I SPIT ON YOUR GRAVE
Etats-Unis – 1978
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Horreur, Thriller
Réalisateur : Meir Zarchi
Acteurs : Camille Keaton, Eron Tabor, Richard Pace, Anthony Nichols, Gunter Kleemann, Alexis Magnotti…
Musique : Aucune.
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 5.1 et 1.0, Français DTS HD Master Audio 1.0
Sous-titres : Français
Durée : 92 minutes
Editeur : ESC Éditions
Date de sortie : 8 janvier 2024
LE PITCH
Journaliste à New York, Jennifer s’installe seule dans une maison isolée à la campagne. En quête de calme, elle se lance dans l’écriture de son premier roman. Jeune et belle, elle attire aussitôt l’attention de quatre hommes. Menés par John, un garagiste, ils lui tendent un piège et l’entraînent dans un coin de forêt, la violent, la battent sauvagement… Convaincus que Jennifer a succombé au calvaire, ils abandonnent son corps. Mais Jennifer vit toujours, blessée, traumatisée et désormais motivée par une seule pensée : la vengeance.
Revanche
Film modèle d’un genre polémique, le rape & revenge, et expérience jusqu’auboutiste qui effraya la critique américaine, la censure anglaise et s’accompagna de légendes pas toujours très fondées, I Spit on Your Grave ne sera jamais une grande œuvre de cinéma. Mais cela ne l’empêche pas d’être un film important, à voir, auquel il ne faut pas hésiter à se confronter.
Baigné dans une période cinématographique brutale, en particulier pour les femmes, où l’on croise allégrement Rosemary’s Baby, Les Chiens de paille, Orange mécanique, Massacre à la tronçonneuse, Un Justicier dans la ville ou La Dernière maison sur la gauche, I Spit on your grave aurait pu s’apparenter aisément à l’un de ces nombreux films d’exploitations vite torchés et se roulant aisément dans la fange du voyeurisme et l’accumulation nauséeuse. Si bien évidement derrière la mise en chantier du projet il y a pour beaucoup une quête pécuniaire et, en particulier pour les producteurs et distributeurs, aucune difficulté à faire lorgner l’aura de l’objet du coté du cinéma opportuniste et douteux, façon forain, l’ambition de son réalisateur n’était sans doute pas si primaire que cela. Meir Zarchi, et sa fille, furent en effet très marqués par un fait divers dont ils furent témoins, venant en aide à une jeune femme retrouvée nue, errant dans les bois, victimes de viols et de violences. Une image qui laisse irrémédiablement des traces, et dont l’auteur du film, voulait reproduire à l’écran le choc primordial afin de dénoncer ces violences faites aux femmes. C’est certainement cette impulsion qui donne à l’acte centrale du film, les viols successifs et répétés, extrêmement brutaux, les humiliations et les coups répétés, cette force à la fois fascinante et absolument repoussante.
Œil pour œil
Plaçant la caméra à distance, sans jamais s’appesantir de gros plans, de mouvements érotisants ou s’égarer par une piste musicale quelconque, Meir Zarchi illustre les faits atroces avec une frontalité désarmante qui empêche au spectateur de détourner les yeux et d’y trouver autre chose qu’un acte barbare, infâme et insoutenable. Tout le film naturellement s’articule autour de ces scènes chocs, performance admirable et courageuse de Camille Keaton (Mais qu’avez-vous fait à Solange ?), les première et troisième parties fonctionnant dès lors en effet miroir, la fameuse vengeance tant attendue jouant sur cette prédation féminine que les pecnots virilistes avaient cru percevoir chez leur proie. Sur ce point, celui qui aurait dû s’appeler Day of the Woman se montre finalement assez fin, laissant monter la menace des machos désœuvrés sans que cette citadine ne laisse échapper le moindre signe de séduction, le moindre regard ambiguë, évacuant tout débat, malhonnête bien entendu, sur une quelconque forme de culpabilité. La réponse de cette femme victimisée pour ce qu’elle est, en passera justement par une réappropriation du corps, de ses armes et par un renvoi fatal à ce fantasme sordide imaginé par ses bourreaux. Même si les mises à mort font quelque peu glisser le métrage dans la surenchères bis (émasculation particulièrement douloureuse, pendaison, hache plantée dans la tête et tripes passées dans l’hélice d’un bateau…) elles y trouvent tout autant une certaine légitimité, une certaine logique.
Film épreuve, I Spit on Your Grave est ainsi loin de l’objet infamant, longtemps victime d’une mauvaise réputation assez injustifiée, même s’il faut reconnaitre que le métrage n’arrive jamais à se départir de ses origines plus que modestes. La mise en scène semble souvent maladroite, relativement plate, les dialogues entre clichés et remplissages trainent parfois en longueur et le jeu des acteurs, en particulier celui censé incarné un pauvre garçon limité, sautent à pied joint dans la caricature. Mais il y a ce sublime regard, vert clair, comme l’affirmation d’une résistance, d’une féminité balayant quelques siècles de misogynie systémique, qui résiste à toutes les critiques et tous les menus défauts d’un petit film d’exploitation devenu sujet de débats, de questionnements… et un vrai classique du genre.
Image
Si en France le film original n’avait été disponible en Bluray que comme bonus aux cotés de son remake, et dans des conditions assez modestes, aux USA le film profite depuis longtemps d’un soin marqué de la part des éditeurs. Un travail dont on peut enfin être témoins grâce au coffret édité par ESC qui reprend la meilleure copie du film disponible à ce jour, résultante d’un scan 4K des négatifs et d’une restauration extrêmement approfondie. Surprenant pour le moins, les cadres sont particulièrement propres et stables, font preuve d’une étonnante finesse (exceptée une séquence sur la barque sans doute définitivement abimée), délivrent un grain délicat et organique et profitent d’une définition renversante. Les environnements sont enfin véritablement dessinés à l’image, tandis que le piqué vient souligner avec cruauté la moindre plaie sur le visage de la pauvre Jennifer. Loin d’être accessoire, l’apport du HDR10+ vient clairement raffermir les couleurs, les contrastes, les saturations renouant avec une photographie extrêmement colorée et puissantes sur les rouges. Presque plus rien à voir avec le film tel qu’on l’a connu durant ces longues années.
Son
L’édition a beau proposer un mixage anglais DTS HD Master Audio 5.1 s’efforçant d’ajouter un peu de fluidité et quelques touches de dynamisme, la source sonore ne semble cependant pas d’assez bonne qualité dans sa captation (variation de niveau, léger crissements…) ni finalement adapté dans ses intentions pour vraiment convaincre. On optera alors plus certainement pour le mono en DTS HD Master Audio 2.0, frontal et central comme autrefois, mais avec une clarté bien plus poussée. Le doublage français, bien excessif et bis comme il faut est lui aussi disposé dans un mono légèrement rafraichi pour l’occasion.
Interactivité
I Spit on your grave s’intègre parfaitement à la collection Cult’Edition de l’éditeur avec un coffret cartonné du meilleur effet, au design sobre mais efficace, et comprenant photos d’exploitation, poster et un livret signé Marc Toullec revenant sur l’ensemble de la franchise à grands renforts d’infos et d’anecdotes.
Le digipack trois volets comprend lui en premier lieu le disque UHD et le Bluray du film, correspondants à l’édition standard éditée en parallèle. Ces derniers proposent déjà quelques suppléments des plus intéressants avec une courte introduction puis une réflexion beaucoup plus complète autour du film par Clara Sebastiao. Devenue un peu la spécialiste du Rape & Revenge (on la retrouve sur les éditons de Crime à froid, La Dernière maison sur la gauche ou Freeze Me) elle vient justement discuter de la confrontation entre les aspects cinéma d’exploitation et le traitement beaucoup plus mesuré des scènes chocs, de la mise en scène du fameux viol, de l’évolution du personnage féminin et sa représentation et des différents thèmes sous-jacents. Une intervention intéressante complétée sur le Bluray par un retour un peu anecdotique sur les lieux de tournage et une interview plutôt consistante de Meir Zarchi, qui explore ses intentions, revient sur le tournage, sa rencontre avec l’actrice principale, les confrontations avec la censure et les petits accrochages avec ses distributeurs et même son retour sur le premier remake de son film. Des propos que l’on retrouve déjà en grande partie dans son commentaire audio, bien plus informatifs en tout cas que celui du critique américain qui fait mine de découvrir le film. Les deux ont été sous-titrés.
Exclusivité de cette Cul’Edition, reste un second Bluray contenant l’intégralité du film sous sa forme VHS (avec image recadrée et dégueu et vf bien brute) et surtout le documentaire copieux Grandir avec I Spit on Your Grave réalisé par le fils de Meir Zarchi. Un making of rétrospectif qui résume finalement à peu près tous les autres suppléments, retraçant de A à Z la fabrication du film, revenant sur le tragique évènement à l’origine de ce dernier, multipliant les anecdotes autour d’un tournage forcément un peu fauché, la mise en place des scènes les plus durs, mais aussi le destin des uns et des autres, l’impact pas forcément positif qu’il a eu sur certaines carrières et sa lente et complexe exploitation qui après quelques faux départ et des tentatives d’interdiction finira par trouver sa place dans le marché émergeant de la vidéo. Pas de langue de bois, même les réactions gênantes de certains « fans » sont évoquées. Parfois un peu longuet (en particulier sur les arrière-plans familiaux) mais on ne peut plus complet et bourré d’infos dans tous les sens. Saviez-vous que le postérieur visible sur l’affiche depuis des lustres serait celui de Demi Moore ? Maintenant oui.
Liste des bonus
Un livret sur le film, L’affiche du film, 5 tirages argentiques du film, 5 reproductions de photos d’exploitation du film, Commentaire audio de Meir Zarchi, Commentaire audio du critique, Joe Bob Briggs, Introduction du film par Clara Sebastiao (2’), « Une vengeance féministe ? » : entretien avec Clara Sebastiao, journaliste et archiviste (30’), Œil pour Œil : version VHS (98’), « Grandir avec I Spit on Your Grave » : documentaire rétrospectif (2019, 102’), « Le Voyage de Jennifer » : retour sur les lieux du film avec Michael Gingold (11’), « La Valeur de la Vengeance » : entretien avec Meir Zarchi (29’), Ouverture alternative du film, Scènes coupées (9’)à, Films de Terry Zarchi en 8mm (5’), Galerie photos, Bande Annonces.