GOSSES DE TOKYO

大人の見る繪本 生れてはみたけれど– Japon – 1932
Support : Bluray
Genre : Drame
Réalisateur : Yasujiro Ozu
Acteurs : Hideo Sugawara, Tomio Aoki, Tatsuo Saito, Mitsuko Yoshikawa, Takeshi Sakamoto …
Musique : Donald Sosin
Durée : 91 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Muet DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Editeur : Carlotta Films
Date de sortie : 6 mai 2025
LE PITCH
Comment des enfants, mécontents de l’attitude de leurs parents, décident de faire une grève de la faim et de la parole.
Une affaire de famille
Si en 1932, Ozu n’est pas en début de carrière (il a déjà réalisé 23 films en cinq ans), son nouveau film pour la Shochiku, Gosses de Tokyo, est la prémisse de sa reconnaissance mondiale. Si le cinéaste déjà à la moitié de sa filmographie, le meilleur parsemé de chef d’œuvre reste à venir.
Peu de metteurs en scène ont réussi à parler de leur pays comme l’a fait le Japonais Yasujiro Ozu. Explorant son histoire par la lucarne de l’intimité, il offre un point de vue original et personnel pour comprendre une mentalité de l’autre côté du globe. Gosses de Tokyo, peut être considéré comme le point de départ d’une carrière atypique. Alors peu connu en dehors du Japon, son film s’envisage comme une œuvre matricielle pour le metteur en scène. Et pour cause, rarement le cinéaste s’éloigne de la cellule familiale qui lui est si chère pour parler de son monde. Sa mise en scène ne cesse de la scruter, de l’ausculter même. Ce qui se passe dans les foyers représente les préoccupations d’une époque, c’est le nerf vital de tout pays. Sa caméra se concentre donc sur ses murs, elle reste à hauteur humaine, souvent basse, à niveau de table, là où les langues se délient, où les mots deviennent sincères. Son objectif est une fenêtre sur le monde. Un regard aussi original que sincère.
A la loupe
Lorsque Gosses de Tokyo se présente à Ozu, il n’est qu’un employé de la Shochiku, enchaînant les films les uns après les autres. A l’affût de succès opportunistes, le studio lorgne sur celui de la production américaine Skyppy avec ses enfants stars qui caracolent au box-office. Sans le savoir, le cinéaste va fonder les piliers de son cinéma. L’alibi d’enfants se rebellant contre la souveraineté parentale n’est qu’une excuse pour désigner l’étouffement d’un pays. Les gosses en question subissent l’autorité représentée dans le foyer par celle du père, qui lui-même subit celle de son patron sur son lieu de travail. Insidieusement, par petites touches, Ozu dilate cette oppression via le monde enseignant et surtout par celle des autres enfants. Ces situations préfigurent l’endoctrinement de ce qu’ils deviendront plus tard, une reproduction d’un schéma annoncé. Mais la rébellion n’est pas loin, cette dictât s’effrite avec la découverte d’un père « gênant » dans les films d’entreprise, obligé de faire le clown pour amuser la galerie en vue de se faire bien voir. Le monde de l’enfance s’effrite, la respectabilité du père en prend un coup et cette vérité devient l’électrochoc qui remet les convictions en question. L’ingratitude des enfants n’est pas en mesure d’évaluer les sacrifices. La caméra d’Ozu reste au niveau des enfants, ne s’élève jamais. Elle se concentre sur le point de vue de l’innocence enfantine en contraste avec une époque fière voulant s’en sortir au lendemain de la guerre. Le metteur en scène n’a de cesse d’observer, de constater par son cinéma l’évolution des mœurs et de son temps. C’est ce qui l’a sans doute poussé à revisiter son film 27 ans plus tard. Remake à peine déguisé, Bonjour (bonus de luxe présent dans cette édition-Merci Carlotta !) nous montre l’évolution de la société japonaise. Plus consumériste, plus critique, elle semble moins bienveillante, Ozu y dénonce les commérages, les jalousies. Les motivations ont changé, la grève des enfants ne sera plus sur la nourriture, primordiale au corps, mais sur la parole pour exiger une télévision. C’est cet élément qui est devenu vital, qui les nourrit. La communication en milieu domestique est sur un point de bascule. L’enfance est une excuse pour dénoncer un état de fait. Le monde est en perpétuelle mutation et la cellule familiale est le dernier bastion de stabilité fragilisé.
C’est ce qui compte le plus pour le cinéaste. C’est sans doute pour ça (à l’instar d’un François Truffaut ou d’un Steven Spielberg) qu’il n’a de cesse de l’explorer film après film avec toute l’humanité et la délicatesse qu’on lui connaît.
Image
Le film bénéficie d’une solide restauration 4K effectuée en 2023. 90 ans après sa réalisation, Gosse de Tokyo offre une texture visuelle marquante. Le noir et blanc est suffisamment marqué pour en apprécier sa définition. Une cure de jouvence inespérée.
Son
La piste musicale est laissée au compositeur britannique Ed Hughes pour accompagner le film. En 2.0, il fait office d’agréable ambiance sonore tout au long du film.
Interactivité
Pascal-Alex Vincent, auteur du livre « Une affaire de famille » consacré au cinéaste, nous éclaire sur la sortie du film dans les années 30. Remis dans le contexte de la carrière de Yasujiro Ozu, on apprend que le metteur en scène n’était alors qu’un simple artisan sous contrat enchaînant les films. Mais le gros morceau de l’interactivité est le film Bonjour. Véritable remake de Gosses de Tokyo qui montre l’évolution des points de vue et des envies des japonais trois décennies plus tard. Un complément bienvenu et indispensable pour mieux appréhender le monde japonais vu par le microcosme familial.
Liste des bonus
Bonjour (1959, 94’), « Au nom du père » : Entretien avec Pascal-Alex Vincent, cinéaste et enseignant à la Sorbonne Nouvelle, auteur du livre « Yasujiro Ozu : Une affaire de famille » aux Éditions de La Martinière (15’), Bande-annonces (4’).