir la moindre couche, y perdant presque la raison, y trouvant un moyen de justifier sa violence et sa folie.
On the verge of destruction
Point d’accroche du film, véritable centre névralgique de la tension qui habite constamment l’écran, Christopher Walken (aussi marquant que Pacino dans Scarface) monstre de présence, capable de pétrifier d’un seul regard, traverse le film comme un mort en sursis, entre la frénésie, l’abattement et l’introspective, il lui donne une âme, un visage humain. Un homme qui se prend pour un dieu et qui emmène avec lui ses hommes de main dans la déchéance (toute une troupe de futures stars en devenir comme Fishburne, Snipes ou Caruso), mais aussi ses adversaires, trois policiers poussés dans leurs derniers retranchements. Fable amorale où la frontière entre le bien et le mal ne peut même plus exister, King of New York les présente ces derniers comme les derniers garants de l’ordre, mais aussi les personnages les plus extrémistes, les plus pathétiques, voir antipathiques. Ceux qui en tout cas vont déclencher la dernière salve de tueries. Œuvre de contraste, d’opposition, amenant le spectateur à tomber sous le charme de Frank White à son corps défendant, mais aussi à en répudier la manière de vivre, le film de Ferrara est une réunion parfaite entre l’œuvre d’auteur (thématique christique, référence à la lutte des classes, réalisme exacerbé) et la vision de ce dernier d’un film de studio revêtant alors une dramaturgie stylisé, léchée, jusqu’à un déluge cathartique dans la dernière ligne droite, poursuite haletante comme une expiation par le sang qui renvoie à la maitrise et à l’élégance du James Cameron de Terminator et à un certain John Woo qui venait justement de sortir son The Killer.
Film dérangé, fiévreux, et cosmopolite, ce Roi a bien mérité sa couronne.
Image
Déjà proposé en Bluray en 2012 par Carlotta, King of New York se pâme désormais dans une éclatante nouvelle restauration 4K approuvée par le réalisateur et son directeur photo. On oublie toutes les petites réserves d’autrefois devant les cadres d’une propreté exemplaire, et on s’extasie devant la profondeur de champs renversante (en dehors d’un ou deux plans plus softs) qui offrent un relief imposant à la citée. Une grande réussite que cette galette UHD qui gagne en contrastes, en détails, en naturel cinéma, livrant de sublimes reflets argentiques et un grain délicat et naturel. Profitant d’un traitement HDR, la photo se permet même des teintes particulièrement riches, fermes, puissantes et électriques.
Son
Le film est accompagné de pistes DTS-HD Master Audio 2.0 anglaise et française, afin de rester au plus près des sensations originales tout en y apportant une clarté nouvelle et une énergie plus électrique. Un travail particulièrement remarquable lors des séquences dans le métro, ou lorsque les tubes de hip-hop retentissent avec écho. Des pistes de première fraîcheur qui ne présentent finalement que peu de différences avec le DTS-HD Master Audio 5.1 anglais. Une version plus moderne, qui s’imprègne parfois des surrounds pour les effets sonores de la ville, ajoute un soupçon d’ambiance dans les réceptions huppées ou accompagne les balles d’une petite vibration du caisson de basse. Cela ne gâche en rien le film bien entendu.
Interactivité
Sans ajout ou perte, Carlotta reprend directement son matériel produit pour la précédente édition Bluray. A commencer par une interview très intéressant d’Augusto Caminito, producteur du film, qui se souvient avec nostalgie d’un tournage idéal, énergique, profitant d’une équipe jeune et ultra-inventive, et d’un cinéaste en pleine possession de ses moyens. Sa rencontre avec Ferrara, l’arrivée de Walken sur le projet, le tournage dans les rues de la ville… Son regard est élogieux sur le long-métrage, l’expérience et le cinéaste, ce qui contraste parfois avec les propos du réalisateur en personne. Ce dernier, interviewé par Nicole Brenez (à qui l’on doit deux ouvrages sur le bonhomme), semble bien fatigué, désabusé, et dénote souvent en soulignant les défauts de son film, la volonté trop visible de coller aux effets de mode de l’époque (et en particulier à Terminator !). Un peu confus parfois, il creuse tout de même les thématiques de son film par rapport au reste de sa filmo, évoque sa relation avec Christopher Walken et revient sur son projet de prequel, voire sur une variation inattendue autour du film. Manquent du coup à l’arrivée quelques intervenants (les acteurs, le directeur photo), mais les deux hommes présents ici sont assez loquaces et livrent quelques instantanés savoureux.
Liste des bonus
Possession (27′), Entretien avec Augusto Caminito (19′), Bande-annonce.