KINDS OF KINDNESS
Etats-Unis, Royaume-Uni, Irlande – 2024
Support : Bluray
Genre : Comédie dramatique
Réalisateur : Yorgos Lanthimos
Acteurs : Emma Stone, Jesse Plemons, Willem Dafoe, Margaret Qualley, Hong Chau, Joe Alwyn…
Musique : Jerskin Fendrix
Image : 2.39 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 Anglais, Dolby Audio 5.1 Français, Espagnol, Allemand…
Sous-titres : Français, Anglais, Allemand, Italien…
Durée : 164 minutes
Editeur : 20th Century Studios
Date de sortie : 30 octobre 2024
LE PITCH
« Kinds of Kindness » est une fable en triptyque qui suit : un homme sans choix qui tente de prendre le contrôle de sa propre vie ; un policier inquiet parce que sa femme disparue en mer est de retour et qu’elle semble une personne différente ; et une femme déterminée à trouver une personne bien précise dotée d’un pouvoir spécial, destinée à devenir un chef spirituel prodigieux.
Et la tendresse bordel !
Désormais bien installé dans le paysage du cinéma américain et international grâce aux flamboyants et sidérants La Favorite et Pauvres créatures, le cinéaste grec Yorgos Lanthimos peut profiter confortablement de son statut pour… revenir à ses premiers amours. Moins accessible, plus froid, plus décalé et terriblement plus cruel, Kinds of Kindness n’est certainement pas une nouvelle main tendue vers le grand public.
Lion d’or à la Mostra de Venice, auréolé de quatre statuettes aux Oscars et joli succès au box-office, Pauvres créatures n’est certes pas un film classique (autant dans le fond que dans la forme) mais il est aussi un spectacle qui sait se faire séducteur, lumineux, féministe, humaniste et pourquoi pas même, assez optimiste. Amusant de se dire alors qu’en pleine post-production de ce dernier, le même réalisateur se lançait déjà dans un nouveau projet avec son coscénariste historique de Canine, The Lobster et Mise à mort du cerf sacré, embarquant dans la foulée une bonne part de l’équipe technique et du casting dans son improbable, et beaucoup moins couteuse, entreprise. Retour donc à un paysage tristement contemporain, à une mise en scène kubrickienne aux cadrages mathématiques et millimétrés, à des espaces souvent vides, paysages faussement ternes et personnages errants d’un point à l’autre avec une liberté toute relative. Surtout retour à un cynisme terrible qu’il avait laissé quelque-peu de côté, et qui donne une vision du monde, de la vie et surtout de l’amour un écho particulièrement triste, voir assez glauque. Dans Kind of Kindness tout le monde cherche naturellement cette chaleureuse humaine, ce réconfort des sentiments ou des échanges charnelles, comme si c’était là le seul réconfort dans une existence mécanique et illusoire, mais ce rapport y est systématiquement dévié vers des rapports malades entre les hommes et les femmes, contaminé par les notions de contrôle, de dominance, de défiance ou d’instrumentalisation.
Love is in the air
Trois tableaux qui se suivent mais ne se ressemblent pas tout à fait : un employé totalement assujetti à son patron qui règle sa vie de A à Z, finit enfin par se rebeller et refuser le pire acte qui soit, et voit dès lors son monde s’effondrer ; un époux est persuadé que sa femme longtemps disparue en mer a été remplacée par un doppelganger et exige d’elle les pires horreurs ; une mère qui a abandonné sa famille fait tout ce qu’elle peut pour trouver une femme capable de faire revivre les morts pour la cause d’une secte obsédée par la transpiration. De l’incongru encore et toujours, où l’étrange pénètre une réalité reconnaissable mais déconnecté, quelque part entre le délire lynchien et la structure de La Quatrième dimension, ou d’ailleurs systématiquement la révélation finale, le retour à la « norme », ne se fait jamais dans un esprit logique. Yorgos Lanthimos ne cache certainement pas ici une certaine misanthropie et cultive les personnages pathétiques, sadiques et bien dérangés, mais teinte plus volontiers son propos d’un esprit baroque et d’un humour, noir, qui dédramatise la méchanceté des tableaux : une danse endiablée et libératrice, un visionnage d’une vidéo souvenir d’une belle soirée échangiste, une collection d’objets liés aux échecs sportifs, un rêve où les chiens contrôleraient le monde… La forme a beau être d’une rigueur extrême, le réalisateur s’y amuse certainement, et donne un extraordinaire terrain de jeu à une troupe d’acteurs phénoménaux (Emma Stone, magique, Jesse Plemons, fascinant, Willem Dafoe, sidérant…) revenant dans chacun des trois sketchs avec des rôles totalement différents et pourtant, répondant à une essence, une fonction étrangement proche.
Plus mal aimable que le feu d’artifice Pauvres créatures, Kind of Kindness est cependant tout aussi expérimental, déstabilisant et excentrique. Certainement que son apparence beaucoup plus fermée, sa structure déliée, sa narration éclatée et sa volonté manifeste de ne surtout rien (mais absolument rien) expliquer ou faciliter l’accès, n’en fait pas un objet pour tous, mais la singularité de cette étude sociologique aux accents surréalistes est assez délicieuse.
Image
Tourné sur pellicule 35mm (aaaah) puis monté en numérique 4K, Kind of Kindness est encore une belle démonstration visuelle des talents Yorgos Lanthimos, assurant une limpidité constante, des couleurs naturelles mais habilement contrastées, des espaces profonds et une grande finesse dans la restitution des détails. Une performance pointue et pas si loin de la perfection dans sa restitution, même si forcément on ne peut s’empêcher, comme le précédant Pauvres créatures, ce qu’aurait pu donner un disque UHD avec une telle source.
Son
Retour à des ambiances plus feutrées et des espaces plus vides et calmes pour le cinéma de Yorgos Lanthimos qui ne se laisse finalement aller qu’à quelques cœurs graves, quelques vrombissements en arrière-plan, pour se concentrer plus sérieusement sur des notes de piano décalées et les dialogues. Le DTS HD Master Audio 5.1 n’en est pas moins très performant avec une spatialisation discrète mais très ample, fluide et dynamique. La version française bloquée au Dolby Digital 5.1 fait le taf mais avec une finesse moins remarquable.
Interactivité
Deux petites scènes coupées (dont une trop éclairante sur un élément du second segment) et un court making of constituent la section bonus. Un peu court même s’il faut reconnaitre que le mini documentaire réussit à brasser quelques évocations des costumes, des décors, des choix de photos et des cadrages, mais témoigne aussi d’un projet tournant essentiellement autour du travail des acteurs regroupés ici comme une troupe prête à toutes les expérimentations. Et au passage là plupart n’ont pas compris non plus tous les mystères de Kind of Kindness.
Liste des bonus
Il faut de tout : La Vision de Kind of Kindness » (15’), 2 scènes coupées (1’).