JANE EYRE
France, Italie, Royaume-Uni, Etats-Unis – 1996
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Franco Zeffirelli
Acteurs : Charlotte Gainsbourg, William Hurt, Anna Paquin, Geraldine Chaplin, Fiona Shaw, John Wood, Joan Plowright, Maria Schneider, Elle Macpherson…
Musique : Alessio Vlad, Claudio Capponi
Image : 1.78 16/9
Son : Anglais et français LPCM 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 112 minutes
Éditeur : BQHL Editions
Date de sortie : 04 avril 2024
LE PITCH
Après une enfance triste au pensionnat de Lowood, la jeune orpheline Jane Eyre est engagée comme gouvernante de la petite Adèle chez le riche Edward Rochester. Mr. Rochester, homme ombrageux errant dans son immense demeure, ne tarde pas à être sensible aux charmes de Jane, qui, elle, se sent attirée par ce personnage énigmatique. C’est bientôt une folle passion, jusqu’au moment où Jane apprend que son amoureux est déjà marié…
Portrait de la jeune femme en feu
Metteur en scène ayant fondé sa carrière sur son attrait pour les grands opéra (Carmen, Turandot, Pagliacci…) et pour ses nombreuses adaptations de classiques théâtraux (La Mégère apprivoisée, Othello, Hamlet…), Franco Zeffirelli jette en 1996 son dévolu sur le célèbre Jane Eyre de Charlotte Brontë. Venant de l’auteur de l’un des plus beau Roméo et Juliette sur grand écran, on aurait pu s’attendre à plus de passion et d’éloquence…Il faut croire que les paysages anglais rafraichissent parfois un peu trop les ardeurs.
Publié pour la première fois en 1847, Jane Eyre est sans doute le seul roman des sœurs Brontë à avoir connu un vrai retentissement dès sa publication. Un succès en partie nourrie d’un indissociable parfum de scandale puisqu’il s’agissait à nouveau d’un regard particulièrement critique sur la culture britannique rigoriste de l’époque, sur l’omniprésence de la morale chrétienne, les codes engoncés de la haute société, du fossé existant avec les classes moins chanceuses… et bien entendu sur la place de la femme, peu réjouissante, au milieu de tout cela. Une œuvre qui a passionné rapidement le cinéma qui lui donna une première illustration muette dès 1910 et qui accoucha entre autres d’un admirable essai signé Robert Stevenson en 1943 avec Joan Fontaine et Orson Welles. Coutumier de l’exercice, Franco Zeffirelli n’est pas inquiété par ce long héritage, épaulé par une imposante coproduction internationale et prend aussi en charge, aux côtés de Hugues Whitemore, l’écriture du scénario. Un travail d’adaptation nécessaire où le cinéaste n’hésite pas à laisser sous silence une bonne part de l’enfance de l’héroïne, ses premières années en tant qu’institutrice, mais aussi quelques passages plus tardifs et détails dramatiques qui purent faire bondir les puristes. Cependant les soucis de cette écriture ne reposent pas vraiment sur l’oubli de tel ou tel chapitre du roman, mais sur la, pourtant très bonne intention, d’aborder le sujet avec des atouts plus cinématographiques que verbaux.
Un cri dans la nuit
Le cinéaste veut souvent faire passer l’émotion du personnage et l’identité du roman par l’image, la photographie, l’atmosphère, mais ne réussit jamais totalement à reconstituer justement les particularismes du texte. Un mélange de drame sentimental, de fresque initiatique, de grand feuilleton intime, toujours aux abords du conte gothique, presque du conte tout court même, comme pouvait l’être aussi Les haut de Hurlevant de la sœur Emily. Ici Jane Eyre se veut surtout un film beaucoup plus réaliste, doté d’une reconstitution historique des plus élégantes (costumes, décors, lumières… tout est parfait), mais handicapé par une froideur distante où l’on n’arrivera jamais, par exemple, à croire pleinement en cette véritable passion déchirante qui va naitre entre Jane Eyre et Edward Rochester, pourtant au cœur du mélodrame mais aussi des enjeux thématiques. Alourdis par les compositions outrancièrement romantiques de Claudio Capponi (La bocca, Mémoire d’un sourire), ce Janes Eyre souffre alors d’un aspect presque suranné, daté, bien trop sage (voir le traitement de l’ancienne épouse du Lord, bien en dessous du texte) qui se montre en cette approche de l’année 2000, presque moins moderne que le modèle littéraire qui en l’occurrence, s’efforçait alors de secouer son lectorat et son époque. Comme ses personnages, constamment enfermés dans des sur-cadres (fenêtres, encablures de portes, intérieurs étouffés…), le métrage ne réussit jamais à prendre son aspiration et se laisser emporter par la fougue, certes refoulée, de la protagoniste principale.
Une déception certainement, mais qu’il est impossible d’imputer à un casting impeccable et surtout à la parfaite Charlotte Gainsbourg. De son port de tête à sa beauté fragile en passant par sa voix légèrement cassée et son jeu intériorisé, elle était véritablement l’interprète idéale pour incarner Jane Eyre mais l’écrin n’est pas tout à fait à la hauteur. Dommage.
Image
Encore un film plutôt rare en HD édité chez BQHL. On en trouve une unique trace du côté des USA en 2012, en double programme avec Becoming Jane, et depuis plus rien… Et surtout pas de nouvelle remasterisation. La copie présentée ici est donc bien la même, c’est-à-dire une source vidéo assez datée, pas franchement nettoyée (l’image est bourrée de taches noirs, blanches ou autres), mêlant un grain fluctuant et des contours pas toujours des plus nettes. La photographie relativement terne n’est pas vraiment mise en avant par des contrastes un peu mous et la définition est à la peine dès que le la luminosité baisse. Vieillot, mais est-ce qu’un éditeur investira dans une restauration derniers cri ?
Son
Plus convaincantes, les pistes sonores LPCM assurent une certaine clarté autant dans la restitution des dialogues que dans les reliefs de la musique ou les quelques effets d’atmosphères. Dans les deux cas c’est très sobre avec juste un petit surplus de ronflements sur la version française.
Interactivité
Spécialiste de la littérature anglaise, auteur de nombreux ouvrages universitaires dont Jane Eyre L’itinéraire d’une femme, Claire Bazin accompagne parfaitement le film en explorant autant l’œuvre littéraire originale, (sa structure, son style, ses thématiques avant-gardistes…) que ses diverses adaptations à l’écran avec naturellement un accent plus important sur le film en présence ici. Entre étude comparative, analyse, et réflexions stylistiques voir historiques, le propos est précis et toujours très intéressant.
Liste des bonus
: Entretien avec Claire Bazin, spécialiste de la littérature britannique du XIXème siècle (47’).