JE SAIS RIEN MAIS JE DIRAIS TOUT
France – 1973
Support : Bluray
Genre : Comédie
Réalisateur : Pierre Richard
Acteurs : Pierre Richard, Bernard Blier, Hélène Duc, André Gaillard, Teddy Vrignault, Bernard Haller, …
Musique : Michel Fugain
Durée : 78 minutes
Image : 1.66 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français pour sourds et malentendants
Éditeur : Studio Canal
Date de sortie : 14 septembre 2022
LE PITCH
Pierre est le fils d’un industriel cynique, influent et richissime qui vend des armes aussi bien à l’Egypte qu’à Israël. En tentant de remettre dans le droit chemin trois malfrats qui se moquent de lui, il va être contraint d’intégrer l’entreprise de son père et va provoquer une série de catastrophes…
Faites l’humour pas la guerre !
Pour son troisième essai derrière la caméra, Pierre Richard poursuit sa croisade de clown rêveur et maladroit en s’attaquant aux marchands d’armes. La satire est plus mordante que prévu et les gags s’abattent en rafale. Dommage que la mise en scène et l’écriture ne soient pas toujours à la hauteur des superbes intentions de départ.
Je sais rien mais je dirai tout marque une rupture sensible dans la carrière de Pierre Richard. Porté par le succès populaire du Grand blond avec une chaussure noire d’Yves Robert, l’acteur-réalisateur, nouvelle star de la comédie made in France, s’émancipe en douceur en changeant de producteur. Sans toutefois dire adieu à Alain Poiré et la Gaumont qu’il retrouvera dès 1974 pour le Retour du grand blond, Pierre Richard rejoint Christian Fechner, producteur discret mais à l’influence grandissante du chanteur Antoine et des Charlots. En coulisses, malgré l’arrivée de l’acteur et co-scénariste Didier Kaminka et la présence des Charlots à l’occasion d’un caméo que l’on sent purement contractuel, l’auteur du Distrait et des Malheurs d’Alfred ne change pas sa méthode et s’entoure de ses amis et fidèles. Bernard Blier, Danièle Minazzoli, Luis Rego, George Beller ou encore Francis Lax sont une fois de plus au casting et, derrière la caméra, Marco Pico et Elizabeth Rappeneau continuent de veiller au grain et de prêter main forte.
En sécurité, Pierre Richard peut se permettre de voir les choses en grand. Si la cible principale de Je sais rien mais je dirai tout reste le commerce des armes, le film s’attaque avec la même énergie au racisme, au syndicalisme, à la droite conservatrice, à l’armée, à la police et à l’administration. Et tout en cultivant son image de grand dadais utopiste mais toujours un peu gauche et timide, Pierre Richard revendique ici et plus que jamais son amour pour Jacques Tati, Blake Edwards, Charlie Chaplin et Raymond Devos. Un menu plutôt copieux et aux visées pacifistes et joyeusement anarchistes.
Feu à volonté !
Hilarant, Je sais rien mais je dirai tout souffre pourtant de sa frénésie de gags et d’un montage qui, faute d’une intrigue qui se tienne, à un peu tendance à sauter du coq à l’âne. Ainsi, le passage de longues scènes de dialogues nonsensiques à de courts passages de comique burlesque s’effectue le plus souvent sans la moindre logique et le ton peut passer en quelques secondes d’une satire au vitriol à une caricature cartoonesque. Quant à certains gags (un blackface pertinent sur le fond mais un peu moins sur la forme, une critique éclair de l’antisémitisme ordinaire sortie de nulle part), ils ont tout simplement mal vieilli, naïveté de l’auteur oblige.
Ces défauts pris en compte, la grande farce de Pierre Richard demeure pourtant hautement savoureuse et enchaîne les morceaux de bravoure sans répit (78 minutes, générique compris !). A commencer par un interrogatoire dans un poste de police où Pierre Tornade et Daniel Prevost se perdent entre tutoiements et vouvoiements, le coup de foudre pour une belle infirmière qui se transforme en prise de sang périlleuse, les manigances du trio George Beller/Luis Rego/Didier Kaminka qui provoquent un conflit syndical et volent 500 chars d’assaut (pardon, 499) pour les revendre en banlieue, la dyslexie hautement contagieuse de Pierre Repp ou encore une visite aux Assédic qui tape aussi fort que la cultissime « maison de fous » des Douze Travaux d’Astérix. La plus belle scène du film, totalement hors-sujet lorsqu’on y pense, confronte Pierre Richard à Victor Lanoux dans un plan fixe où, de dos, les deux compères échouent à s’entendre pour peindre une façade en rythme, hommage génial à Chaplin et au cinéma muet.
Jouissant d’une liberté d’expression et d’une boulimie d’expérimenter typiques des années 70, Pierre Richard signe là une œuvre singulière, probablement la plus extravagante et la plus féroce de sa longue carrière, celle où il aura eu le courage (ou l’inconscience) de faire sauter tous les verrous de son humour lunaire.
Image
Issu d’une restauration en 4K effectuée en 2018, le master est de toute beauté, gommant les outrages du temps tout en conservant le grain et la grisaille de la photographie très naturelle de Pierre L’Homme.
Son
Il faut vraiment pousser le volume pour mettre à jour la moindre saturation d’une stéréo de fort belle tenue. Bon, ce n’est pas le mixage de l’année non plus et il ne faut pas s’attendre à des effets inattendus mais les pistes sons ont été nettoyées avec soin et la chanson de Michel Fugain qui ouvre et clôture le film occupe les enceintes avec une certaine fraîcheur.
Interactivité
Maître d’œuvre de cette nouvelle collection prometteuse dédiée au cinéma français des années 70, Jérôme Wybon présente le film dans un court module informatif de 5 minutes mais aussi les scènes coupées auxquelles il fournit un contexte et des explications. Mais le gros morceau de l’interactivité est un making-of d’époque de près d’une heure qui donne la parole aux techniciens de l’ombre, qui témoigne de la difficulté de Pierre Richard de tenir une double casquette et qui regorge de moments cocasses et précieux à l’image d’un Bernard Blier qui entonne une chanson paillarde entre deux prises.
Liste des bonus
Introduction de Jérôme Wybon (5 minutes) / « Une équipe en or », documentaire sur le tournage (56 minutes) / Scènes coupées (10 minutes) / Bande-annonce.