INNOCENTS

The Dreamers – Royaume-Uni, Etats-Unis, France, Italie – 2003
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Drame, Erotique
Réalisateur : Bernardo Bertolucci
Acteurs : Michael Pitt, Eva Green, Louis Garrel, Robin Renucci, Anna Chancellor, Jean-Pierre Kalfon, Jean-Pierre Léaud, Leonardo DiCaprio…
Musique : Divers
Image : 1.85 16/9
Son : DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0 Anglais et Français
Sous-titres : Français
Durée : 115 minutes
Editeur : Metropolitan Film & Vidéo
Date de sortie : 16 mai 2025
LE PITCH
Mai 1968, à Paris. La révolte étudiante gronde, les manifestations se multiplient. Isabelle et son frère Théo, restés seuls dans la capitale pendant les vacances de leurs parents, invitent chez eux Matthew, un étudiant américain qu’ils ont rencontré à la Cinémathèque où ils passent le plus clair de leur temps. Dans cet appartement, ils rejouent les scènes de leurs films préférés, cherchent à se découvrir en se livrant à des jeux sensuels de plus en plus troubles.
Ultime tango à Paris
30 ans plus loin, mais en parallèle de son œuvre la plus sulfureuse, Bernardo Bertolucci revient à ses amours parisiens… et à sa propre jeunesse, baignée dans la cinéphilie exigeante, la musique psychédélique, la Nouvelle vague, les mouvements revendicateurs et les explorations sensuelles. Mais une fois encore, les jeux du corps cachent quelques jeux plus pervers et troublants.
Février 68, l’état limoge François Langlois, directeur apprécié de la Cinémathèque française et c’est toute une profession, de Paris à Hollywood en passant par l’Italie, qui se révolte. C’est aussi une certaine jeunesse, politisée et cinéphile, qui sent le vent tourner et la rébellion prendre le pas. Mai 68 c’est l’éclatement et l’espoir d’un monde qui pourrait, enfin changer. Au milieu il y a Matthew et les jumeaux Theo et Isabelle, qui se demandent, un peu, s’ils doivent vraiment s’y intéresser, participer à l’Histoire… Mais ils préfèrent manifestement les histoires. Celles du cinéma en particulier qui habitent, voir structure, leur quotidien, parsemé de citations, d’extraits, de mimes de grands extraits, montrant autant leur culture quelque-peu érudite, que leur volonté de se détacher du réel. Rapidement isolés dans un vaste et riche appartement parisien, transformé en cocon loin de toute jugement, ordre ou moral, le trio divague sur la supériorité de Chaplin ou Keaton, vibre sur du Janis Joplin, s’enivre de vin ou d’herbe et surtout se livre de plus en plus naturellement à la nudité et aux rapprochements érotiques. Un film sur l’exploration des sens et la découverte du soi ?
Réveil moite
En partie seulement, car en adaptant le roman The Dreamers de Gilbert Adair (également scénariste ici), Bertolluci sait qu’il va pouvoir renouer avec ses thèmes de prédilections, faire vibrer la corde de quelques souvenirs mélancoliques (sa fascination pour Godard, pour la capitale, pour les jeunes corps adultes…) mais aussi faire écho à cette même volonté de rendre hommage au Les Enfants de terribles de Jean Cocteau, et au long métrage de Jean-Pierre Melville. Une œuvre double scrutant la relation douteuse, et carrément incestueuse, d’un frère et d’une sœur coincés dans une enfance et une relation symbiotique qu’ils voudraient éternel. Ce qui s’apparente alors à une parenthèse enchantée dans Innocents, tourne forcément à une relation viciée, malade, dans laquelle le charmant américain sert essentiellement d’objets de transferts pour les deux jumeaux tentant vainement de cacher leur désir mutuel. Le brouhaha des manifestations et les pavés lancés contre les CRS, et d’une certaine façon l’ordre adulte, ne peuvent que jaillir pour confronter les personnages à leur honte et à la nécessité de grandir, quitte à embrasser une cause à laquelle ils ne croyaient qu’à moitié. Malgré la plupart des échos critiques lu il y a vingt ans pour la sortie du film, Innocents n’est certainement pas une simple proposition érotique et une illustration naïve de la découverte du sexe et de la vie politique, mais surtout un tableau étouffé d’un trio désordonné et renfermé sur lui-même.
Film étrange en effet, à la sensualité indéniable, au trio d’acteur affolants (Eva Green et Louis Garrel dans leur premier rôle au cinéma) où la cinéphilie (Fuller, Godard, Steinbeck…) devient aphrodisiaque, mais où l’érotisme se dérobe tout aussi rapidement, confrontant le spectateur à une certaine gène devant cette jeunesse, bourgeoise et fier de son intellectualisme, tournant en rond… jamais très loin du nombril.
Image
L’image d’Innocents a été restauré en 4K par la Fondazione Cineteca di Bologna à partir d’un nouveau scan des négatifs originaux et réétalonné sous la surveillance de Fabio Cianchetti, le directeur de la photographie. Le résultat est à la hauteur des espérances, renouant avec toute la fibre cinématographique du film, son grain délicieusement organique, ses reflets argentiques, ses textures admirablement dessinés et son relief naturel, mais valorisé par une stabilité et une propreté inédite. D’autant plus appréciable que sans jamais en dénaturer les équilibres premiers, la palette de couleurs est particulièrement soutenue et étendue grâce au traitement Dolby Vision. Une image éclatante et riche, qui se marie plus naturellement encore avec la poignée d’extraits de films plus anciens, dont les contrastes noirs et blancs semblent bien plus intenses que lors de la première sortie salles.
Son
Version originale et française sont proposées par l’éditeur en DTS HD Master Audio 2.0 et 5.1. Les premières propositions en stéréo sont forcément plus adaptées aux installations restreintes, tandis que les secondes beaucoup plus généreuses et amples viendront apporter une certaine rondeur et une dimension supplémentaire aux spectateurs équipés de Home Cinema. Rien de trop grandiose, mais tout de même un effort très appréciable a été apporté à une spatialisation plutôt naturelle, jouant sur l’espace clos mais presque labyrinthique de l’appartement, sur l’écho d’une course dans les couloirs du musée ou les effets de foule des manifestations. A noter que la version originale, mélange d’anglais avec plus ou moins d’accents et de français, apporte bien entendu bien plus de réalisme aux dialogues et aux personnages.
Interactivité
Dans la continuité de sa très belle édition conçue pour Le Dernier Empereur, Metropolitan propose Innocents dans un même coffret digipack quatre volets pour deux disques (UHD et Bluray) sous fourreau cartonné et son livret plutôt conséquent. Un ouvrage mêlant un texte introductif du cinéaste, quelques apartés sur les lieux de Paris visités ou les films cités et même un sujet sur l’affaire « Henri Langlois » et ses répercussions, ainsi qu’une analyse à la fois personnelle, cinéphilique et très pertinente du film par la plume du talentueux Nicolas Rioult.
Sur les disques on retrouve des documents vidéo qui furent diffusés lors de la sortie du film en salles avec un court making of promo, quelques interviews enthousiastes façon EPK de l’équipe du film avec des interventions de Bernardo Bertolucci, Eva Green, Michael Pitt, Louis Garrel, Gilbert Adair et Jeremy Thomas et un B-Roll montrant le tournage de quelques scènes clefs. Tout ces éléments sont réutilisés et ajoutés à des considérations bien plus développées dans le documentaire Cinéma, sexe, politiques, qui retrace véritablement la création du film, le croisant avec les remous politiques et artistiques qui lui sert de contexte. Très complet et éclairant. Enfin pour ceux qui veulent pousser la réflexion plus loin et découvrir quelques anecdotes supplémentaires et des réflexions artistiques plus poussées, il y a encore le très intéressant commentaire audio réunissant Bertolucci avec le scénariste / romancier Gilbert Adair et le producteur Jeremy Thomas.
Liste des bonus
Un livret de 56 pages, Commentaire audio, « Cinéma, sexe, politiques » : Documentaire (50’), Making of (5’), Entretiens avec l’équipe (24’), Images du tournage (11’), Bande-annonce d’époque.