HENRY HATHAWAY EN 4 FILMS
Now and Forever, The Trail of the Lonesome Pine, Souls at Sea, Spawn of the North – Etats-Unis – 1934, 1936, 1937, 1938
Support : Bluray & DVD
Genre : Aventure
Réalisateur : Henry Hathaway
Acteurs : Gary Cooper, Henry Fonda, Carole Lombard, Shirley Temple, George Raft
Musique : Gerard Carbonara, W. Franke Harling, Dimitri Tiomkin
Durée : 379 min
Image : 1.37 16/9
Son : Anglais DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Éditeur : Éléphant Films
Date de sortie : 13 septembre 2022
LE PITCH
4 films, 4 moyens de découvrir le cinéma d’Henry Hathaway. Avec C’est Pour Toujours, La fille du bois maudit, Ames à la mer, Les gars du large ou comment un réalisateur passe du statut d’artisan à artiste.
Naissance d’un auteur
Faut-il encore le dire ? Le crier sur tous les toits ? Alors que la mauvaise réputation du bonhomme lui colle à la peau comme un boulet aux pieds du bagnard. Henry Hathaway n’est pas le tâcheron décrit par l’élite de la critique de l’époque qui lui préfère des metteurs en scène respectueux comme John Ford ou Howard Hawks.
Grâce à Elephant, une nouvelle génération de cinéphiles ou de curieux va réévaluer librement ce cinéaste. L’éditeur a la bonne idée d’éditer quatre de ses films. Pas ses plus célèbres, non; mais quatre films charnières de son œuvre, une période transitoire marquante de sa carrière où la montée de son talent pointe dans chacune de ses œuvres. Quatre façons de le découvrir, et autant de faces de sa personnalité à appréhender.
Henry Hathaway s’est fait tout seul et c’est sans doute pour cela qu’il affichait une forte personnalité. Gregory Peck disait de lui qu’« Il était charmant avant 8h et après 18h » entre les deux, il fallait mieux filer droit. L’homme dirigeait ses plateaux d’une main de fer. Il tenait ses budgets et était rigoureux. Acteur, accessoiriste, il fit ses premières vraies armes en étant l’assistant attentif de Victor Fleming et de Josef Von Sternberg. Acharnement aidant, il obtient ses galons de metteur en scène en filmant Randolph Scott dans des westerns inspirés des romans de Zane Grey. Autant de films de séries qui lui apprendront le métier de cinéaste en toute autonomie. De là, il traverse l’âge d’or du cinéma américain durant cinq décennies, la composant d’une bonne soixantaine d’œuvres et enchainant les styles comme un jeu. Chapeau vissé sur la tête, cigare aux lèvres il pourrait être le stéréotype du cinéaste des années 40 à la solde des studios. Si le portrait n’est pas loin de la vérité, le fond n’est pas aussi lisse. S’il navigue dans les genres avec aisance pour le compte des producteurs, c’est tel un corsaire qu’il insuffle sans qu’on y prenne garde son style ou plutôt sa vision du monde. Ses thématiques que l’on croirait passe partout sont l’essence même de son style. La preuve par quatre.
Dramaturge
Même si les présents métrages peuvent paraître mineurs dans sa riche carrière, ceux-ci révèlent l’homme derrière les films. C’est pour toujours et le film de la libération. Sa chance de percer auprès des studios. Quittant la série B, il est en charge de mettre en scène l’acteur chevronné Gary Cooper et la jeune star montante Shirley Temple. Autant dire qu’on est à l’antithèse de ses westerns mais il n’y a pas d’autres façons pour lui d’entrer dans la cour des grands. Si ce film peut sembler insipide, il est surprenant de voir avec quelle aisance il s’en sort dans la légèreté et la comédie. Hathaway s’y montre terriblement à l’aise et étonne par sa façon de creuser ses personnages. Excellent directeur d’acteurs, il tire le meilleur de la jeune Shirley impressionnante de naturel. Elle est l’adulte du film face à un Cooper magouilleur se découvrant père (ce qui n’est pas sans rappeler les relations entre Kim Darby et John Wayne dans son 100 dollars pour un shérif qu’il réalise 30 ans plus tard). Hathaway contourne la bienséance en faisant du duo Gary Cooper/Caroll Lombart un couple non marié (osé pour 1934 !). Voulant sortir du lot, il réussit à imposer une nouvelle fin au studio qui lui donne sa chance donnant la vie sauve à son héros. Loin d’être anecdotique, le film marqua surtout le début de son amitié avec le charismatique Cooper qui fera appel à lui pour réaliser Les trois lanciers du Bengale qui allait par son succès démesuré asseoir Hathaway dans la liste A des faiseurs d’Hollywood.
Directeur d’acteur
Pour un metteur en scène à la réputation d’acariâtre, il est intéressant de voir à quel point les acteurs lui sont fidèles. Découvreur de talents, il a tourné 7 fois avec Cooper, 6 avec John Wayne, 4 avec Richard Widmark et 3 avec Henry Fonda dont La fille du bois maudit marque leur première collaboration. Hathaway les pousse dans leurs retranchements, les bouscule faisant abstraction de leur statut de star. Les clashs sont nombreux mais les résultats sont là. Widmark a failli déserter le plateau du Carrefour de la mort qui allait lancer sa carrière et lui donner une nomination aux Oscar. Ses personnages ne sont jamais lisses. Leurs failles les rendent plus humains, plus proches du spectateur, ils sont roublards (C’est pour toujours), jaloux (La fille du bois maudit), minés par leur passé (Ames à la mer), en conflit avec leur conscience où l’amitié est mise à mal (Les gars du large). Ils sont tous ambigus et loin de toute mièvrerie. Derrière son aspect rugueux Hathaway est un grand sentimental. Toujours en filigrane les amours contrariées sont au cœur de ce début de carrière. Il est dans l’adolescence de sa carrière et approche de la maturité filmique où les sentiments doivent être explorés. Il n’y a qu’à regarder son chef-d’œuvre Peter Ibbetson pour s’en convaincre. Un bijou gothique de toute beauté à voir de toute urgence !
Metteur en scène
Question esthétisme, le metteur en scène peut se permettre de tenir la dragée haute à nombre de ses confrères. Là où beaucoup tournent à l’esbrouffe, lui se concentre sur le naturalisme à mille lieues des clichés. Ainsi, lorsqu’on lui confie en technicolor la première adaptation parlante du best-seller de John Fox La fille du bois maudit, il refuse le studio et part installer ses caméras en pleine nature. Il innove, travaille ses cadrages, ses mouvements de caméra, opte pour des couleurs naturelles là où Hollywood mise sur une palette plus flashy. Hathaway préfère les plongées et les mouvements de caméra rendant l’opérateur fou dans la maitrise de ce nouveau système couleurs. Il met la technique à mal au profit du film. Comme pour ses acteurs, il faut que la mise en scène serve l’histoire et non l’inverse. Ses techniques de narration sont du même acabit. Il utilise l’ellipse avec virtuosité. Ames à la mer est un condensé de son savoir. En une heure et demie nous avons le droit à un film de tribunal, de mutinerie, de naufrage (incroyable de voir le nombre de points communs avec le Titanic de Cameron. Surement l’une de ses apparitions) sans palier au jeu des acteurs. Le film doté d’un énorme budget est d’une modernité sidérante encore aujourd’hui. La force de sa mise en scène est justement de ne pas être tape à l’œil et de traverser les âges sans difficulté.
Jongleur
Henry Hathaway aime brouiller les pistes ; aucun genre ne l’arrête, il appréhende chaque tournage comme autant d’expériences. Il excelle dans le western (Le Jardin du Diable, L’attaque de la malle-poste), le polar (Le carrefour de la mort, Appelez Nord 777), le film de guerre (13 rue de Madeleine), le thriller hitchcockien (Niagara qui fit passer Marilyn du statut de starlette à star venimeuse), et même le huis clos en faisant le tour de force de tourner un film se passant uniquement sur un rebord de fenêtre ! (dans le film 14h). Rien ne lui fait peur. Il peut traiter de l’esclavage et de la traite d’esclave avant l’heure dans Ames à la mer, des rivalités aveugles (La fille du bois maudit) avec la même aisance. Il aime mélanger les genres, Les gars du large n’est ni plus ni moins qu’un western au pays des saumons. Chez lui on peut basculer de l’humour au drame en deux séquences.
L’erreur est humaine est la fameuse politique de l’auteur prôné par l’intelligentsia cinéphile de l’époque est derrière nous. Seules des pointures comme Bertrand Tavernier et Patrick Brion osaient prendre sa défense il y a des années. Plus proche d’Howard Hawks que de John Ford, Henry Hathaway peut prétendre au titre de mercenaire du cinéma. Malaimé, mais indispensable pour comprendre tout un pan du cinéma. Celui où la politique des studios régnait en maitre mais aussi celui où des cinéastes arrivaient à faire preuve de ténacité pour arriver à leurs fins. Savoir faire exister l’un dans l’autre est un art. Un art que seuls les auteurs arrivent à maintenir dans le temps. Hathaway est l’un d’eux !
Image
Celui qui a dit qu’un bonheur n’arrive jamais seul avait dû voir les copies de ces éditions sorties chez Elephant. Le ravage du temps n’a pas eu raison des copies. Fidèles à leurs textures d’origine, elles ont fait une cure de jouvence plus que bienvenue comparée aux anciennes éditions. Âmes à la mer et Les gars du large retrouvent leurs contrastes du noir et blanc tandis que Shirley Temple et les filles du bois maudit reprennent des couleurs. Et quelles couleurs !
Son
En Anglais 2.0 mono DTS les pistes-son sont parfaitement équilibrées. Bien sûr on reste sur le mono d’époque et il ne s’agit pas de dénaturer les œuvres d’origine. A noter que seul La fille du bois maudit bénéficie de la piste française.
Interactivité
Chaque film a le droit à sa présentation. Jamais redondante, la parole est laissée à des intervenants tous différents selon les films. Tous s’accordent sur la valeur du cinéaste dans le cinéma hollywoodien. C’est tout une époque du cinéma qui est ici abordée avec son lot d’anecdotes. Manque néanmoins les interventions de Patrick Brion et Dominique Rabourdin de la précédente édition d’Ames à la mer. Chaque édition est accompagnée d’un livret écrit par Denis Rossano au titre bien nommé de « Redécouvrir Henry Hathaway ». De quoi donner largement envie de prolonger l’expérience sur le reste de sa carrière.
Liste des bonus
C’est pour toujours : Présentation de Jean-Pierre Dionnet 16’
La fille du bois maudit : intervention de Justin Kwedi 22’
Âmes à la mer : Présentation de Samir Ardjoum 12’
Les gars du large : Le film par Stephen Sarrazin 12’, le livret collector « Redécouvrir Henry Hathaway » par Denis Rossano (24 pages)