GINA
Canada – 1975
Support : Bluray
Genre : Thriller, Drame
Réalisateur : Denys Arcand
Acteurs : Céline Lomez, Claude Blanchard, Frédérique Collin, Serge Thériault
Musique : Benny Barbara, Michel Pagliaro
Image : 1.77 16/9 Compatible 4/3
Son : Québécois et Anglais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 95 minutes
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 31 décembre 2022
LE PITCH
À l’occasion du tournage d’un documentaire sur l’industrie du textile à Louiseville, petite ville du Québec, un cinéaste et son équipe font la connaissance de Gina, strip-teaseuse venue honorer un contrat, et de Dolorès, jeune ouvrière employée à l’usine de textile locale. Le metteur en scène a l’intention de dénoncer les conditions de travail difficiles des ouvriers. Mais il s’attire très vite, tout comme Gina et Dolorès, l’hostilité des autorités et d’une partie …
Cinéma de l’exploitation
Réalisateur du Déclin de l’empire américain ou Les Invasions barbares, Denys Arcand résume pour quasiment tout le monde l’intégralité du cinéma québécois, essentiellement tourné vers la comédie sociale noire. Surprise alors de découvrir ce Gina tourné en 1975 qui allait ouvertement draguer sur les terres bien bis du « rape and revenge ».
Le rape and revenge, ce cinéma d’exploitation parfois nauséeux, brutal, souvent même putassiers, où une pauvre jeune femme se faisait agresser sexuellement et décidait de se faire justice par elle-même et en général avec une brutalité égale aux traitements qu’elle avait subie. En 1975, le genre est à son apogée depuis le choc La Dernière maison sur la gauche de Wes Craven, et comme en atteste la bande annonce d’époque annonçant un déferlement de violence, Gina s’y engouffre presque totalement. Le film suit ainsi l’arrivée de la belle Gina (Céline Lomez) qui doit officier un strip-tease dans l’un des bouges de Louiseville petite ville paumé de Québec. Son arrivée fait grand bruit, les mâles la scrute par tous les angles possibles, sont spectacle fait sensation, mais son caractère franc et sa résistance aux propositions douteuses provoquent la colère d’un groupe de bouseux qui décident de l’attaquer en groupe dans sa chambre d’hôtel. Un acte particulièrement sordide, filmé avec froideur sur fond d’hymne canadien en arrière-plan, auquel la demoiselle va répondre en appelant au réseau criminel pour lequel elle bosse et va poursuivre ses tortionnaires à travers la nuit et le froid pour quelques exécutions des plus sanglantes et cathartiques.
Victimes
Classique, basique même serions-nous tentés de dire, mais Arcand qui ouvrait là la voie à un cinéma québécois plus cru et teigneux, se montre effectivement particulièrement efficace dans ses effets, la montée en tension, et généreux par une longue poursuite en motoneige qui s’achève par le beauf de service pulvérisé dans un broyeur (20 ans avant Fargo). Mais le film ne se limite pas à cela, loin de là et fait croiser la ligne dramatique de Gina avec celle d’une équipe de documentaristes venus tourner un film sur les conditions de travail déplorable des employés du textiles dans l’usine du coin. Un écho direct au tournage difficile du On est au coton du même Denys Arcand produit cinq ans plus tôt et qui connu quelques soucis avec une censure d’état insidieuse. Leur recherche de témoignage va les faire rencontre Dolores, immigrée espagnole conscience de la réalité des choses et qui offre un parallèle éclairant avec la vie de Gina, la condition féminine et beaucoup plus largement l’état de pourrissement d’une société canadienne qui s’enfonce dans le misérabilisme. Jeux de miroirs (superbe scène centrale), imbrication de cadres noirs et blanc du documentaire au milieux de séquences sèches de série B, Denys Arcand tiraille constamment son film entre deux approches, deux univers, pour dénoncer plus efficacement un pays qu’il ne perçoit que comme habité par des meutes de pauvres types frustrés, d’industriels immoraux et de politiques criminels.
Un film étonnant où le regard sur la place du réalisateur, ici d’un documentaire qui sera finalement abandonné, n’est pas forcément plus chaleureuse que le reste, puisque si Gina choisit de quitter le pays et Dolores de poursuivre sa vie avec fierté, ce dernier finira par répondre à l’appel du cinéma d’exploitation, commercial et apolitique, dans une dernière séquence qui ferme la boucle avec un cynisme mordant.
Image
Première mondiale pour la sortie en HD de Gina avec effectivement un travail très soigné apporté au respect de la source que ce soit dans la restitution de sa nature très granuleuse, presque neigeuse parfois, dans les reflets argentiques ou dans son réétalonnage qui redonne véritablement une seconde vie à la palette de couleurs. La patine générale rappelle constamment les origines dites d’ « exploitation » du film, avec tout de même quelques plans parfois un peu plus neigeux (le générique d’ouverture) ou plus adoucis et des noirs qui peuvent se laisser envahir de quelques notes bleutées ou verdâtres. Pas parfait donc, mais ce n’était certainement pas ici l’effet recherché ni sans doute un but accessible.
Son
La piste originale québécoise et la version doublée anglaise sont proposées dans des DTS HD Master Audio qui mettent forcément en avant les sources frontales. L’équilibre est beaucoup plus naturel et vif sur la version originale qu’avec le doublage anglo-saxon, plus lointain et écrasé. Dans les deux cas, les sous-titrages français sont proposés (et nécessaires).
Interactivité
Journaliste québécois, auteur de Series of Dreams. Bob Dylan et le cinéma (2018) aux Éditions Rouge profond, Simon Laperrière vient apporter sur les lumières sur un cinéma méconnu voir carrément inconnu pour la plupart des cinéphiles. Ici il éclaire bien entendu la relation du film Gina avec le documentaire On est au coton, la construction du film, la place de ce dernier dans la carrière du cinéaste et ouvre aussi le propos sur l’existence du cinéma de genre québécois. Beaucoup de choses à apprendre et à découvrir manifestement.
Liste des bonus
Gina par Simon Laperrière (21mn30), Film annonce.