GILDA
Etats-Unis – 1946
Support : Bluray
Genre : Thriller, Film Noir
Réalisateur : Charles Vidor
Acteurs : Rita Hayworth, Glenn Ford, George Macready, Steve Geray, Joseph Calleia, Joe Sawyer…
Musique : Hugo Friedhofer
Image : 1.33 16/9
Son : Dolby Digital Mono Anglais, Français, Allemand, Italien…
Sous-titres : Français, Anglais, Allemand, Italien…
Durée : 110 minutes
Editeur : Sony Pictures
Date de sortie : 6 novembre 2024
LE PITCH
Un petit joueur engagé pour travailler dans un casino de Buenos Aires apprend que son ex a épousé son employeur.
Cherchez la femme
Un film, une scène, un plan : une image vide et soudain un mouvement de cheveux (une crinière plutôt) et un sourire éclatant, malicieux et intensément séducteur. Rita Hayworth vient de renaitre à l’écran, passer d’actrice à icône, de belle femme à sex symbol. Les joyaux sur la couronne d’un classique du film noir américain.
Cité depuis des décennies (dont une scène bien célèbre dans Les Évadés), cette apparition presque magique, annonce d’une transformation totale de la figure de la Femme fatale mais aussi de la place de l’actrice dans l’histoire du cinéma, pour ne pas dire dans les fantasmes masculins, était une authentique surprise en 1946. Un choc autant esthétique qu’érotique. Car Gilda était certainement un film qui ne venait de nulle part. Une production Columbia confiée au réalisateur assez discrets Charles Vidor (à ne pas confondre avec son homonyme King Vidor), un scénario relativement classique dans le creuset du film noir, avec des formes et des motifs largement empruntés au modèle Casablanca, et même osons le dire, des acteurs de second plan comme Glenn Ford (Règlements de compte, Désirs humains pour Fritz Lang) mais que l’image de Gilda va totalement sublimer. Rien de bien passionnant donc dans cette trame de fond sur un inquiétant cartel tentant de jouer les monopoles dans l’industrie du tungstène pour conquérir le monde; pas vraiment d’intérêt non plus dans les véritables échos criminels du film noir, souvent réduit ici à un décorum exotique, un casino du bout du monde, servant de théâtre à un triangle amoureux atypique et bien tordu. Celui qui relie Johnny Farrell, joueur et raté invétéré marqué par une récente rupture amoureuse et son nouveau patron, voir associé, Ballin Mundson, qui l’a sortie du ruisseau où il était en train de glisser. Au milieu l’épouse du second, qui se révèle l’ancien grand amour du premier.
« Who ? Me ? »
Une femme fatale, dangereuse, constamment séductrice, tentatrice, agaçante et garce parfois, mais qui au-delà de ses attitudes de femme infidèle, va peu à peu laisser affleurer une fragilité touchante et une profonde blessure. Une rencontre parfaite entre l’image que véhiculait alors Rita Hayworth au sein d’Hollywood (instrumentalisé par son père puis par le patron de la Columbia… entre autres) et sa nature plus profonde, beaucoup plus vulnérable, qui offre à Gilda une aura sans pareil, indomptable et pourtant amoureuse, presque exhibitionniste (le début de striptease en robe fuseau noire est inoubliable) et pourtant d’une tendre pudeur, animée d’une passion fidèle pour un seul et même homme. Solidement mis en scène, brillamment photographié par le grand Rudolph Maté (Correspondant 17, La Dame de Shanghai…) , construit avec soin et profitant d’une direction artistique rigoureuse portée par Van Best Polglase (Citizen Kane), le métrage profite de tous le savoir-faire d’alors du bel Hollywood pour donner corps à un film noir de belle tenue. Mais Gilda reste malgré les démonstrations éclatantes de la beauté vertigineuse de son actrice, un film qui repose presque essentiellement sur ses véritables zones d’ombres. Celles d’un grand mélodrame où les deux amants n’arrivent jamais à s’extirper des images qu’ils se sont eux-mêmes crées, lui l’homme fier, viril et rancunier, elle la fille frivole se résumant à sa pure séduction, incapables de se retrouver malgré leur passion commune : on n’aura jamais aussi bien dit « je te hais » pour faire comprendre l’inverse. Celles aussi d’une relation plus trouble encore Johnny et Ballin, patron / employé, sauveur / protecteur, frères d’honneur jurant sur leur épée (symbolique !) une fidélité à toute épreuve, venant discuter en filigrane une sexualité bien plus ambiguë qu’il n’y parait.
De là à voir dans Gilda un authentique film sur l’homosexualité refoulée, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi. On préfèrera y percevoir une réflexion trouble et équivoque sur la pauvre figure d’un mâle, profondément déstabilisé et malmené par une femme sans pareil, Gilda, incendiaire et qui effectivement cannibalise tout l’espace et l’image.
Image
Après un passage dans la collection Very Classic de Sony serti dans un fin digibook, Gilda revient en Bluray en boitier scanavo classique. La copie est donc toujours la même, celle produite en 2016 par la société de production et le concours de la Bibliothèque du Congrès américains pour une sortie chez Criterion. Gage de qualité donc, scan 2K des négatifs et travail de restauration effectif, le film est effectivement très joli avec son noir et blanc gracieux et ses cadres assez propres (quelques passages ou photogrammes sont encore abimés). Le grain est harmonieusement géré même si là aussi des variations de densité se font sentir. Daté d’un peu moins de dix ans, le master HD a pris un peu d’âge à son tour, une nouvelle restauration 4K pour une sortie UHD finirait sans doute de gommer les derniers petits défauts.
Son
Toutes les pistes audios proposées sur le disque sont en Dolby Audio, pour des monos (concentrons nous sur l’anglais et le français) très agréables avec tout de même une nette préférence pour une version originale plus vibrante et naturelle.
Interactivité
Sony la fait version courte du coté des suppléments, évacuant les documents d’archives et les analyse de spécialistes (en vidéo ou commentaire audio) de l’édition Criterion, ne gardant que la présentation croisée de Martin Scorsese et Baz Luhrmann. Malheureusement cette dernière est assez décevante puisqu’il ne se s’agit même pas d’une vraie conversation (chacun a été interviewé séparément) et que leurs propos restent le plus souvent à la surface, célébrant la grande époque du film noir et le sex-appeal de Rita Hayworth.
Liste des bonus
Gilda par Martin Scorsese et Baz Luhrmann (17’).