JU-ON : THE GRUDGE
呪怨 – Japon – 2002
Support : 4K UHD & Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Takashi Shimizu
Acteurs : Megumi Okina, Misaki Itô, Misa Uehara, Yui Ichikawa, Kanji Tsuda, Kayoko Shibata, …
Musique : Shiro Sato
Durée : 92 minutes
Images : 1.85 16/9
Son : Français & Japonais DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Editeur : The Jokers
Date de sortie : 6 novembre 2024
LE PITCH
À Tokyo, un jeune couple et leur belle-mère âgée achètent une maison où s’est déroulé un violent crime passionnel quelques années plus tôt. Ils deviennent les victimes d’une malédiction qui se transmet rapidement à leur entourage…
Un chat dans la gorge
Dernier grand film de la vague J-Horror avant que celle-ci ne s’abîme irrémédiablement dans une avalanche de productions et de remakes interchangeables, Ju-On de Takashi Shimizu intègre ces jours-ci le catalogue de l’éditeur indépendant The Jokers dans une édition en 4K qui ravira les aficionados … sans toutefois parvenir à faire de l’ombre au DVD collector de 2007 paru chez HK Video. Explications.
Agréablement surpris par le succès du diptyque Ju-On qu’il tourne à l’économie pour le marché de la vidéo en 2000, Takashi Shimizu, alors âgé de 29 ans, embrasse l’opportunité de transposer sa création sur grand écran avec deux grandes ambitions : raffiner sa mythologie à base de malédiction virale et de spectres vengeurs pour en démultiplier l’impact auprès du public et se montrer digne des encouragements et du coup de pouce offerts par le cinéaste Kiyoshi Kurosawa alors que Shimizu n’était encore qu’un étudiant en cinéma. De fait, cette itération de l’histoire de la terrifiante Kayako peut être perçue comme la plus complète et la plus significative du talent de son géniteur, le véritable joyau d’une franchise dont on doute qu’elle ait dit son dernier mot, en dépit de la médiocrité de ses derniers opus (le crossover japonais Sadako vs. Kayako en 2016 et le reboot américain The Grudge en 2019).
Vaguement inspiré par Le manoir du chat fantôme (1958) de Nobuo Nakagawa, l’histoire de Ju-On trouve son point de départ dans un fait divers sanglant où se mêlent la jalousie, le désespoir et la rancœur : à Tokyo, persuadé d’avoir été fait cocu par sa femme Kayako, Takeo Saeki assassine cette dernière dans un accès de folie, avant de s’en prendre à son jeune fils Toshio et à son chat puis de se suicider. Consumés par une rage surnaturelle, les fantômes de la famille Saeki (le mari, la femme, le fils, le matou, et pas de jaloux) terrorisent puis déciment toutes celles et ceux qui croisent leur chemin. Née d’un féminicide, la malédiction imaginée par Takashi Shimizu s’affranchit des règles les plus contraignantes pour tout emporter sur son passage, avalant ses victimes dans le néant où les condamnant à revivre le drame fondateur comme un vilain croche-pied du destin. S’il ne se refuse pas une pincée de mélodrame et d’émotion (la relation entre le détective Toyama et sa fille Izumi, préfigurant l’épilogue du Dark Water de Hideo Nakata), Shimizu signe là un film profondément pessimiste et lugubre.
Façon puzzle
Comme ses petits copains Kyioshi Kurosawa et Hideo Nakata, Takashi Shimizu s’emploient à contaminer le quotidien nippon de la fin du vingtième siècle par des forces surnaturelles dont l’apparence volontairement dépouillée semble à la fois intemporelle et directement héritée d’un folklore millénaire. La gestuelle des spectres est épurée et animale, les apparitions sont théâtrales au possible, le teint des revenants est blafard et la couleur du sang trahit un expressionnisme 70’s savoureux. Mais ce fantastique antédiluvien, d’une « pureté » admirable, surgit ici dans des cadres d’une effroyable banalité ou au travers de nos technologies modernes (vidéos de surveillance, polaroids, écran de télévision, ondes hertziennes), comme si ces forces d’un autre âge revenait aujourd’hui pour nous punir de notre médiocrité et de notre suffisance, retournant le progrès contre le monde des vivants. Plus désespéré encore que Ring et Kaïro, Ju-On ne laisse entrevoir aucune issue à la malédiction de Kayako, aucun pas de côté, aucun lot de consolation. La singularité de Ju-On tient aussi – et surtout – dans sa structure narrative éclatée. À l’instar d’un Quentin Tarantino (mais en moins roublard) Takashi Shimizu construit son récit de façon non linéaire, en une multitude de vignettes consacrées à chacun des personnages qui peuplent cette spirale apocalyptique, avec un crescendo aboutissant systématiquement à une attaque (fatale) de Kayako. En croisant les destinées de ses protagonistes dans un désordre savamment étudiée, Shimizu sollicite du public une attention soutenue. Le procédé, diablement ludique, incite à de multiples visionnages mais souligne également le pouvoir de Kayako, capable de malmener le temps et l’espace avec des conséquences funestes.
Traversé de visions glaçantes (la première apparition de Toshio, la scène de l’ascenseur, la main de Kayako dans les cheveux de Megumi Okina sous la douche) et s’appuyant sur des cadrages d’une précision ahurissante et une bande-son travaillée avec un soin maniaque, Ju-On n’a rien perdu de son étrangeté, de sa mélancolie et de sa colère. Méfiez-vous des imitations.
Image
Le DVD édité par HK Video en 2007 ayant pris un petit coup de vieux, la remise à niveau proposée par The Jokers étant donc attendue avec une certaine impatience. Dans la droite ligne des rééditions en 4K de The Ring et Dark Water, ce lifting du film de Takashi Shimizu se fait discret. La définition fait évidemment un bond en avant significatif, avec une compression aux petits oignons et une stabilité de l’image qui fait oublier les cadres fébriles d’antan, lesquels étaient bousculées par un fourmillement vidéo plus ou moins volontaire. On gagne en propreté et en couleurs mais on perd un peu de grain et de texture, excepté lors des gros plans. Clinique et respectueux.
Son
On pourra toujours tergiverser sur le rendu visuel de cette réédition, mais le traitement sonore devrait quant à lui mettre tout le monde d’accord. Ju-On tirant une part non négligeable de son capital frayeur de ses effets sonores, les mixages français et japonais rivalisent de présence et de clarté. Le terrible raclement de gorge de Kayako ou le miaulement rageur de Toshio feront faire des cauchemars à vos enceintes.
Interactivité
C’est le talon d’Achille de cette nouvelle édition : le Ju-On originel, celui estampillé V-Cinema et sorti en 2000, présent sur le DVD d’HK Video, n’a pas fait le voyage sur support haute-définition. Une véritable occasion manquée à laquelle The Jokers répond par un très bon entretien avec Fabien Mauro. Un bel effort mais qui ne fait pas oublier une vraie frustration éditoriale. Pour le reste (et pour forcer la comparaison), on retrouve les bonus du DVD collector (scènes coupées commentées, fin alternative commentée elle aussi, histoires de fantômes devant le plan fixe d’une bougie et un making-of brut de décoffrage découpées en trois segments). Une réorganisation qui laisse aussi sur le carreau les storyboards. Complémentaire de la galette HK Video pour sa mise à jour technique, le combo de The Jokers ne parvient pas pour autant à lui faire de l’ombre. Collectionneurs, vous savez ce qu’il vous reste à faire.
Liste des bonus
Entretien avec Fabien Mauro, Scènes coupées avec commentaires du réalisateur, Fin alternative, Histoires de fantômes, Entretien avec l’équipe du film, Making-Of.