JOE, C’EST AUSSI L’AMÉRIQUE
Joe – Etats-Unis – 1970
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : John G. Avildsen
Acteurs : Peter Boyle, Dennis Patrick, Susan Sarandon, Audray Caire, Patrick McDermott, k Dallan…
Musique : Bobby Scott
Durée : 107 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 mono Anglais et français
Sous-titres : Français
Editeur : ESC éditions
Date de sortie : 24 juillet 2024
LE PITCH
Bill Compton, un riche publicitaire, ne supporte pas que sa fille Melissa soit en couple avec un dealer. Après une overdose qui la conduit à l’hôpital, Bill se rend chez le petit ami de sa fille et l’assassine dans un accès de colère. Peu après, il rencontre Joe Curran, un ouvrier à qui il confesse son crime.
The Patriot
Saviez-vous que derrière ce titre, soyons honnête, pas très connu, se cache l’un des plus gros succès du cinéma indépendant américain all time ? Culte encore aujourd’hui aux Etats-Unis, Joe, c’est aussi l’Amérique a multiplié par deux cents sa mise de départ mettant minable la rentabilité des blockbusters actuels. Si le film traverse les époques, ce n’est pas innocent. Les réflexions qu’il pose sont et seront toujours dans l’air du temps.
Joe a beau se trouver en Amérique, ces idées n’ont pas eu besoin de barrière pour traverser les océans et les époques. Il n’a rien inventé. Son discours peut se passer en Allemagne, en Australie, en Chine ou à Pétaouchnoc, ce serait pareil. Il pourrait même changer de nom, s’appeler Jordan B. ou Jean-Luc M. que l’on ne verrait pas la différence. L’ami Joe en a marre. Il milite pour l’Amérique blanche. Il est raciste certes mais pour le bien de son pays. Il défend le droit au travail mais pas son patron ; les armes mais juste pour se défendre. Joe navigue entre les eaux et les deux extrêmes. Il n’est pas tout à fait à droite ni vraiment à gauche, Joe est un patriote, un vrai et il n’aime pas vraiment le changement.
Le film s’inscrit parfaitement dans ce cinéma libertaire pré-nouvel Hollywood. Coincé peu après Easy Rider et Midnight Cowboy, il s’intercale ainsi avant Taxi Driver (où Peter Boyle y interprétera Wizard, une sorte d’extension à son Joe) avec qui il partage nombres de points communs.
Campagne politique
Avant tout, il faut célébrer la prestation impeccable de Peter Boyle, son acteur principal. Second couteau du cinéma, sa tête est surtout connue pour être un membre de la famille Barone dans la série Tout le monde aime Raymond ou celle du monstre dans le Frankenstein junior de Mel Brooks. Il excelle ici en homme prolo désabusé aux cotés de Dennis Patrick en chef d’entreprise à la recherche de sa fille (incarnée par la toute jeune Susan Sarandon qui fait ici ses débuts sur le grand écran). Ce duo que tout oppose en apparence n’est pas si dissemblable sur le fond. Ce qui aurait pu devenir une sorte de Diner de cons (le PDG qui ne sait pas se dépêtrer de cet encombrant homme du peuple) va petit à petit mener le spectateur dans leurs déboires communs. Il se trouve témoin observateur dans leur quête contre un système aux rouages pas si bien huilés. Les protagonistes vont découvrir les bas-fonds, ceux des marginaux, des hippies, des drogués. D’un monde qu’ils ont en horreur mais dans lequel la fille de Dennis Patrick a fait le sien. Dans sa recherche, le père tue un dealer ; autant dire un héros pour Joe. De boulet à se débarrasser, ils deviendront complices. Pour trouver des réponses, ils devront fréquenter ceux qu’ils blâment et essayer ces drogues et libertinages qu’ils condamnent pour mieux approcher leur cible. On pense au premier film américain de Milos Foman, Taking Of qui emprunte le même chemin comme conclusion. Finalement, on aperçoit ce monde sous terrain soi-disant libre souffrir des mêmes travers tout aussi corrosifs que les gens du haut. Ils arnaquent et volent mais de manière différente. Les barrières sont brisées.
John G. Avildsen avec Joe, pose les bases de son style. Celui qui fera de son futur Rocky le triomphe mérité que l’on connaît. Il filme les gens de tous les jours, sans cacher leurs faiblesses. Sa caméra colle au plus près de ses acteurs, il leur laisse le temps de s’exprimer (voir le fabuleux monologue de Peter Boyle dans le bar qui introduit son personnage). Le metteur en scène maîtrise d’autant plus la texture de son film qu’il tient également le poste de directeur de la photographie. Le film est âpre. Dès son ouverture on s’y pique en gros plan. Il ne condamne pas ses protagonistes, ne fait pas de politique. Il laisse le spectateur juge. Libre à lui de prendre ses personnages en empathie ou en aversion. Le metteur en scène aurait pu marquer plus durablement le cinéma s’il ne s’était perdu dans les années 80 (même si cette décennie lui a apporté la sécurité financière avec les Karaté Kid).
Son Joe, c’est aussi l’Amérique est une vraie réussite. Son discours ne peut que résonner encore aujourd’hui, particulièrement dans le tumulte politique actuel. Droite, Gauche, Centre, le principal n’est pas là. Quelle que soit l’orientation, les préjugés peuvent tomber, on peut toujours apprendre de l’autre. C’est aussi ça la France !
Image
Peu connu par chez nous, le statut à part de Joe aux États-Unis a dû aider à la restauration. Dans la mouvance des films 70’s, le film garde la texture caméra au poing du cinéma dit «de vérité ». Le piqué accroche les détails tout en faisant la part belle à la texture de la pellicule qui garde un beau grain et une stabilité d’image des plus appréciables.
Son
En mono 2.0, la VO plus dynamique que la piste française, fait la part belle aux voix et discours d’acteurs. Elles se démarquent des séquences de foules en étant plus claires et toniques. Certaines scènes d’ambiances sont plus étouffées mais se suffisent amplement.
Interactivité
Jean baptiste Thoret est de la fête pour nous parler de l’ami Joe. Toujours dans la profondeur, il a les tenants et les aboutissants pour nous faire comprendre le contexte social et politique dans lequel le film a immergé et a obtenu son statut culte. Bien sûr il aborde aussi largement la carrière de John G Avildsen avec ses espoirs et ses déceptions. Toujours carré le Thoret. Pour compléter l’entretien, le film est accompagné d’un livret « La haine en bandoulière » écrit et bien documenté par Marc Toullec.
Liste des bonus
« Le Réveil de l’Amérique silencieuse » : Entretien avec Jean-Baptiste Thoret, historien du cinéma et auteur de l’ouvrage « Le Cinéma américain des années 1970 » (45’), Bande-annonce (3’).