Pour qui veut bien faire l’effort, plonger dans l’univers du réalisateur du Daim est une expérience inoubliable. Regarder le cinéma de Quentin Dupieux c’est un embarquement sans escale pour son univers. C’est sortir de sa zone de confort de cinéphage et lâcher la main de nos acquis narratifs. Son cinéma est généreux. Non pas par la structure de ses plans, ni par une mise en scène léchée et des dialogues dignes de Victor Hugo. Non, mais parce qu’il se livre sans retenue ou plutôt qu’il nous laisse pénétrer son imaginaire et ses obsessions sans pour autant les expliquer, invitant le spectateur bienveillant à le suivre sans se poser de questions. Un peu à la manière d’un Michel Gondry, il est à tous les postes clés, du scénario au montage, le film lui ressemble à 100% (lorsqu’il ne fait pas la musique, son premier métier). Son monde, il aime le partager, pas étonnant que ses acteurs lui soient fidèles et que sa famille cinématographique grandisse film après film.

Acceptation de soi-même

Comme chacun d’entre nous, Quentin Dupieux prend de l’âge et l’approche de la cinquantaine semble l’obséder au point d’accoucher sur papier de ce scénario un tant soit peu plus linéaire (comparé à ses autres films) mais au combien personnel. Sans vouloir déflorer une intrigue des plus innovantes, Incroyable mais vrai nous livre une réflexion bien plus profonde qu’elle ne paraît sur la peur de vieillir et sur son acceptation. Cette dualité est personnifiée par le tandem Alain Chabat / Léa Drucker, couple à priori solide mais ayant des ambitions futures diamétralement opposées. Lorsque lui reste pragmatique sur l’avancée du temps, elle, rêve de beauté éternelle telle que les médias et la mode nous abreuvent. Le réalisateur sait choisir ses acteurs et Benoît Magimel en petit nouveau dans sa famille s’y intègre parfaitement en fan de technologie (dont nous ne spolierons pas les aboutissants) montrant les limites de la “science” dédiée à la prolongation des corps. Le film à la dramaturgie de film fantastique se passe allègrement d’effets-spéciaux. Tout passe par ses acteurs et sa science du montage (il s’était déjà essayé au genre avec Rubber ou sans moyens il nous filme un pneu tueur !!!). Il tourne en toute tranquillité, sans pression. Couchant simplement sur pellicule ce qui le préoccupe. Comme une thérapie dont nous serions inconsciemment ses médecins privilégiés.

La jeunesse éternelle et c’est vrai loin de la réalité de nos rêves. Mais Dupieux n’est jamais à court d’idées, décousues ou non. S’il n’a tourné qu’une douzaine de films en vingt ans, son rythme semble s’accélérer. Fumer fait Tousser débarque prochainement sur les écrans. Trois films en deux ans, notre cerveau rationnel n’a pas fini de cogiter !