GAPPA
大巨獣ガッパ –Japon – 1967
Support : Bluray
Genre : Science-fiction, Fantastique, Catastrophe
Réalisateur : Haruyasu Noguchi
Acteurs : Tamio Kawachi, Yoko Yamamoto, Koji Wada, Tatsuya Fuji, Masanori Machida…
Musique : Seitaro Omori
Image : 2.35 16/9
Son : Japonais et français DTS HD Master Audio 2.0 mono
Sous-titres : Français
Durée : 84 minutes
Editeur : Extralucid Films
Date de sortie : 28 août 2024
LE PITCH
Une expédition dans le Pacifique Sud débarque sur une île tropicale où les indigènes vénèrent la mystérieuse divinité Gappa. Un tremblement de terre ouvre une caverne souterraine et un bébé reptile est découvert à l’intérieur…
For the Love of Kaiju
Seule et unique incartade de la Nikkatsu dans le paysage déjà bien occupé des kaiju eiga, Gappa, connu longtemps en France avec le sous-titre « le descendant de Godzilla », n’aura pas forcément connu la gloire de ses illustres prédécesseurs, Godzilla et Gamera. Cependant, désormais doté d’une très jolie édition Bluray d’Extralucid Films, il peut fièrement trôner sur nos étagères.
Véritable âge d’or du Keiju eiga, ces fameux films de monstres et de combattants géants, les 60’s verront surtout le légendaire Godzilla de la Toho et le challenger Gamera de la Daei s’étriper au box-office. Peu de place pour la concurrence et pourtant le troisième grand studio nippon, la Nikkatsu aimerait lui aussi avoir sa petite part du gâteau. Pourtant spécialisé dans le cinéma d’action et les films de yakuza (pour faire court), la firme se lance donc dans son propre film de monstre allant d’ailleurs draguer scénaristes et responsables des effets spéciaux d’autres studios et doublant son budget habituel (même si la légende dit qu’une partie de l’aide d’état ira surtout combler la dette des filiales). De grandes ambitions mais aussi une nette tendance à aller piocher allègrement dans tout ce que le genre a pu donner jusque-là, des lointains cousins anglais de Gorgo au mythique King Kong en passant par les délires exotiques de Mothra ou le schéma du vilain industriel d’une poignée de Godzilla. Gappa a manifestement été conçu comme un best of des formules gagnantes de la concurrence et ne propose alors finalement que bien peu de surprises pour les spectateurs habitués. Surtout il embrasse totalement l’angle grand public qu’avait rapidement pris le keiju eiga, jouant sur un exotisme naïf du peuple sauvage de l’île perdue (avec tous pleins de japonais peints en noir), avec les deux personnages d’enfants qui seuls délivrent le bon message depuis le début et dépeignant nos charmantes créatures géantes avec un anthropomorphisme touchant.
Cri (atomique) d’une mère
C’est que là où Godzilla et Gamera opérait plus ou moins leur vengeance sur un monde humain ayant un peu trop joué avec la force nucléaire, Gappa dépeint surtout des dieux oubliés qui vont traverser l’océan pour retrouver leur petit dernier kidnappé par les scientifiques et journalistes travaillant pour un financier sans état d’âme rêvant à son parc d’attraction derniers cri. Plus que jamais, le spectateur prend forcément alors parti pour cette famille d’étranges oiseaux reptiliens (très bons à la nage aussi), cracheur de feu dont les actes de destructions sont motivés par un instinct des plus naturels. Un film qui bien entendu véhicule un message écologiste et animaliste de bon aloi, mais très courant dans les kaiju en général. Classique soit, pourtant Gappa se révèle un spectacle toujours réjouissant, assuré par une mise en scène efficace et carrée et un très beau scope signé par le vétéran Haruyasu Noguchi (la trilogie Woman Gambler) dont ce sera la dernière réalisation achevée, et par des effets spéciaux (en dehors de quelques transparences datées) souvent très convaincants conçus par Watanabe Akira. Une légende du kaiju, grand nom de la Toho ayant œuvré sur Godzilla, King Ghidorah, Baranon et les autres, qui propose ici des costumes certes assez improbables dans leurs mélanges zoologiques, mais finement détaillés, pleins de caractères et capables aussi bien de piétiner de superbes décores miniatures, que de s’extraire d’un lagon sous-marin ou de s’envoler fièrement d’un aéroport tokyoïte.
A cause de sa propension à constamment copier ses petits camarades, il serait facile de ranger Gappa dans la case des kaiju mineurs ou anecdotiques, pourtant cette unique proposition de la Nikkatsu, mais le divertissement est constamment généreux et savamment emballé. Surtout, nos braves volatiles à écailles, imposent un charme évident, naïf soit, mais irrésistible, qui ne démérite pas face à la vaste concurrence. Gappa, c’est tout le kaiju qu’on aime.
Image
Invisible par chez nous depuis des lustres (une vieille VHS et c’est tout), Gappa revient par le biais d’une très belle copie HD. Pas forcément la restauration à la source 4K que l’on aurait pu espérer mais une remasterisation d’excellente qualité néanmoins. Les cadres retrouvent ainsi la photographie Eatsmancolor chaude et colorée et assurent une image plutôt propre même si on doit dénoter quelques restes de griffures régulière. Les noirs sont bien tenus, la définition est solide et même si un petit lissage gomme légèrement le grain d’origine, le piqué maintient le cap tout du long et permet de profiter pleinement des jolies maquettes et des superbes costumes.
Son
La version originale stéréo s’installe confortablement sur un DTS HD Master Audio tout à fait clair, équilibré et agréablement dynamique. Un peu d’énergie dont manque parfois cruellement le doublage français d’époque, à priori très abimé puisque l’éditeur à été obligé de passer quelques passages directement en VOST.
Interactivité
Extralucid opte ici pour le très joli coffret cartonné dur contenant un boitier scanavo double et un livret d’une cinquantaine de page. Celui-ci est habillé de nombreuses photos d’exploitation, d’extraits d’archives et de coulisses et s’articule autour d’une longue présentation du grand historique du kaiju eiga, des origines du film Gappa, ses nombreuses inspirations et ses particularités par Fabien Mauro. L’auteur de Kaiju, Envahisseurs et Apocalypse que l’on retrouve bien entendu sur le disque du film avec cette fois-ci une présentation vidéo reprenant à peu de choses près le même propos toujours aussi documenté, passionné et informatif. Un segment complété par une rencontre très sympathique avec l’acteur Masanori Machida qui joue l’enfant autochtone dans le film, très connu aussi au Japon pour son rôle dans Zatoichi : La Vengeance ou ses participations en costume latex dans le programme pour enfant Kaiju Booska ou le classique Bataille au-delà des étoiles. Le monsieur raconte avec bonheur ses années d’enfants acteurs et passe un bon moment à évoquer ses souvenirs du tournage de Gappa dont il espérait justement avoir le rôle du jeune monstre. La section s’achève par quelques versions plus longues des apparitions des Gappas (tirées manifestement d’une source fatiguée) et un mélange de rares images tournées dans les coulisses de la production et de photographies de plateau.
Un contenu déjà bien solide, mais Extralucid n’a pas hésité à proposer un second Bluray contenant lui le film inédit Yuzo : The Biggest Battle in Tokyo, production indépendante, fauchée mais barrée, datant de 2022. Un hommage vibrant et comique au genre, sur fond de crise du COVID avec un défilé de personnages complètement cintrés et vaguement pathétiques avec gags non-sensiques, séquences de comédie musicale et un combat final contre un monstre géant fabriqué à l’ancienne et franchement réussi. Proposé uniquement en VOST, le film est accompagné lui-même de ses deux petits bonus à commencer par une nouvelle présentation de Fabio Mauro qui en profite pour évoquer toute la génération de cinéastes habités par l’esprit des classiques d’autrefois et un humour bis improbable. Le second segment permet de retrouver à nouveau l’acteur Masanori Machida, qui justement interprète dans ce métrage un personnage de savant fou obsédé par les extraterrestres. Avec toujours autant d’enthousiasme, le monsieur nous partage quelques anecdotes d’un tournage plein de bonne humeur.
Liste des bonus
Un livret sur le film (52 pages), « Gappa Kaijû Family » par Fabien Mauro (38’), « Masanori par Machida » : Interview de Masanori Machida (39’), Scènes des monstres étendues (17’), Coulisses du tournage (5’), 2 bandes-annonces (6’), le Blu-ray du film « Yuzo » de Yoshikazu Ishii (2022, 88’), « Yuzo, kaijû viral » par Fabien Mauro (13’), « Yuzo par Machida-San et Yoshikazu Ishii » : Interview de Masanori Machida et du réalisateur (6’).