INLAND EMPIRE
États-Unis, France, Pologne – 2006
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame, Fantastique
Réalisateur : David Lynch
Acteurs : Laura Dern, Jeremy Irons, Justin Theroux, Harry Dean Stanton, Peter J. Lucas, Grace Zabriskie, William H. Macy
Musique : Angelo Badalamenti
Image : 1.66 16/9
Son : Anglais et allemand DTS HD Master Audio 5.1, Anglais et français PCM 2.0
Sous-titres : Français, Allemand.
Durée : 181 minutes
Éditeur : Studiocanal
Date de sortie : 28 juin 2023
LE PITCH
Inland Empire, un quartier de Los Angeles proche du désert californien. L’actice Nikki Grace s’apprête à tourner le remake de « 47 », un film qui n’a jamais pu être achevé à cause d’une malédiction…
Lost Hollywood
Dernier long métrage en date signé David Lynch, Inland Empire sonne encore aujourd’hui, malgré la baffe monumentale constituée par la série Twin Peaks Return, comme une expérience terminale, expérimentation boursoufflée et hypnotique, vaine et passionnante, œuvre somme résumant façon puzzle 30 ans de créations cinématographiques.
C’est l’histoire du tournage d’un film, remake d’une œuvre inachevée et maudite (tous les acteurs auraient disparu dans des circonstances étonnantes) où d’étranges phénomènes, temporels et autres, commencent à perturber la réalité. C’est l’histoire d’une femme, hantée par son couple brisé et qui tente de reprendre le dessus sur sa propre vie. C’est une trame déconnectée dans le petit monde de la mafia des pays de l’est. C’est un nouveau portrait d’Hollywood fracturé entre sa machine à rêve et ses rues peuplées de SDF et de prostituées. C’est un film de David Lynch qui échappe rapidement à toute structure facilement identifiable, passant allégrement d’un plan à l’autre, d’une trame à l’autre, les mélangeant joyeusement dans une compression de réalisme décalé et de fantastique flippant, creusant comme jamais cette incontournable inquiétante étrangeté, cette vérité cauchemardesque qui se cache dans le moindre recoin du quotidien. Portant le film à bout de bras, traversant quasiment tous les plans avec une justesse d’autant plus effarante qu’elle passe de l’impassibilité aux larmes et à l’hystérie, Laura Dern n’est pas qu’un personnage de fiction, elle est une actrice qui joue une actrice, faisant directement écho au précédent Mulholland Drive (Naomi Watts, Laura Harring et Justin Theroux sont bien de la partie) mais aussi à son propre attachement au reste de l’œuvre de David Lynch.
Lynch-kit
Des retrouvailles après Blue Velvet et Sailor et Lula, et une projection qui traverse allègrement le temps d’Eraserhead à Lost Highway sans oublier naturellement Twin Peaks et ses extensions. Si les longs métrages précédents de David Lynch constituaient toujours une compression entre un genre cinématographique relativement identifié et ses visions plus personnelles et sidérantes, Inland Empire ouvre totalement les vannes retrouvant la même liberté expérimentale et délirante de ses nombreux courts métrages absurdes et visionnaires (un prolongement de Rabbits, sitcom à tête de lapin, s’incruste d’ailleurs dans le tableau) qu’il travaille inlassablement depuis sa découverte d’une caméra. Un objet qu’il aborde avec un fétichisme total, soit ici le modèle léger et mobile de Mini DV autofocus qui venait de faire plus ou moins son apparition, et qui tranche forcément avec la pellicule pure, ferme et précise d’autrefois. Un rendu parfois clairement moche de pixels et de captation numérique basse définition, mais qui entre ses mains devient un outil qui transforme plus encore le réel, lui permettant des décalages d’éléments, des halos floutés, des perceptions partielles et des séquences sombres hors du temps qui poussent l’expérience Inland Empire plus loin. Toujours plus loin.
Voyage de près de trois heures dans un univers définitivement unique, onirique et horrifique, métaphysique et comique, contemplatif et musical, Inland Empire n’est clairement pas acceptable par tous les spectateurs car il reste la proposition la plus radicale de David Lynch depuis… Eraserhead premier choc datant, déjà, de 1977.
Image
Cas définitivement étrange qu’Inland Empire récemment ressorti en salles avec un nouveau master 4K ! Ce qui pour un film tourné en mini DV et en définition standard à la source reste plus que surprenant. Le travail effectué ici a donc été intégralement numérique, supervisé par Lynch en personne, afin de permettre une diffusion maitrisée de l’objet dans les nouveaux standards. Bien entendu toutes les fioritures, faiblesses, et reflets particuliers au numérique première génération restent très présents, mais avec une légère patine moins abrupte et un piqué bien plus prononcé. Le travail effectué a été minutieux et reste en effet discret (peut-être qu’en UHD la fracture serait plus évidence), mais reste extraordinairement respectueux des volontés initiales avec peut-être quelques retouches assez discrètes au niveaux des teintes principales. A noter que respectant la volonté du metteur en scène, le film est proposé sans aucun chapitrage.
Son
Si la piste française, assez froide, reste fermement ancrée dans sa stéréo d’origine avec un rendu PCM on ne peut plus limpide, la version originale, beaucoup plus naturelle et organique, se déploie avec un DTS HD Master Audio 5.1 ample et, David Lynch oblige, très présent sur les ambiances et les effets enveloppants. Les sonorités dissonantes, les ruptures spatiales, les musiques de Badalamenti, s’intègrent à merveille dans un univers le plus souvent angoissant.
Interactivité
Si Criterion distribue cette ressortie HD aux USA, en Europe c’est Studiocanal (coproducteur du film) qui propose sa propre édition. Un disque DVD du film (pourquoi faire ?) et surtout un Bluray uniquement consacré aux suppléments viennent compléter le disque HD du film. On note d’emblée la disparition des quatre interviews du réalisateur présentes sur le DVD collector sorti en 2007, ainsi que de certains éléments apportés par la prestation US dont une discussion entre Laura Dern et Kyle MacLachlan.
Pour le reste cependant l’essentiel est là avec une courte rencontre avec le cinéaste qui répond avec beaucoup de précision sur l’origine du film, le choix du numérique et sa nouvelle collaboration avec Laura Dern. On retrouve ici aussi le long métrage documentaire Lynch (one) portrait éclaté et langoureux signé blackANDwhite et tourné durant la préproduction et le tournage d’Inland Empire. Une plongée atypique dans les réflexions d’un homme qui ne l’est pas moins, qui ne donnera pas vraiment de clefs sur son œuvre mais plutôt accès à d’autres de ses inspirations. A noter que le court métrage Lynch2 (presque entièrement concentré sur les coulisses d’Inland Empire) et les items supplémentaires vu sur l’édition DVD de Potemkine sorti chez nous en 2010 sont absents. Enfin, autre gros morceau de cette édition, « More Things That Happened » constitue comme pour son pendant de Fire Walk With Me, un montage long et brut (mais étalonné et achevé) des scènes coupées du film, s’approchant d’un long métrage embryonnaire qui viendrait se greffer à l’objet principal. A noter aussi des menus épurés mais à l’esthétique, visuelle et sonore, particulièrement réussie.
Liste des bonus
« More Things That Happened » : scènes coupées (75’), « Lynch (One) » : documentaire (85’), Entretien avec David Lynch (6’), Bande-annonce.