GORGO

Royaume-Uni, Etats-Unis – 1961
Support : UHD 4K & Bluray
Genre : Fantastique, Catastrophe
Réalisateur : Eugène Lourié
Acteurs : Bill Travers, William Sylvester, Vincent Winter, Christopher Rhodes, Joseph O’Conor, Bruce Seton
Musique : Angelo France Lavagnino
Image : 1.85 16/9
Son : Anglais et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 77 minutes
Editeur : BQHL Editions
Date de sortie : 14 août 2024
LE PITCH
Au large de l’Ecosse, des chercheurs de trésors capturent une créature inconnue, une relique vivante de la préhistoire. En dépit des avertissements d’un gamin, ils la vendent à un cirque de Londres. Mais le dinosaure, aussi grand soit-il, ne serait-il pas qu’un bébé ? C’est la thèse que soutient un scientifique. Une thèse qui devient une effrayante réalité quand, du fond de l’océan, surgit un monstre dix fois plus gros. Sa mère dont la colère se déchaîne le long des rives de la Tamise dans un maelström de destructions…
« « Like nothing you’ve ever seen before ! »
Proche cousin du japonais Godzilla, Gorgo fut un véritable évènement à sa sortie en 1961. L’un des premiers films de monstre en couleur (et en Technicolor !) et profitant non pas de moyens de série B, comme c’était souvent le cas aux USA, mais bien d’un tournage confortable assurant des effets spéciaux particulièrement spectaculaires. Un film de monstre familial qui ouvrit la voie à des 60’s beaucoup plus tendres.
Le réalisateur du film, Eugène Lourié, aura étonnement construit toute sa carrière de metteur en scène autant de ce genre précisément de films fantastiques. C’est bel et bien son Le Monstre des temps perdus (1953), profitant pleinement des animations du grand Ray Harryhausen qui relance la mode des dinosaures destructeurs et inspira directement les Japonais pour la confection de leur propre saurien nucléaire. Il fournira un quasi-remake de son propre film avec Béhémot, le monstre des mers en 59 et même son Colosse de New York et son cerveaux enchâssé dans un corps robotique, joue largement sur le gigantisme du golem. Pourtant, Eugène Lourié était au départ un chef décorateur particulièrement respecté qui a longtemps travaillé avec Jean Renoir (La Grande illusion, La Règle du jeu…) et qui poursuivra une fructueuse carrière de directeur artistique le créditant sur des œuvres comme Les Feux de la rampe de Chaplin, Shock Corridor de Fueller ou Bronco Billy de Eastwood. Son intérêt pour les films de monstre relève alors surtout de hasards de carrière et d’une effectivement très nette curiosité pour les défis techniques.
Questions de taille
Et celui-ci est particulièrement probant dans Gorgo, premier film occidental à utiliser la technique de « l’homme dans le costume » permettant justement d’éviter les délais fastidieux de la stop-motion, tout autant que donner un aspect plus humain (pataud diront certains), mais qui induit dans le même mouvement de construire des maquettes gigantesques et donc extrêmement précises… Surtout avec l’utilisation de la couleur, dissimulant beaucoup moins bien les imperfections que le noir et blanc. Pari largement relevé ici, le film délivrant des séquences de destruction massives particulièrement impressionnantes et incroyablement réalistes pour l’époque. Mais le film ne se borne pas à cela puisqu’il multiplie tout au long de ses scènes les plus fantastiques la combinaison de marionnettes gênantes (l’apparition de la main), de plans composites mêlant créatures et foules à base de caches et de doubles expositions et autres effets optiques aussi pointus que traditionnels. On sera sans doute moins convaincu par la surabondance dans la dernière bobine de stock-shot venant étoffer un affrontement un peu inutile avec les militaires britannique. Des ajouts de dernières minutes effectués sous les ordres des King Brothers, producteur margoulins et un peu truands qui rallongèrent ainsi quelques peu la durée du film et le rapprochait plus nettement des canons du genre.
L’âme et le monstre
Profitant des moyens financiers et des larges studios de la MGM, Gorgo avait effectivement tout en 1961 de la superproduction spectaculaire. Mais cette fois-ci plus vraiment question de rejouer la gamme du vilain dinosaure qui se contente de tout ravager sur son passage (ici Piccadilly Circus, Big Ben, le London Bridge…), marqué par la remarque de la fille de Renoir qui se plaignit à la projection du Monstre des temps perdus de voir la créature traitée simplement comme un monstre, Mourié insista durant la phase d’écriture pour en faire le véritable héros du film. Retrouvant une part de la fibre du mythique King Kong, Gorgo redevient donc la victime d’hommes appâtés par la source financière lucrative qu’il pourrait représenter, le capturant et l’emmenant à la capitale pour en faire le clou d’un grand cirque. Ce n’était sans compter sur la mère de Gorgo, bien plus grande et enragée que lui, qui fera tout pour récupérer son petit, repartant victorieuse vers les fonds marins qu’ils n’auraient jamais dû quitter. Une tonalité plus douce, concrétisée aussi par la mise en avant du jeune Sean, qui prend la défense de l’animal géant tout du long, et qui reste aujourd’hui encore particulièrement charmante.
Une nouvelle orientation qui, suivant le succès planétaire de Gorgo, et en particulier au Japon, va totalement transformer la vision du Film de monstre pour la décennie à venir, motivant la Toho à relancer la saga Godzilla (avec l’excellent King Kong contre Godzilla) et à se tourner vers le public familial. On notera aussi de troublantes similitudes avec le très attachant Gappa de la Daei, quasi-remake non officiel.
Image
Restauré en 2023 à partir de nouveaux scan 4K des négatifs originaux, Gorgo nous revient dans toute sa gloire ! Forcément quelques traces du temps restent encore présentes (fines griffures et légères fluctuations de couleurs) et les multiples trucages optiques forcent certains plans à plus de douceurs et variations de textures, mais pour un tel film le résultat est impressionnant. Le piqué affirme ainsi à merveille la richesse de la production, des superbes décors reproduits en studios à ceux capturés en extérieurs (de l’Irlande aux rues de Londres) tout en célébrant comme il se doit les variations d’épaisseurs de caoutchouc qui composent le superbe costume de la créature. Aucun détail ne nous échappe non plus du coté des effets spéciaux où le moindre collage ou maquette gigantesque sautent au yeux… mais de belles manières. Enfin, connu pour être l’un des premiers films de monstre en couleurs, Gorgo retrouve ici pleinement son somptueux Technicolor aux couleurs puissantes et vibrantes. Un délice.
Son
Pas de bidouillage moderniste, Gorgo reste attaché à ses monos d’origines, diffusés en DTS HD 2.0 pour faire bonne mesure. La version originale est tout à fait performante avec une clarté bien maintenue, des dialogues en avant, des bruitages présents et un rapport bien équilibré avec les musiques. Pas de soucis notables, à contrario de la version doublée française, qui profite de voix solides, mais laissent échapper quelques crissements et une ou deux coupures silencieuses entre les dialogues. Rien de dramatique, sans doute que les nostalgiques y trouveront un certain charme.
Interactivité
BQHL propose une bien belle édition pour Gorgo avec son coffret à fourreau et son livret exclusif à l’édition 4K. Et les suppléments sont bien présents avec en particulier un making of rétrospectif du film composé de témoignages d’historiens et de spécialistes du cinéma de SF, mais aussi des extraits audios d’une interview d’Eugene Lourié, permettant de revenir sur ce prolongement de sa carrière de directeur artistique et de réalisateur. On y discute forcément des racines allant de King Kong à Godzilla, mais aussi de l’implication des King Brothers, de la coproduction japonaise un temps envisagée, de la phase d’écriture et du regard particulier sur le genre, d’un tournage plutôt luxueux dans les studios de la MGM et des nombreuses trouvailles techniques.
Très consistant et produit avec un coté bis très sympa, il est complété par une présentation signée par le français Gilles Penso, auteur de nombreux ouvrages sur l’animation et la Stop-Motion, qui axe clairement son propos sur la carrière, les talents et la personnalité du cinéaste. Il souligne aussi l’importance de Gorgo au sein de l’histoire des films de monstre, aussi bien pour son sens du spectaculaire que sa mise en avant de créatures plus victimes que bourreaux.
On trouve aussi ici un curieux témoignage d’un fan de Gorgo, l’américain Stephen Bissette. Hérité de l’édition US de Vinegar Syndrome, elle reste un peu curieuse, mais permet au moins, entre deux souvenirs d’enfance, de découvrir par le biais de romans et de comics la vision des grands dinosaures qui précéda la production et la sortie de Gorgo.
Liste des bonus
Un livret (60 pages), La Naissance d’un monstre de légende : Le making of de Gorgo » (31’), « Gorgo Lives » : La gorgomania selon Stephen Bissette (36’), Présentation du film par Gilles Penso (25’).