GUEULES NOIRES
France – 2023
Support : Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Mathieu Turi
Acteurs : Samuel Le Bihan, Jean-Hugues Anglade, Philippe Torreton, Thomas Solivérés, Amir El Kacem, Diego Martin, Marc Riso, Bruno Sanches, Mickaël Fitoussi…
Musique : Olivier Derivière
Durée : 103 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : –
Editeur : Blaq Out
Date de sortie : 20 mars 2024
LE PITCH
1956, dans le nord de la France. Une bande de mineurs de fond se voit obligée de conduire un professeur sous terre pour faire des prélèvements. Après un éboulement qui les empêche de remonter, ils découvrent une crypte d’un autre temps, et réveillent sans le savoir quelque chose qui aurait dû rester endormi…
Alien : Germinal
Troisième long-métrage de Mathieu Turi, Gueules noires creuse le sillon du cinéma de genre artisanal porté en étendard par le réalisateur français. Film d’horreur et de monstre en huis-clos, il constitue une bonne surprise malgré ses imperfections.
Nouveau représentant du cinéma de genre à la française, Gueules noires de Mathieu Turi figure dans la sous-catégorie de la série B assumée, à contrario de la mouvance du film d’auteur de genre marquée récemment par Le Règne animal ou encore La Nuée. Deux exemples convaincants mais néanmoins éloignés d’une certaine idée du cinéma d’artisan portée par Mathieu Turi, que l’on pourrait plus aisément rapprocher du travail d’Alexandre Bustillo et Julien Maury. La noblesse de la série B, dans toute sa modestie, son pouvoir d’évocation, son efficacité et rien de plus, voilà ce qui semble porter actuellement le réalisateur français. Après deux premiers essais assez imparfaits lorgnant du côté du post apo et de la SF, Hostile en 2017 et Méandres en 2020, il se lance dans Gueules noires, projet associant cette fois récit horrifique, hommage à Lovecraft et film d’aventure, le tout ancré solidement dans une histoire et un environnement « à la française », puisque l’action se déroule dans les années 50, dans les mines du Nord de la France. Comme ses précédentes réalisations, cette troisième livraison n’échappe pas à une qualité finale globalement assez inégale, mais toujours portée par une foi inébranlable dans les genres qu’elle traverse. Il faut dire que le réalisateur, qui semble s’enhardir un peu plus de projet en projet, ne choisit pas la facilité en allant tourner en huis-clos, à la fois en studio mais également en décors naturels, avec reconstitution historique à l’appui. Et clairement, il s’en sort plutôt bien, notamment durant une première moitié de métrage dans laquelle il pose son action et ses personnages, tout en plantant les grandes notions liées aux « gueules noires », avec une séquence introductive très réussie, immergeant idéalement le spectateur, tout en osant même une approche musicale chantée surprenante.
Gueules cassées
A mi-chemin de Germinal (dont il reprend certains décors) et d’Alien, avec une vraie strate de film d’aventure (manuscrit et tombeaux découverts, trésor et labyrinthe) et la légèreté grisante qu’elle sous-entend, le film remplit ses objectifs d’intéresser tout en fascinant le spectateur par ce lieu cinégénique qu’il se plaît à explorer avec une bonne dose de gourmandise. Lorsque le groupe de mineurs mené par Samuel Le Bihan s’engouffre au cœur des tunnels, accompagnant un personnage de professeur aussi inadapté à la situation que louche sur les bords, le film bascule dans une sorte de survival souterrain, lorgnant évidemment du côté de The Descent de Neil Marshall, même s’il n’atteint jamais le sentiment claustrophobique de ce-dernier. Une créature enfermée depuis de très nombreuses années va peu à peu décimer les mineurs envoyés en mission suicide. Une créature qui en elle-même constitue une belle représentation des forces et faiblesses du film. Imaginée et conçue en dur, manipulée comme une marionnette géante, elle marque par son design et son aspect brinquebalant, un peu gauche. Gueules noires l’est tout autant, quelque peu fascinant par son approche, son soin apporté à la technique, à la lumière, les décors, les musique, mais flanchant sur ses appuis dans une deuxième partie un peu moins convaincante, rattachant le film au mythe de Cthulhu de Lovecraft de manière un peu arbitraire et pêchant dans sa narration. Si l’interprétation générale s’avère, elle aussi inégale, Amir El Kacem est excellent, Anglade en fait des caisses dans la défroque du professeur, elle s’inscrit pour autant dans une logique de film de groupe et sur ce point, le film remplit également son objectif, avec des protagonistes fonctions plutôt attachants, caractérisées en quelques traits mais de manière très efficace. Meilleur film de son auteur à nos yeux, Gueules noires a les défauts de ses qualités et vice-versa, et arbore typiquement les atours du petit film qui basculera vers l’enthousiasme ou le rejet suivant comment le spectateur est luné. On souhaite en retenir le positif, car pour autant, on ne peut négliger cette envie de cinéma bis, cette sincérité un peu naïve qui inondent les galeries du nouveau film de Mathieu Turi, dont on est convaincu du talent à nourrir un versant du cinéma de genre français finalement assez peu répandu, celui de l’artisanat qui va droit au but.
Le cinéaste a, depuis, été embauché pour réaliser deux adaptations de jeux vidéo de l’éditeur Ubisoft : une série dérivée de l’univers de l’excellent diptyque A Plague Tale et la transposition en film de Watch Dogs. Des projets bien différents, dotés probablement de plus de moyens, qui constitueront une nouvelle orientation pour Mathieu Turi et son cinéma.
Image
La très belle photographie d’Alain Duplantier, marquée par des sources lumineuses créées spécialement pour le film, profite d’un rendu excellemment restitué, les noirs sont profonds et les contrastes, déterminants dans un tel projet filmé en grande partie dans l’obscurité, fort bien gérés. Même si la mise en scène passe par de la caméra portée une fois les personnages dans les mines, la lisibilité de l’action et le niveau de détails de l’image restent excellents.
Son
Même constat côté sonore, puisque la piste en 5.1 DTS HD Master audio offre une belle ampleur à ses effets, mais également à la musique et aux expérimentations du compositeur Olivier Derivière, dont la partition enveloppe régulièrement et de belle manière l’action, restituée de belle manière sur l’ensemble des sorties.
Interactivité
Un making-of de 26 minutes revient sur la conception du film, instantanés de tournage à l’appui, commentés par Mathieu Turi, mais également par les producteurs et le directeur de la photographie, dans un style direct, efficace et sans langue de bois. Un document sans fioritures, aux interventions souvent pertinentes et toujours passionnantes.
Liste des bonus
Making-of (26’).