IL MARCHAIT LA NUIT
He Walked by Night – Etats-Unis – 1948
Support : Bluray & DVD
Genre : Policier
Réalisateur : Alfred L. Werker, Anthony Mann
Acteurs : Richard Basehart, Scott Brady, Roy Roberts, Whit Bissell, James Cardwell…
Musique : Leonid Raab
Image : 1.33 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 79 minutes
Editeur : Rimini Editions
Date de sortie : 28 août 2024
LE PITCH
Roy Morgan est un cambrioleur, moitié mythomane, moitié psychopathe. Ce deuxième aspect de sa personnalité l’amène, une nuit, à assassiner un agent de police. Les sergents Jones et Brennan sont responsables de l’enquête, mais dans une ville particulièrement vaste, le risque d’erreur judiciaire est loin d’être nul…
Les flics et le méchant
Pas vraiment remarqué à sa sortie en 48, noyé sous la masse de polars et de films noirs de l’époque, Il marchait la nuit ne sera réhabilité que des années plus tard, sauvé de l’oubli par une certaines cinéphilie française (Tavernier et d’autres…) devenu même l’un des petits débats préférés des spécialistes du cinéma classique disputant la paternité du métrage à Alfred L. Werker ou à Anthony Mann.
Le premier est alors déjà un vétéran, ayant entamé sa carrière à l’époque du muet, et un spécialiste de la série B peu coûteuse mais efficace comme Édition de minuit, Frontières invisibles, Sa Dernière chevauchée et même un passage du coté de Disney avec le « making of » The Reluctant Dragon. Le second n’est pas encore le grand nom du cinéma américain qu’il va devenir, mais s’est largement fait remarquer pour La Brigade du suicide et Marché de brutes, deux films noirs à tout petit budget mais qui ont fait grand effet pour la précision et l’inventivité de leur mise en scène, leur violence inédite et une construction empruntant volontiers au cadre du documentaire. Impossible aujourd’hui de savoir ce qui a vraiment été tourné par l’un ou par l’autre et quelles ont été les raisons du désistement en cours de tournage d’Alfred L. Werker, mais il est évident qu’Il Marchait la nuit s’inscrit directement dans la même dynamique que les deux films précédents de Mann. Inspiré par un véritable fait divers deux ans plus tôt, il en reprend la voix off procédurière qui commente pas à pas les avancées de l’enquête et vient bien entendu célébrer la moralité à toute épreuve de la police de Los Angeles (alors qu’à l’époque elle était particulièrement connue pour sa corruption), mais aussi un intérêt très marqué pour illustrer de manière didactique les méthodes policières et les nouvelles découvertes de la police scientifiques (longue scène de constitution du portrait-robot, découvertes balistiques…).
Suivre la procédure
Des séquences presque historiques aujourd’hui, mais qui semblent un peu laborieuse et quelques peu rigides autant dans leur discours que dans leur mise en scène même si on peut s’y amuser à reconnaitre le célèbre Jack Webb futur interprète et créateur de la mythique série Dragnet, dans le rôle déjà d’un agent de la scientifique. C’est que certainement l’intérêt d’Il Marchait la nuit, c’est le fameux « il » du titre, alias Roy Martin (fiévreusement interprété par Richard Basehart), simple cambrioleur qui se révèle être un authentique psychopathe, figure sombre et solitaire habitant (littéralement) la nuit et semant la mort autour de lui. Si la vision très manichéenne du métrage empêche le film de vraiment s’inscrire dans les canons du film noir, il sait cependant dans les séquences centrées sur ce personnage en reprendre les inquiétantes contre-plongées, l’intense photographie sculptée par les ombres (c’est l’imparable John Alton qui signe la photo), l’exploration des ruelles sombres, le portrait troublé d’une figure du mal et la grande intensité du suspens. L’assaut mené contre sa maison plongée dans la pénombre et surtout la longue et nerveuse poursuite dans le système d’évacuation logé sous la ville, sont de véritables morceaux de bravoure et portent indéniablement la signature d’Anthony Mann.
Production légèrement schizophrène, en tout cas contrastée dans sa double approche, Il Marchait la nuit semble effectivement moins abouti que les précédents et marquants La Brigade du suicide et Marché de brutes avec lesquels il partage une bonne part de son style et de ses sensibilités, mais reste une série B policière particulièrement intéressante, parsemée de vraies fulgurances.
Image
Le film a profité en tout début d’année d’une ressortie aux USA chez Kino Lorber. Une restauration effectuée à partir d’un scan 4K du copie 35mm Fine Grain, qui a permis de faire disparaitre toutes les petites imperfections de la pellicule, de stabiliser considérablement les bords et de rehausser et appuyer les magnifiques contrastes du film. Le résultat est éclatant et si les plus avisés peuvent observer quelques petites fluctuations de grain, la définition est toujours particulièrement solide et creusée et les argentiques doux et naturels.
Son
La version originale semble être plus abimée ou marquée que l’image. Malgré un DTS HD Master Audio 2.0 qui assure une bonne clarté au mono d’origine, certains morceaux de dialogues et courts segments semblent avoir été irrémédiablement étouffés. Un peu gênant, mais les sous-titres sont aussi là pour ça.
Interactivité
Présenté dans un digipack deux volet l’édition d’Il Marchait la nuit de Rimini est accompagné d’une intervention vidéo de Florian Tréguer, enseignant cinéma à Rennes, qui bien entendu revient sur les multiples débats autour de la paternité totale ou partielle du film, mais aussi l’importance capitale du travail du chef op John Alton, les liens esthétiques et structurels avec La Brigade du suicide et Marché de brutes et même son appartenance réelle au film noir. Un intervenant qui connait son affaire et qui donne un bel éclairage sur une œuvre passionnante mais qu’il reconnait lui-même moins réussie que d’autres polars d’Anthony Mann.
Liste des bonus
Le film par Florian Tréguer, enseignant à l’Université Rennes 2, spécialiste du cinéma américain (47’).