JURE N°2

Juror #2 – Etats-Unis – 2024
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Clint Eastwood
Acteurs : Nicholas Hoult, Toni Collette, Zoey Deutsch, Kiefer Sutherland, Leslie Bibb, Chris Messina…
Musique : Mark Mancina
Durée : 113 minutes
Images : 2.39 16/9
Son : Anglais Dolby Atmos True HD & Dolby Audio DD 5.1, Français, Italien & Espagnol Dolby Digital 5.1
Sous-titres : Français, Anglais, Néerlandais, Espagnol
Editeur : Warner Bros. Home Entertainment
Date de sortie : 12 mars 2025
LE PITCH
Bientôt père de famille et alcoolique repenti, Justin Kemp est choisi pour faire parti du jury lors d’une affaire de féminicide. Lors du premier jour de procès, il comprend qu’il est en réalité le véritable responsable du décès de la victime et que le principal suspect est innocent…
Un Homme en colère
Révolté par l’injustice, une thématique qui traverse sa filmographie de long en large, Clint Eastwood s’était déjà penché sur le genre très codifié du film de procès pour mettre en lumière ces dilemmes moraux qui font souvent pencher la balance entre l’innocence et la culpabilité. Juré #2 – probablement son ultime réalisation, à bientôt 95 ans ! – pousse la logique encore plus loin et nous propose un drame renversant, d’une maîtrise presque insolente.
Dernier représentant d’un artisanat hollywoodien en voie d’extinction, où un long-métrage est consciencieusement construit autour d’un script robuste, sans esbroufe, Clint Eastwood ne pouvait que tomber amoureux de l’histoire originale imaginée par Jonathan Abrams. Soit une variation astucieuse autour du légendaire Douze hommes en colère de Sidney Lumet (l’homme qui cherche é retourner le verdict et les certitudes de ses onze compagnons d’infortune est en fait le vrai coupable, joli mindfuck!) mais aussi un cousin pas bien éloigné du flamboyant et un peu oublié Minuit dans le jardin du bien et du mal, autre mise à l’épreuve de la probité et de la justice dans le sud aimable et verdoyant des Etats-Unis.
Juré #2 s’intéresse au cas de Justin Kemp (le toujours impeccable Nicholas Hoult), un brave type qui cherche à se construire une vie idéale avec sa jeune épouse Allison, laquelle est au centre de toutes les attentions en raison d’une grossesse difficile. Journaliste de son état (comme les protagonistes de Jugé Coupable et de … Minuit dans le jardin du bien et du mal), ancien alcoolique, Justin se serait donc volontiers passé d’intégrer le jury du procès de James Sythe, un homme accusé d’avoir battu sa petite amie à mort quelques mois plus tôt. Premier souci : malgré son historique de violence et de délinquance, James Sythe est parfaitement innocent. Deuxième souci : Justin est le véritable coupable, ayant heurté la jeune femme avec sa voiture sous une pluie battante, sans en avoir eu conscience. Troisième souci : la procureure qui mène l’accusation (Toni Collette), en campagne pour son élection au poste de Procureure Générale, ne peut pas se permettre la moindre erreur. Tout le drame repose donc sur le numéro d’équilibriste de Justin qui, pour apaiser sa conscience, tente par tous les moyens de faire innocenter Sythe, sans pour autant attirer l’attention de la redoutable procureure. Jusqu’à un final en suspens d’une sérénité estomaquante.
La justice est aveugle
L’adage est bien connu : pour qu’elle fonctionne, la justice se doit de s’appliquer pour toutes et tous, sans dispense pour bonne conduite, sans exemption pour cause de gros compte en banque. Juré #2 permet à Clint Eastwood de faire ressentir au spectateur le coût moral et humain d’une justice impartiale, en nous présentant un homme bon, un repenti, un mari attentionné, un citoyen redevenu exemplaire mais qui cherche pourtant à échapper à ses responsabilités sur ce qu’il estime être un vilain coup du sort, un accident qui aurait pu arriver à n’importe qui. Le film nous pose alors la question : jusqu’où peut-on soutenir Justin Kemp dans sa démarche pour le moins ambivalente ? Toute la force de la mise en scène est de refuser d’en faire un salopard ou un égoïste. Eastwood pèse savamment le pour et le contre, s’attarde sur les circonstances atténuantes (lors du choc en voiture, il ne prend pas la fuite mais s’inquiète au contraire de ne pas avoir heurté quelqu’un, jusqu’à ce que la pluie, la nuit et l’absence de corps le poussent à croire à un incident sans conséquences) mais nous renvoie aussi sans arrêt à nos préjugés envers un suspect que tout accuse. Car ce dernier est sans doute innocent, mais c’est aussi un sale type, colérique et immature. Et pour départager les deux hommes, pour rendre justice, le cinéaste braque sa caméra sur une femme partagée entre son image publique et son intégrité, les deux étant étroitement liés, avec le risque de prendre une décision injuste mais populaire ou un jugement impartial mais forcément douloureux.
Sans nécessairement parler de film somme, une expression un peu trop facile pour désigner un grand film de fin de carrière (ce que Juré #2 est, sans l’ombre d’un doute), on ne pourra pas s’empêcher de saluer ici une forme d’accomplissement. Clint Eastwood a beau s’effacer derrière sa caméra (le récit, et rien que le récit), ce dernier opus lui ressemble plus qu’aucun autre. Sans hausser le ton, avec une sincérité désarmante, le cinéaste nous dit ceci : le courage, le vrai, nous amène à prendre des décisions allant à l’encontre de nos sentiments, de nos croyances et de nos certitudes. Le courage, l’honnêteté, l’intégrité sont une forme de souffrance à laquelle nul ne peut se soustraire éternellement. Aouch !
Image
Privé de 4K (allez savoir pourquoi !) Juré #2 est pourtant très bien servi par un transfert haute définition irréprochable. Les scènes nocturnes, lors des flashbacks, proposent des noirs intenses et une compression en acier trempé tandis que les extérieurs en pleine journée affichent une colorimétrie chatoyante. La perfection.
Son
Deux mixages pour la version originale avec un net avantage pour le Dolby Atmos qui nous plonge au cœur des échanges animés entre les personnages, dessinant des ambiances feutrées de plus en plus suffocantes. Discret mais diablement efficace.
Liste des bonus
Aucun.