HEROIC TRIO & EXECUTIONERS
Hongkong – 1993
Support : UHD 4K
Genre : Super-héros, Action, Science-Fiction, wuxiapian
Réalisateur : Johnnie To, Ching Siu-tung
Acteurs : Anita Mui, Michelle Yeoh, Maggie Cheung, Anthony Wong, Damian Lau, Takeshi Kaneshiro, Ching Wan Lau
Musique : Wai Lap Wu, Cacine Wong
Image : 1.78 16/9
Son : Cantonnais DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 87 et 97 minutes
Éditeur : Carlotta Films
Date de sortie : 25 mai 2023
LE PITCH
La police hongkongaise est confrontée à une série d’enlèvements de bébés. Incapable de mettre fin à ces rapts, elle va devoir compter sur l’aide de la Justicière-volante et d’une chasseuse de primes. Une troisième femme va bientôt se joindre à elles, dotée du pouvoir d’invisibilité…
Au lendemain d’une terrible guerre nucléaire, l’eau non polluée est devenue une denrée rare. Inventeur d’un système de purification d’eau, M. Kim a l’intention de renverser le pouvoir en place pour régner en maître sur le pays. Le trio héroïque va alors se reformer, bien décidé à lutter contre ce tyran…
Les vengeuses
C’était l’un des fleurons de l’ancienne collection HK Video et certainement l’une des premières confrontations à l’improbable du cinéma bis hongkongais, le diptyque Heroic Trio & Executioners se paye une double restauration 4K et un steelbook de luxe. Des films de super-héros à la chinoise auréolés par les charmes d’Anita Mui, Michelle Yeo et Maggie Cheung et imaginés par le duo Johnnie To (Election) et Ching Siu Tung (Histoires de fantômes chinois)… forcément, ça fait toujours rêver.
Retour aux florissantes premières années de la décennie 90 où le cinéma HK pouvait tout, ou presque, se permettre. La preuve avec les deux films en question ici, imaginés par un jeune réalisateur, Johnnie To, qui était alors plus près de la figure de bon faiseur opportuniste que du nouveau maitre du polar asiatique. Encore cantonné aux grosses comédies, il s’imagine tout de même profiter de la petite vague à succès des films de super-héros américains, encore très pulps, apparus dans le sillage du Batman de Tim Burton. Tout d’abord imaginé pour un trio de star masculines (Jackie Chan, Tony Leung… hé pourquoi pas ?), les ambitions sont rapidement revues à la baisse et tournées vers un trio d’actrice au cachet alors très en dessous. Autant pour le supposé féminisme de l’entreprise.
Casting de rêve au demeurant entre la popstar Anita Mui (alors LA véritable star du film), la fabuleuse et performante Michelle Yeoh et la figure montante de la nouvelle vague HK Maggie Cheung, hésitant encore entre cinéma d’action et drame romantique façon Wong Kar Wai. Trois actrices aux talents évidents, aux charmes indéniables. Trois super-héroïnes aux rôles bien répartis (la libératrice, la renégat et la jeune tête brûlée) dont les origines ne sont pas forcément à aller chercher du côté des comicbook cela dit mais plutôt des codes classiques du wuxiapian, où les héroïnes virevoltantes existaient déjà depuis leurs premières inspirations littéraires. Heroic Trio n’est donc pas un vrai film de super-héros mais clairement une hybridation entre un décorum presque art nouveau, hyper stylisé et une source locale extrêmement présente. Pas étonnant dès lors que Johnnie To ait choisi d’embarquer l’excellent Ching Siu Tung (Swordsman, Dr Wai…) dans l’aventure, crédité ici comme « simple » chorégraphe mais clairement coréalisateur, apportant son sens de l’action enlevée, du ballet aérien, des arts-martiaux spectaculairement fantaisistes, des projectiles tourbillonnants et une atmosphère délirante et poétique qui n’est justement vraiment pas loin de ses Histoires de fantômes chinois… à la limite même du remake masqué. Film de collage où en plus de ces deux aspirations s’ajoutent de multiples références aux blockbusters de l’époque (les emprunts à Terminator sont inratables), des accents de mélo, de comédie cantonaise ou cartoon et des débordements de cruauté dignes d’un bon Catégorie III, Heroic Trio se nourrit constamment de ses propres défauts (le scénario euh…), de ses propres incongruités et de ses mariages impossibles pour délivrer un divertissement totalement irrésistible, vif, inventif, spectaculaire, déviant et impeccablement rythmé.
Trio de (jolies) têtes
A la hauteur de ce que le cinéma commercial HK pouvait délivrer alors de meilleur et où se dessine même derrière les inquiétants enlèvements de nouveaux nés tués sans états d’âmes ou transformés en créatures cannibales par un eunuque diabolique (pléonasme dans le cinéma chinois) obsédé par l’idée de trouver un nouvel empereur à la Chine, l’inquiétude grandissante de la rétrocession. Un message politique encore plus clair dans le suivant Executioners tourné dans la foulée malgré l’échec commercial d’Heroic Trio, afin de capitaliser jusqu’au bout sur le casting, les équipes techniques, les costumes et les décors. Sacré Johnnie To !
Là où le premier se construisait comme une classique « origin story » sur la réunification d’un nouveau trio de super-héroïnes, Executioners saute directement au troisième volet d’une trilogie qui n’existera jamais en imaginant leurs ultimes retrouvailles dans un futur ravagé par une catastrophe nucléaire et un coup d’état militaire. Étrangement ce second opus se veut plus construit, plus complexe et dramatique que le précédent remettant les trois héroïnes, et non leurs prouesses martiales, au premier plan. Déconstruction et reconstruction de la figure du vengeur masqué sont au programme dans un décors, naturellement, en ruine, mais bizarrement beaucoup plus standardisé et classique pour un film chinois. Exit les délires pops, les dérives sanglantes, les idées complétements bis et le rythme syncopé, place à la pseudo-introspection et aux montages langoureux sur chansons pops cantonaises.
Un peu moins emballant donc, plus sage, mais toujours servi avec savoir-faire par son duo de réalisateur Johnnie To / Ching Siu Tung, le film tranche certainement moins avec le tout venant de la production HK de l’époque et se présente surtout comme un attachant complétement de programme au totalement barré Heroic Trio.
Image
Si le reste du monde en est encore à apercevoir dans quelques salles les toutes nouvelles restaurations 4K d’Heroic Trio et Executioners, en France elles débarquent directement sur galettes UHD. Sacrée surprise, d’autant plus pour des films HK. Et d’autant plus que le travail réalisé est franchement impressionnant. Des cadres nettoyés dans chaque recoin, un léger grain très naturel et vibrant, des matières parfaitement dessinées et un relief totalement inédit qui redonnent une vraie profondeur aux décors stylisés. Le traitement Dolby Vision vient encore booster l’expérience avec des teintes riches et puissantes, particulièrement appréciables sur le premier Heroic Trio plus éclatant dans sa photographie. Mais pas de grands miracles cependant, les films sont régulièrement rattrapés par leurs natures et leurs origines et doivent encore laisser place à des plans composites patinés en numérique et parfois certains inserts manifestement issus de sources moins glorieuses. Pas parfait donc, mais encore une fois on n’en attendait déjà pas tant.
Son
Les pistes cantonaises d’origine sont proposées aux choix dans une stéréo très proche des sensations initiale avec un rendu frontal et direct ou de nouveaux mixages 5.1 apportant quelques effets dynamiques inédits et de rares notes d’ambiances. Pas désagréable et même parfois efficaces mais pas forcément indispensables. Le DTH Master Audio assure dans tous les cas une restitution toujours claire et sans réelles faiblesses.
Interactivité
Carlotta propose directement les deux films en steelbook avec option Bluray ou UHD. Dans les deux cas, les bonus sont identiques avec en premier lieu deux présentations des films par Fabien Mauro (il est partout !) et Marvin Montes (auteur du livre Hongkong Action). Deux conversations détendues mais documentées qui permettent de décrire brièvement les carrières des actrices et des réalisateurs mais aussi de s’étendre sur le croisement entre le film de super-héros et le wuxiapian, les codes du « girls with guns », les rives du post-apo, ou les styles respectifs des deux metteurs en scènes plus ou moins crédités. Intéressant et très accessible pour les néophytes.
On trouve aussi sur Executioners une interview de Poon Hang-sang, incontournable directeur photo du cinema chinois (Pekin Opera Blues, Histoires de fantômes chinois, Center Stage, Crazy Kungfu…) qui œuvrait sur les deux films en question. Souvenirs des coulisses, collaboration avec Johnnie To et Ching Siu Tung, performances martiales des actrices, réutilisation des décors et même réécriture des scénarios en post-synchronisation, le monsieur délivre un regard franc et précis sur les méthodes de tournages HK de l’époque et c’est forcément passionnant.
Liste des bonus
Super-héroines (26’), Retour de flamme (15’), Entretien avec Poon Hang-sang (20’), Bandes-annonces.