INCUBUS

Etats-Unis – 1965
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Fantastique
Réalisateur : Leslie Stevens
Acteurs : William Shatner, Allyson Ames, Eloise Hardt, Robert Fortier, Milos Milos, Ann Atmar…
Musique : Dominic Frontiere
Image : 1.85 16/9
Son : Esperanto DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français, anglais
Durée : 74 minutes
Editeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 18 décembre 2023
LE PITCH
Situé au bord de l’océan, le village de Nomen Tuum a tout d’un lieu paradisiaque. On y trouve un puits, la Fontaine du Cerf, au fond duquel coule une source aux vertus curatives. Mais cet endroit a aussi attiré des succubes, démons à l’apparence de belles femmes, recherchant des âmes corrompues pour les livrer au Dieu des Ténèbres. L’une d’elles, Kia, a jeté son dévolu sur une âme pure : Marko, ancien soldat rentré au pays après avoir été blessé et qui vit modestement dans une ferme avec sa sœur, Arndis. Kia séduit Marko, qui tombe rapidement amoureux de la jeune femme, ignorant sa véritable nature.
L’œil du diable
Trainant derrière lui une réputation, un peu exagérée, de chef d’œuvre maudit, le seul film tourné en espéranto, Incubus fut longtemps considéré comme perdu. Le voici pourtant fièrement restauré en 4K et révélé dans tout sa beauté argentique. Une curieuse expérience, arty, mystique, empruntée mais parfois superbe et qui doit beaucoup à un célèbre cinéaste suédois.
Dès ses origines de toute façon Incubus semble sortir de nulle part. Son réalisateur et auteur Leslie Stevens, ancien homme de théâtre, s’est déjà essayé par deux fois au cinéma (Propriété privée et L’île de la violence) avec une reconnaissance assez timide, et sa carrière reste surtout très attachée à la télévision où il a aidé à développer quelques séries à succès dont surtout la célèbre Au-delà du réel. C’est sans doute dans le creuset de celle-ci qu’est venu l’idée d’Incubus, récit hautement symbolique d’un affrontement ultime entre le bien et le mal dans un village hors du temps. Là, l’idée de tourner l’intégralité du film en espéranto, cette langue inventée par l’ophtalmologue polonais Zamenhof en 1887 et censée réunir tous les peuples du globe, vient effectivement ajouter une étrangeté aux dialogues, une distance aux échos curieux, mais aussi évoquer par sa nature le fameux mythe de Babel. Ce décor réduit à une maison isolée et quelques paysages naturels à la beauté aussi sauvage qu’inquiétante fait alors presque office de jardin d’Eden, de paradis perdu mais déjà envahi par le mal, où des succubes à la blondeur éclatante se plaisent à séduire les hommes avides de pouvoir afin de les envoyer aux enfers. Mais l’une d’elle Kia, lassée de ses petits jeux, va s’efforcer de séduire un jeune homme emprunt de bonté, et va tomber dans son propre piège, provoquant la colère du mal et l’invocation diabolique de l’incube du titre.
Objet de culte
Malgré l’apparition d’une secte satanique célébrant un rituel sacrificiel, l’intervention d’un démon se transformant en bouc, on ne s’approche ici jamais vraiment du petit film d’exploitation. Leslie Stevens se montre ainsi beaucoup plus enclin à travailler une atmosphère lourde et ésotérique, un affrontement allégorique baigné dans des dialogues philosophiques et parfois bien abscons et une mise en scène qui emprunte énormément de ses compositions et de ses postures au cinéma de Ingmar Bergman. Le résultat n’est cependant pas aussi subtil ni maitrisé, certainement trop manichéen et stéréotypé, et sans doute aussi handicapé par une prestation assez peu convaincante de la seule « star » du film : William Shatner. Juste avant de devenir le Capitaine Kirk de Star Trek, l’acteur éprouve déjà ses sourires de séducteur et ses poses viriles pour incarner à l’hollywoodienne un héros censé avoir une âme si pure (bizarrement, on peine à y croire) qu’il fait tomber la plus pernicieuse des tentatrices. La démonstration n’est pas forcément des plus convaincante, mais Incubus garde un charme indéniable grâce à son ambiance délétère de trip aux lisières de la folk horror et son noir et blanc, sublime, crépusculaire, où la lumière éclatante est peu à peu contaminée par les ténèbres d’une éclipse solaire.
Présenté brièvement dans quelques festivals aux Etats-Unis, et malgré une réception à priori plutôt positive, le film ne sera exploité réellement qu’en France, avant qu’une inondation (ou un incendie selon les sources) ne fasse disparaitre toute les copies existantes… du moins on le croyait alors. Le film fut aussi marqué par de nombreux drames qui frappèrent certains des interprètes après le tournage : l’acteur Milos Milos se donna la mort après avoir assassiné sa maitresse, la femme de Mickey Rooney ; Anna Atmar se suicida elle aussi quelques semaines seulement après la fin du tournage ; la fille d’Eloise Hardt sera enlevée et assassinée… En creusant un peu, la liste peut rapidement se rallonger, venant ajouter pour certain un sceau de « film maudit » à une œuvre qui reste de toute façon assez insolite il est vrai.
Image
Redécouverte donc au début des années 2000 dans les réserves de la Cinémathèque française, la dernière copie existante du film, un transfert 35mm relativement abimé (souvenez-vous du DVD de la collection Cinéma de Quartier de Mr Dionnet) a donc servi de base à la restauration, imposante, produite par Le Chat qui fume. Un travail une nouvelle fois extrêmement sérieux et appuyé ayant permis de faire disparaitre la plupart des traces, griffures et taches existantes, tout en venant révéler la beauté des contrastes et sublimer les noirs et blancs aux superbes reflets argentiques. La qualité du scan 4K et sa restitution admirable de la profondeur de l’image et de ses détails ferait presque oublier une source modeste dont on aperçoit encore un grain parfois encore un peu fluctuant. A noter aussi à deux trois occasions un cache noir qui apparait en bas de l’image sans doute pour faire disparaitre les premiers sous-titres imprimés sur la pellicule.
Son
La seule piste sonore du film, en espéranto donc, est disposée ici dans son mono d’origine avec une prestation DTS HD Master Audio volontairement sobre directe. Cela n’empêche pas aux dialogues d’être clairs et aux ambiances sonores de distiller une atmosphère bien oppressante. Quelques disparités se laissent parfois entendre, mais elles proviennent manifestement de la captation d’origine.
Interactivité
Disposé dans un très beau digipack avec fourreau au design sobre renvoyant aux aspects les plus mystiques du film, cette édition exclusive du Chat qui fume propose le film en 4K sur support UHD et Bluray. On trouve d’ailleurs sur ce dernier une version du film dans un format 1.37 plein cadre censé être le format d’origine (mais au final jamais vraiment exploité).
Les deux disques proposent cependant un même et unique supplément « Le film maudit » présentation en voix of sur quelques extraits du film qui revient assez brièvement sur les origines du film, ses particularités, sa distribution éclaire puis sa distribution sans oublier les quelques drames qui ont marqués ceux qui ont osé y participer (brrrr !). Un item étonnement court de la part d’un éditeur que l’on a connu plus généreux sur ce type de films à la fois obscurs et cultes.
Liste des bonus
Version 1.37 plein cadre (Bluray), « Le Film maudit, retour sur l’histoire d’Incubus » (10’).