GOD OF GAMBLERS : INTÉGRALE
God of Gamblers, God of Gamblers 2, God of Gamblers 3: Back to Shanghai, God of Gamblers’ Return, God of Gamblers 3: The Early Stage – Hong-Kong – 1989 / 1996
Support : Bluray
Genre : Comédie, Action
Réalisateur : Wong Jing
Acteurs : Chow Yun-Fat, Andy Lau, Joey Wang, Stephen Chow, Man-Tat Ng, Gong Li, Tony Leung Ka Fai, Chien-Lien Wu, Leon Lai, Anita Yuen
Musique : Lowell Lo, Clarence Hui, Peter Kam
Image : 1.85 16/9
Son : Cantonnais DTS HD Master Audio 5.1 et 2.0, Mandarin DTS Master Audio 2.0, Français DTS HD Master Audio 2.0 (sur God of Gamblers)
Sous-titres : Français
Durée : 124, 105, 116, 124 et 102 minutes
Éditeur : Spectrum Films
Date de sortie : 31 août 2023
LE PITCH
Alors qu’il s’apprête à affronter un des plus célèbres tricheurs du milieu, Ko Chun, surnommé le « Dieu du jeu », est victime d’une mauvaise chute et se heurte le crâne sur un rocher. Devenu amnésique, il est recueilli par un joueur amateur qui ne tarde pas à découvrir son talent pour les cartes et décide de l’exploiter.
The Players
Aperçue partiellement en France par le biais de localisation de deux opus sous les titres Les Dieux du jeux et L’Arnaqueur de Hongkong, la saga God of Gamblers fut l’une des plus lucratives des années 90, mais aussi l’une des plus bordéliques, alignant les stars, en particulier Chow Yun-Fat, Andy Lau et Stephen Chow, dans un mélange détonnant de jeux de casino, d’action, de mélodrame et de comédie. Tout le style roboratif du producteur / réalisateur Wong Jing, pour la première fois, au monde, réunis dans un seul coffret Bluray.
Réalisateur à la carrière jalonnée de cartons populaires, Wong Jing (Magic Crystal, Evil Cult, Niki Larson) ne s’est jamais considéré comme un cinéaste, ou pire, comme un auteur. Son cinéma est ouvertement et purement une entreprise financière, le plus souvent extrêmement opportuniste, piochant à droite à gauche les intérêts du moment, copiant les succès et les modes, pour aboutir à des produits souvent assez patchwork, mais définitivement divertissants et fructueux. Au milieu d’une bonne centaine de titres signés par ses soins mais le plus souvent tournés par ses collaborateurs et assistants, trône fièrement la drôle de saga God of Gamblers. Rien que le premier opus est à lui tout seul un cas d’école qui, certes renoue avec une thématique récurrente dans la filmographie du bonhomme (l’univers du jeu, de la triche et des casino déjà exploité dès son premier Challenge of the Gamesters présent dans le coffret ) mais y mêle allègrement des éléments de comédie lourdingue typiquement cantonaise, de grands élans de mélodrame pathos, mais aussi une bonne dose d’action et des gunfights sanglants dignes de ce fameux Heroic Bloodshed qui cartonnent depuis la sortie du Syndicat du crime de John Woo. Ça tombe bien, la star Chow Yun-Fat était aussi bien connu à Hongkong pour ses figures classieuses et élégantes de truands romantiques que pour sa propension à la farce et aux grimaces. Le voici donc star et moteur d’un divertissement qui ne cesse de passer d’un genre à l’autre, s’attardant avec précision sur des parties de cartes ultra tendues et habilement chorégraphiées avant de bifurquer vers une histoire jamais convaincante de perte de mémoire. Celle-ci permet cependant au jeune Andy Lau, alors en pleine ascension, et à la charmante Joey Wang (révélée par Histoires de fantômes chinois) de venir jouer les trublions amateurs qui vont tout d’abord profiter de ce comportement autistique (on pense là à Rain Man) puis finalement s’avérer de véritable amis… Jusqu’à une dernière bobine en forme d’accélération hystérique où les coups de Trafalgar s’enchaînent sans faiblir, au milieu de gunfights sanglants et noircissant largement le tableau. Improbable, et tout de même marqué de quelques bonnes longueurs en son centre, God of Gamblers s’avère un film symptomatique de ce fameux savoir-faire HK, et va s’avérer un véritable raz de marée au box-office local en cette belle année 1989.
God of conneries
Les copies pointent leur nez et même une parodie, All for the Winner qui n’est pas loin de faire encore mieux et affirmant le pouvoir comique d’un certain Stephen Chow en apprentis joueurs aussi crétin que puissant et/ou maladroit. Cela en aurait gêné d’autres, mais Wong Jing qui a bien compris qu’il serait difficile de retrouver Chow Yun-Fat dans l’immédiat, accumulant les tournages, n’hésite alors pas à opérer un authentique crossover entre les deux univers. Voici donc God of Gamblers 2, dans lequel Andy Lau, désormais disciple officiel du fameux Ko Chun, doit composer avec un autoproclamé Saint of Gamblers, et son oncle plus crétin encore, s’efforçant de devenir disciple à son tour. Si quelques scènes d’actions, dont une poursuite fort réussie où Andy Lau délivre quelques cascades à la Jackie Chan, viennent émailler la proposition, l’humour et la fantaisie prennent largement le pas sur le reste. Doté de pouvoir psychique assez aléatoires et d’un esprit aussi crétin que mal placé, le personnage de Stephen Chow, phagocyte littéralement le récit et les fameuses scènes de gambling tournent gentiment au n’importe quoi. Un second opus plaisant mais où la greffe entre la méthode Wong Jing et l’humour non-sensique de Stephen Chow ne prend pas toujours très bien entre chutes de rythme, gags balourds et une logique narrative bazardée par la fenêtre lorsque l’acteur Ng Man-Tat ne revient pas sous les traits du méchant (éliminé dans le premier film) mais dans celui caricatural du Tonton bien débile.
Peu importe semble dire Wong Jing qui devant un nouveau plébiscite du publique creuse encore dans cette voie en donnant pour God of Gamblers III les pleins pouvoirs à Stephen Chow (Andy Lau à quitté le navire), qui transforme totalement le métrage en pure véhicule Mo Lei Tau où les gags les plus frappés, les grimaces sidérantes et des pouvoirs désormais totalement abusées entraînent même le récit vers un voyage dans le temps, pour un Back To Shanghai, se déroulant dans les années 30. L’occasion de rendre hommage et de détourner une célèbre série TV mafieuse HK, The Bund, et de mélanger allègrement parodie historique, trip de science-fiction, arts-martiaux, vaudeville et même comédie musicale dans un morceaux renversant. Stephen Chow dans ses grandes œuvres, réussit même à embarquer la sublime et pourtant très sérieuse Gong Li dans un double rôle franchement douteux (une des jumelles est attardée et fricote avec Chow) et à faire passer la pilule, à noyer le spectateur sous une avalanche de n’importe-quoi absolument irrésistible… Quitte à presque totalement oublier l’univers du gambling et l’atmosphère première de la licence.
Retour gagnant
Souvent considéré par les puristes comme des spin-of, ces deux épisodes des plus farfelus vont laisser place en 1994, à un spectaculaire retour aux sources avec God of Gamblers’ Return, parfois même considéré comme le vrai God of Gamblers 2, grâce au retour de Chow Yun Fat dans le rôle-titre. On oublie les délires fantastiques de Stephen Chow, de toute façon bien occupé à s’imposer comme le King of Comedy, et on revient donc à la formule gagnante initiale… Mais en poussant systématiquement les leviers au maximum et en resserrant fortement les boulons. Grand pro du recyclage, Wong Jing relance la machine en calquant plus ou moins la trajectoire du premier film (la promesse de ne pas jouer pendant un an faite à sa femme mourante remplaçant plus ou moins la perte de mémoire), mais en démultipliant la présence de personnages bigarrés, d’antagonistes et de péripéties qui permettent, au passage, de faire un grands élans fédérateur entre héros hongkongais, la chine continentale et Taïwan (les mauvaises langues diront que c’est pour se faire une place sur tous les marchés). Accompagné cette fois-ci de Tony Leung Ka Fai (plus ou moins à la place d’Andy Lau), des très jolies Chien-Lien Wu et Chingmy Yau et de l’incontournable Charles Heung toujours impassible dans le rôle du garde du corps increvable et implacable, Chow Yun-Fat s’amuse comme un fou à passer de ses postures glorieuses à la figure de bouffon assumé, se montrant toujours autant à l’aise dans la farce de circonstance, les combats chorégraphiés, les sauts un flingue dans chaque main et les tours de passe-passes improbables sur la table verte. Ici Wong Jing (ou son assistant), plus solide que jamais, se prend même à distiller quelques éléments inattendus dignes d’un film Category III avec un aspect sexy plus affirmé et une violence démultipliée (l’avortement forcé et le fœtus dans le bocal, il fallait oser). Sacré spectacle qui part dans tous les sens et dans tous les genres, mais qui réussi à maintenir le cap avec panache et un second degré particulièrement réjouissant. Le plus gros score de la saga au box office HK et certainement le plus réussi de tous.
La dernière carte
Si la série a connu quelques films satellites, suites et extensions pas franchement officielles ou tirées par les cheveux comme The Conman, The Saint of Gamblers, Casino Raiders ou même les très récents From Vegas to Macau, l’ultime vrai chapitre reste God of Gamblers 3: The Early Stage. Une production relativement avant-gardiste puisque sous-couvert de proposer une prequelle au premier film, ce dernier jouait déjà plus ou moins la carte du remake / reboot déguisé. Changement total de casting donc avec la star de la canto-pop Leon Lai dans le rôle du jeune Ko Chun et Jordan Chan dans celui du futur ami et garde de corps taiseux, avec le concours de la pétillante et irrésistible Anita Yuen en love interest et le toujours excellent Francos Ng en méchant (très méchant) dissimulant sa fourberie derrière ses cheveux longs.
Encore une fois la structure du film reprend les sempiternelles mêmes astuces narratives (une trahison et un tir derrière laissera un temps de terrible séquelle à Ko Chun) et pratique toujours le croisement comédie / action / thriller, mais ici le sérieux est beaucoup plus présent et les coulisses des différentes techniques de jeu et de triches plus solidement exploitées que dans les films précédents. Doté d’une interprétation et d’une atmosphère plus homogène, d’une réalisation carrée, le film s’amuse à éclairer la naissance de certaines manie du héros, la construction de son look mais aussi la mise en place de techniques qui servaient de twists à God of Gamblers et God of Gamblers’s Return, venant ainsi achever une trilogie plutôt cohérente au sein d’une pentalogie qui l’est beaucoup moins. Ça n’empêche pas à cette étrange saga d’être particulièrement sympathique et de contenir, sous la forme d’un pot pourris, à peu prêt tout ce qu’on aimait dans le cinéma populaire de Hong-Kong des années 80/90.
Image
Tous les films n’ont pas été restaurés à la même hauteur, mais tous ont au minimum connu une vraie remasterisation HD. Les plus probants ici sont certainement le premier God of Gamblers et sa suite directe God of Gamblers’ Return (particulièrement éclatant) où les efforts alloués ont permis d’obtenir des copies vraiment impeccables, assurant une belle propreté, un piqué ferme et une profondeur assurée, tout en préservant avec agilité le grain de pellicule et les petits sentiments de reliefs. Les autres films sont passés par un traitement un peu plus succinct avec une patine numérique abordée pour faire disparaître les effets floconneux disgracieux, les défauts principaux et rehausser la colorimétrie. God of Gamblers 2 et 3 manquent d’un peu de fermeté, glissant parfois vers quelques effets de lissage trop visibles. The Early Stage, plus récent et sans effets spéciaux visuels à proprement parlé, se montre tout à fait confortable et convaincant avec, entre autres, des noirs très bien tenus.
Son
Chacun des films sont proposés dans un doublage mandarin disposé en DTS HD Master Audio 2.0, et enfin les versions originales cantonaises sont elles disponibles en DTS HD Master Audio 2.0 et 5.1. Ces pistes remixées pour ajouter quelques effets de spatialisation supplémentaire et de petites sensations d’ambiances se montrent souvent un peu trop éteintes et pas forcément des plus spectaculaires. Retour donc au DTS HD Master Audio 2.0 plus sobre, direct, maitrisé et équilibré qui garde l’énergie d’origine avec une clarté appuyée.
Interactivité
Très attendu par les amateurs de production HK, le coffret God of Gamblers est enfin arrivée et Spectrum Films lui a offert un traitement princier. Si le carton utilisé pour contenir le tout se montre un peu trop léger, le design est particulièrement réussi et se voit auréolé de la présence d’une BD inédite signée Zi Xu et qui vient creuser de manière personnelle l’univers des films et la thématique générale.
Chaque film est ensuite présenté sur son propre disque avec pour chacun une présentation toujours aussi complète et informée de Arnaud Lanuque qui retrace tour à tour la carrière de Wong Jing, ses méthodes de travail, son talent pour constituer des castings classieux, ses « petits » travers, tout en accompagnant et explicitant les différentes évolutions de la série et les influences de chaque opus. A cela s’ajoute, disséminé au grès des galettes, quelques bonnes interviews inédites avec Wong Jing qui ne cache à aucun moment son approche totalement mercantile du cinéma, avec le futur réalisateur Albert Mak alors simple script sur le premier et du troisième opus qui révèle la propension à déléguer de Wong Jing et les ambiances de plateau et enfin avec l’actrice Yeung Jing-Jing, élève de Lau Kar-Leung qui revient sur son expérience sur God of Gamblers 3, le tournage particulier des scènes avec Gong Li (elle fut remplacer par une actrice taiwanesse pour des questions d’embargo) et les rapports aux finals plutôt cordiaux entre Stephen Chow et Wong Jing. Sur le disque de God of Gambler’s Return, on trouve aussi un essai complet et très intéressant signé Dylan Cheung qui retrace l’historique de l’imagerie du gambling dans le cinéma Hong-kongais et les nombreux films de Wong Jing qui y sont liés.
Pouvant tout aussi bien être considéré comme faisant partie du programme principal du coffret ou comme un supplément imposant, le long métrage Challenge of the Gamesters est proposé sur le sixième disque du coffret. Il s’agit de la toute première réalisation de Wong Jing, alors en collaboration avec la Shaw Brothers, et qui tout en s’inspirant largement du film américain L’Arnaque de George Roy Hill, impose d’ores et déjà la marque du bonhomme : un mélange des genres détonants, un rythme rapide, des séquences d’arts martiaux fantaisistes, des personnages haut en couleurs, pour un divertissement très efficace. L’univers du jeu et du paris y sont déjà centraux et il est amusant de reconnaitre dans la relation mentor et jeune fan plus fantaisiste, où dans certains effets de mise en scènes (les parties de cartes ou de majong, l’entrée triomphale en musique…) des échos des futurs God of Gamblers à venir.
Liste des bonus
Blood of the Gambler : Graphic Novel par Zi Xu, Challenge of the Gamesters (99’, 1981), Présentation des films par Arnaud Lanuque, Interview d’Albert Mak (12’), Entretien avec Wong Jing (21’), Interview d’Albert Mak (8’), Interview de Yeung Jing Jing (14’), Essai Le Monde du jeu par Dylan Cheung (22’), Module de restauration (4’), Bandes-annonces.