GANGS OF LONDON SAISON 1
Royaume-Uni – 2020
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateurs : Gareth Evans, Corin Hardy & Xavier Gens
Acteurs : Joe Cole, Colm Meaney, Michelle Farley, Sope Dirisu, Jack Donoghue, Aled ap Steffan, …
Musique : Aria Prayogi, Fajar Yuskemal
Durée : 540 minutes
Image : 2.00 16/9
Son : Anglais DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : L’Atelier d’Images
Date de sortie : 17 mai 2022
LE PITCH
Le meurtre de Finn Wallace, parrain redoutable et incontesté de la pègre londonienne, marque le point de départ d’une nouvelle guerre des gangs…
Once Upon A Time in London
Que se passe-t-il lorsque le réalisateur de l’ultra-violent The Raid tente d’injecter à une saga criminelle tout ce qu’il y a de plus classique son sens redoutable pour l’action hard boiled ? Les bourre-pifs s’enchaînent, fracturant les os, et la poudre parle, déchirant les chairs. Ponctuée de morceaux de bravoure d’anthologie, cette première saison parvient in extremis à faire exister ses nombreux personnages, galerie de criminels endurcis et damnés par les liens du sang.
Gangs of London, c’est le bébé de Gareth Evans, cinéaste gallois ayant fait ses armes en Indonésie avec Merantau et le diptyque The Raid, morceaux de choix du cinéma d’action des années 2010. S’il ne rechigne pas à en partager la paternité avec son directeur de la photographie, coscénariste et ami de toujours Matt Flannery, c’est pourtant sur son nom que le show se monte, et sur la promesse de scènes d’action dont la brutalité et l’énergie pourraient bien trancher dans la routine d’un récit reposant sur des luttes de pouvoir aux accents shakespeariens qui n’ont plus rien de novateur. Othello, Macbeth, Richard III, Hamlet, … tous les stéréotypes établis il y a plus de 400 ans par le dramaturge élisabéthain ont été réunis dans le mixeur des scénaristes. Trahisons, vengeance, cupidité, folie, meurtre, le refrain est connu même s’il faut bien reconnaître qu’il fait toujours son petit effet, surtout s’il est joué avec rigueur et professionnalisme. Le premier exploit de Gangs of London, c’est de ne jamais nous perdre dans les trajectoires croisés d’une vingtaine (!) de protagonistes principaux appartenant à divers clans, chacun ayant sa propre histoire, ses propres objectifs et, détail capital, sa propre nationalité. En lieu et due place du pudding d’accents cockneys à peine relevé de quelques écarts gutturaux made in Scotland ou made in Ireland que l’on est en droit d’attendre de toute fresque criminelle ayant pour toile de fond les rues malfamées de la City, Gareth Evans a fait le choix judicieux du multiculturalisme et jettent dans l’arène Kurdes, Albanais, Irlandais, Gitans, Nigérians, Pakistanais, Chinois et on en passe. Le Londres qu’il dépeint n’en paraît que plus authentique et conforme à la réalité du XXIème siècle. Evans complète le tableau par une référence directe à l’élection en 2016 du maire travailliste et d’origine pakistanaise Sadiq Khan et par la révélation que les vrais méchants de la série ne sont autres que des « investisseurs » arborant le visage bienveillant et anonymes de néo-libéraux dépourvus de la moindre once d’humanité. Imparable.
Round one. Fight !
Chaque épisode (ou presque) ayant droit à son explosion de violence qui fait très très très mal, la narration repose presque exclusivement sur des séries de crescendos encore plus tendus que l’elastique du string de Kim Kardashian. Et même si Gareth Evans ne s’est pas privé d’inviter ses potes cinéphages Corin Hardy (Le Sanctuaire) et Xavier Gens (The Divide) pour lui prêter main forte sur la moitié des épisodes, le Gallois hargneux se réserve la paternité des morceaux de bravoure qui dépotent et qui distinguent aisément Gangs of London de la concurrence – au hasard, Peaky Blinders. Le pilote en deux parties nous offre ainsi une baston homérique dans un pub et un mano a mano sanglant entre Elliot, un flic infiltré et fis de boxeur (le génial Sope Dirisu), et une armoire à glace adepte du hâchoir, le troisième épisode se conclut par un raid nocturne à l’arme lourde sur un camp de gitans tandis que le quatrième et le cinquième opus proposent un duel à la hache dans un immeuble en construction et une embuscade menée par un sniper d’élite. Soit un déchaînement de violence kinétique sur lequel planent les ombres imposantes de Sam Peckinpah et Ringo Lam, totalement inédit de par les proportions atteintes sur un petit écran. Et pourtant, tout ceci n’est qu’un apéritif eu égard à un sixième épisode magistral et presque autonome où une armée de mercenaires danois mène un assaut destructeur sur une petite ferme où sont retranchés des trafiquant d’armes et une poignée de gangsters en fuite. Pour la première fois en près de trente ans, une scène d’action se permet enfin de tutoyer les sommets pyrotechniques et émotionnels d’À toute épreuve de John Woo sans chercher pour autant à plagier les effets de style du maître de Hong Kong. Rien que pour cette petite heure de suspense à couper au couteau et de déluge de plomb et de sang, Gangs of London mérite amplement le visionnage. Moins spectaculaire, la dernière salve d’épisodes parvient tout de même à nous rassasier encore un tout petit peu avec un huit clos tournant autour d’une scène de torture sadique, une attaque de banque à la machette, un massacre inespéré dans une chambre d’hôtel et le plastiquage au ralenti d’un building sur fond d’air d’opéra. On souhaite bonne chance à la seconde saison qui s’annonce pour faire mieux et frapper encore plus fort.
Tu seras un homme, mon fils
Les fusillades, les coups de poing dans la gueule et les litres de sang éclaboussant les murs ne suffisant pas à forger l’attachement à une série, Gareth Evans cimente son drame dans l’exploration tous azimuts d’un thème qui lui est cher : le lien filial. Elliot Carter, Sean Wallace (Joe Cole, rescapé de Peaky Blinders, forcément), Alexander Dumani (Paapa Esiedu, un peu trop propre sur lui mais le rôle veut ça) ou encore Nasir Afridi, candidat à la mairie de Londres et rejeton d’un impitoyable baron de la drogue pakistanais, sont tous des personnages dont l’identité ne se définit que dans la confrontation à une figure paternelle écrasante à laquelle il semble impossible de se soustraire. L’héritage d’un père, qu’il soit honoré ou bafoué, fait ici systématiquement office de destinée. Une destinée sanglante et tragique, off course. Ou, en d’autres termes, une malédiction.
Loin d’occuper la portion congrue d’un show en apparence dopé à la testostérone, les femmes ont leur propre croix à porter et celle-ci s’apparente davantage à la douleur du deuil et à la soif de vengeance. Vengeance d’un compagnon torturé, vengeance d’un honneur bafoué. Jouant à nouveau les matriarches implacables après avoir été la Catlyn Stark de Game of Thrones, Michelle Farley fait forte impression dans les tailleurs de luxe de Marian Wallace, épouse et mère capable de jouer du flingue et du poignard pour protéger sa progéniture. Mais les lauriers et les louanges de revenir à Narges Rashidi, charismatique et terrifiante à souhait en combattante kurde menant une croisade intime contre le criminel responsable de la mort de son mari en plein conflit contre les Turques.
Il y a donc encore de la matière et la conclusion laisse suffisamment de portes ouvertes pour que la seconde livraison attendue pour fin 2022/début 2023 s’emploie à lever le voile sur les derniers mystères de la famille Wallace. À moins que la surenchère ne prenne définitivement l’ascendant sur l’émotion. En plaçant la barre si haut dès le début, Gareth Evans n’a presque plus le droit de décevoir.
Image
Qui dit tournage en numérique haute définition dit perfection. On en est proche quand bien même la fumée, le brouillard, la pluie et un enchaînement de scènes sombre mettent la compression à rude épreuve. La précision des contours et la profondeur de champ en souffrent par moments sans nécessairement entacher un rendu global de tout premier ordre.
Son
Pas de doublage français, mais on ne s’en plaindra pas vu que la diversité des accents est un élément fondamental du show. Musique et dialogues sont parfaitement mixé mais ce sont surtout les effets sonores lors des fusillades qui feront rugir de bonheur vos caissons de basse. Le silence qui précède les premiers coups de fusils mitrailleurs lors de l’attaque du camp de gitan ou l’explosion apocalyptique et sacrificielle en point culminant de la fusillade de la ferme raviront les amateurs qui aiment quand ça fait boum. Et plus si affinités.
Interactivité
Les featurettes du blu-ray anglais répondent présent et parviennent à distiller de précieuses infos malgré une durée bien trop courte et un fond bien trop promotionnel. Supplément inédit tout spécialement cuisiné pour cette édition française, l’entretien avec Xavier Gens s’avèrent nettement plus satisfaisant. Le cinéaste français y raconte sa rencontre, son amitié et ses discussions cinéphiles avec Gareth Evans, le procédé d’écriture, le découpage de la série en trois blocs et la liberté toute relative confiée à chaque réalisateur, son admiration pour le professionnalisme de l’équipe anglaise et ses influences. En trente petites minutes, les coulisses de la série s’y dévoilent bien plus généreusement.
Liste des bonus
Entretien exclusif avec le réalisateur Xavier Gens (28 minutes), Making-of en 5 parties : l’action, le pouvoir, le soldat, les familles, le monde (25 minutes au total).