HAMLET
Royaume-Uni – 1948
Support : Bluray & DVD
Genre : Drame
Réalisateur : Laurence Olivier
Acteurs : Laurence Olivier, John Laurie, Esmond Knight, Anthony Quayle, Niall MacGinnis, Peter Cushing
Musique : William Walton
Durée : 153 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Rimini Editions
Date de sortie : 18 octobre 2022
LE PITCH
Le roi du Danemark est mort. Son spectre apparaît à son fils, le prince Hamlet, et lui révèle avoir été assassiné par Claudius, son propre frère, qui s’est ainsi emparé de sa couronne et de sa femme. Hamlet décide de simuler la folie afin de confondre le couple et de préparer sa vengeance.
être
L’adaptation cinématographique de l’œuvre de Shakespeare la plus célébrée et la plus récompensée (4 Oscars dont meilleur film, Lion d’or à Venise…), le Hamlet de Laurence Olivier est effectivement une interprétation éclatante mais aussi une véritable œuvre cinématographique écartant définitivement quelques décennies de « théâtre filmé ».
Pourtant Laurence Olivier est un authentique acteur shakespearien, de ceux qui se sont construits, formés et qui ont fait leur renommé grâce à leurs interprétations scéniques, puis leurs mises en scène de l’immense dramaturge. Cinquante ans avant Kennet Branagh (qui lui doit beaucoup) Olivier était même l’incarnation physique et artistique vivante de l’œuvre shakespearienne, une autorité en la matière. Mais celui-ci sait que l’une des forces des pièces de Shakespeare est de n’être jamais figées dans le temps et dans la forme, supportant aisément les adaptations, les remaniements et les visions les plus personnelles. Point central de sa trilogie d’adaptations pour le grand écran, entre Henry V (1944) et Richard III (1955), Hamlet ne se refuse rien, et surtout pas les infidélités. Autant pour des questions de durée (la pièce de 4 heure est réduit à 2h30) que pour affirmer son propos, le cinéaste élague ainsi quelques personnages, escamote des scènes (essentiellement comiques) et recentre définitivement la pièce sur le portait trouble et ténébreux de son prince du Danemark. Il affirme d’ailleurs sa propre interprétation dès l’ouverture du film, actant par quelques lignes énoncées en off que la perte d’Hamlet sera son inaction. To Be or Not To Be. Vivre ou mettre fin à ses jours n’est finalement plus que l’une des hésitations parmi d’autre d’un héros vengeur qui ne passera à l’acte qu’une fois acculé par les manœuvres de son oncle fratricide.
« il délire, mais sa folie ne manque pas de méthode »
Plus introspectif que jamais, son Hamlet est aussi nourri par les analyses freudiennes de son époque, et cette approche qui verrait dans la relation du héros à sa mère une incarnation plus ou moins appuyée du complexe d’Œdipe. Par la symbolique (l’épée, le lit froissé) et par l’interprétation (les regards, les gestes, les baisers), Olivier ne fait que peu de mystères quand aux raisons profondes de la colère et du mal être d’Hamlet, se rapprochant alors fortement des atmosphères opaques, des ombres écrasantes et de certains codes narratifs (certains passages de monologues deviennent des voix off) du film noir. D’ailleurs là où le précédent Henry V donnait dans un Technicolor éclatant et jouait constamment sur des figurations médiévales, Hamlet opte pour un sublime noir et blanc, fort et contrasté, incarné dans des décors épurés, stylisés et souvent oppressants où les rares ouvertures se perdent dans une brume mystique que n’aurait pas renier l’impressionnisme allemand. Le théâtre s’y fait aisément oublier, sauf dans une sublime et centrale mise en abime, effacée derrière les fines compositions de plans, les constants mouvements de caméra, qui donne l’impression que le futur du père (ou la profonde folie d’Hamlet) hante littéralement toutes les scènes. Lugubre, presque horrifique parfois, mais éclatant et lumineux dans ses interprétations fiévreuses et passionnées, mené forcément par un gigantesque Laurence Olivier, mais où on ne peut que s’amuser aussi de voir un tout jeune Peter Cushing en courtisan maniéré et malhabile, très loin de ces futures figures d’autorités froides.
Une œuvre finalement moins proche de la vision complète et remuante qu’en donnera Branagh en 1996, que du Macbeth avant-gardiste et cauchemardesque d’Orson Welles sorti la même année, lui aussi grand maitre de l’œuvre shakespearienne, fabuleux acteur et immense cinéaste.
Image
Si les éditions HD du Hamlet ne sont pas légion, ce n’est sans doute par hasard. La seule copie de ce type se retrouvant pour l’instant en Angleterre et en Italie, atteste d’une source plus toute jeune et d’une restauration numérique forcément un peu limitée. Même soucis donc chez Rimini avec un cadre régulièrement traversé de restes de griffures, taches et points divers, et un grain fluctuant. Fatigué donc, mais parfois plus réjouissant avec des segments plus propres où on peut enfin profiter pleinement de contrastes noirs et blancs élégants, de noirs bien profonds et de petits reflets argentiques bienvenus.
Son
Sans doute posée là par soucis de complétisme, la version doublée française reste naturellement un non-sens. Certes l’interprétation se veut solide mais certains choix de voix sont douteux (euh…Hamlet vraiment ?) et de toute façon la piste est marquée par de nombreux petits défauts sonores (échos, saturations…). Seule valable donc la version originale est elle bien plus solide avec une restitution sobre mais claire, dynamique et naturelle, soulignant l’intensité des acteurs.
Interactivité
Encore une fois Rimini fait bien mieux que ses petits copains européens. Les éditions vides de bonus et proposées uniquement en boitier simple laissent ici place à un superbe Mediabook assez épais comprenant le film sur Bluray et DVD, et un troisième disque SD proposant une visioconférence particulièrement complète signée Pierre Kapitaniak, professeur à l’Université Paul-Valery, Montpellier 3, analysant pendant près d’une heure les origines et les emprunts de la pièce, ses thèmes principaux, ses particularités stylistiques, linguistiques et sa place dans le théâtre élisabéthain et au-delà. Un peu chiche dans la forme mais très intéressant et éclairant, à l’instar du livret de 100 pages piqué dans la reliure et confié cette fois-ci à Sarah Hatchuel, présidente d’honneur de la Société Française Shakespeare. Un ouvrage admirable dans sa manière de présenter et décrypter l’adaptation proprement dite, le travail scénique et la réalisation d’Olivier, mais surtout dans sa réflexion autour des différentes versions de la pièce, ses évolutions aux courts des décennies et des modes et donc ses variations de relectures. Le livret s’achève aussi sur une comparaison bienvenue avec les adaptations cinématographiques à postériori dont celles de Zeffirelli et Branagh.
Liste des bonus
Le livret « Le film d’un réalisateur qui savait se décider » rédigé par Sarah Hatchuel, présidente d’honneur de la Société Française Shakespeare, professeure en études (100 pages), « Introduction à Hamlet » par Pierre Kapitaniak, professeur à l’Université Paul-Valery, Montpellier 3 (56’).