GAMERA : LA TRILOGIE HEISEI
ガメラ 大怪獣空中決戦, ガメラ2 レギオン襲来, ガメラ3 邪神(イリス)覚醒 – Japon – 1995, 1996, 1999
Support : Bluray
Genre : Kaiju Eiga
Réalisateur : Shūsuke Kaneko
Acteurs : Tsuyoshi Ihara, Akira Onodera, Shinobu Nakayama, Toshiyuki Nagashima, Miki Mizuno, Tamotsu Ishibashi, Ai Maeda, Yukijirô Hotaru…
Musique : Kô Ôtani
Photographie : Kenji Takama et Junichi Tozawa
Durée : 96, 96 et 108 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Japonais DTS-HD Master Audio 5.1, Français DTS-HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : Roboto Films
Date de sortie : 24 septembre 2024
LE PITCH
Gamera – Gardien de l’univers : Alors que des créatures volantes sèment la panique au Japon, un gardien légendaire vient au secours de l’archipel et noue un lien particulier avec une adolescente.
Gamera 2 – L’Attaque de Légion : Une météorite s’écrase au Japon et libère des centaines d’insectes géants nommés « Légion », venus coloniser la Terre… mais le gardien Gamera se mettra sur leur route.
Gamera 3 – La revanche d’Iris : Les Gyaos reviennent semer la panique tandis qu’une jeune orpheline, croyant que Gamera est responsable de la mort de ses parents, découvre une nouvelle créature nommée Iris.
L’année de la tortue
L’éditeur Roboto Films nous gâte en nous proposant dans un magnifique coffret limité à 1000ex de ce qui peut être considéré comme l’un des pics du Kaiju Eiga période Heisei : la fameuse trilogie consacrée à la tortue géante Gamera durant la deuxième moitié des années 90. Un passage à l’age adulte pour la vénérable créature du studio Daiei.
Pour celles et ceux qui ne situent pas vraiment bien Gamera, rappelons que cette grosse bêbête (une tortue atomique qui vole) est une concurrente directe de Godzilla, lancée en 1965 pendant l’ère Shōwa par la Daiei pour profiter de l’énorme succès de la série de la Toho. Pour le néophyte, Gamera est une créature de 150 mètres de haut qui protège l’humanité de la racaille colossale, parfois même venue de l’espace. Même s’il est plus fréquentable que Godzilla, il n’en reste pas moins super généreux lorsqu’il décide de ravager une ville ou deux histoires de se requinquer. Gamera a vécu, durant ce que les spécialistes appellent l’ère Showa, de nombreuses aventures assez kitsch (et certaines navrantes paraît-il), la série s’interrompant définitivement en 1979 avec un ultime film d’une médiocrité sans nom, une sorte de maxi best-of fauché de ses aventures d’antan. Avant de faire un come-back inattendu et surtout fracassant en 1995 (pile poil pour les 30 ans de la tortue géniale) avec Gamera : Gardien de l’univers, un film beaucoup plus sérieux que d’habitude, et surtout moins ridicule qui a démodé d’un coup ce pauvre Godzi qui n’en finissait pas d’essayer de faire son come-back dans un bon film, redonnant espoir aux amateurs du genre qui s’en moquaient un peu du nom de la bestiole après tout pourvu que le film soit réussi.
Aux commandes de ce Gamera du renouveau, on est allé chercher Shūsuke Kaneko, plus connu chez nous pour avoir réalisé le segment The Cold pour le film à sketches Necronomicon), qui a eu la très bonne idée de s’entourer d’une équipe de génies, avec aux effets spéciaux, Higuchi Shinji, digne successeur des plus grands maîtres des sixties, et au scénario, last but not least, Kazunori Ito, l’auteur de (excusez du peu) Patlabor 1 et 2, Ghost in the Shell, ou Avalon… Autant dire qu’on place la barre assez haute pour ce come-back que personne n’attendait et qui rencontrera un tel succès au Japon, autant public que critique, que deux autres films suivront.
Un retour en fanfare !
Moins connu que son rival Godzilla, Gamera, créé au sein de la Daiei, a donc connu une première série de films durant l’ère Shōwa qui, à l’exception du premier opus, s’adressait avant tout à un très jeune public, mettant en avant un ton plutôt puéril et les contours très attachants de la tortue géante était attachante, amie des enfants et protectrice de notre bonne vieille planète. Si la période Heisei aura permis à Godzilla de revenir sur le devant de la scène de la plus belle des manières, concernant Gamera, il faudra attendre 1995 pour que la tortue volante fasse son retour. Certes, la Daiei aura mis le temps, mais force est de constater que ce Gamera période Heisei n’a plus rien à envier à Godzilla. Bien qu’imparfait, Gamera : Gardien de l’univers est vraiment un très bon spectacle… surtout si on aime le catch, ici, il y a de quoi se réjouir, surtout que la très athlétique tortue radioactive affiche une forme extraordinaire sur le ring.
Le métrage introduit donc sa tortue géniale lorsque de vilains rapaces carnivores appelés Gyaos décident de venir titiller les braves habitants d’une île japonaise. Les autochtones n’ont aucune autre alternative que de finir en « gyaos pita » (célèbre sandwich local à base de sauce blanche, d’harissa et de japonais innocents et apeurés). Gamera débarque alors des profondeurs de la Terre pour protéger l’espèce humaine et démolir quelques bâtiments au passage. Alors que le Kaiju s’essoufflait depuis quelques années (on pense notamment aux Godzilla qui avaient tendances à vraiment tirer sur la corde), Shūsuke Kaneko modernise le genre grâce à une équipe technique affûtée et clairement impliquée pour servir la bonne cause. Higuchi Shinji aux effets spéciaux prouve qu’il est l’un des plus grands lorsqu’il s’agit de mettre à l’honneur des trucages old-school. Contrairement aux deux opus suivants, ce premier film laisse très peu de place aux effets numériques (quelques missiles c’est à peu près tout) … le reste, c’est du 100% « ass kicking do it yourself » pour le plus grand bonheur des cinéphiles nostalgiques de la grande époque du latex.
À l’instar de son éternel rival Godzilla, Gamera pose une nouvelle fois les bases d’un discours écologique qui peut paraître naïf mais attachant : La pollution, les pluies acides, la radioactivité rampante et les rayons UV sont à l’origine de l’apparition de ces monstres impressionnants. Si ce premier opus d’une nouvelle trilogie n’est peut-être pas le meilleur (La Revanche d’Iris en est clairement le point d’orgue), mais il pose la base d’une nouvelle façon de présenter le Kaiju Eiga : l’action se décline sans aucun temps mort, les effets spéciaux sont clairement d’un niveau très élevé pour ce type de genre populaire et le bestiaire a furieusement de la gueule.
Gamera 2 : Le rollercoaster par excellence
Dès l’année suivante Shūsuke Kaneko continue de moderniser le genre en y incorporant des destructions encore plus spectaculaires via une mise en scène efficace et n’hésite pas à rajouter quelques bonnes séquences horrifiques en invoquant une nouvelle menace, Légion, soit une horde d’insectes géants entre l’écrevisse et l’araignée… tout un programme. Le message écolo et l’univers mythologique du premier volet sont rangés au placard. Les gros vilains viennent directement de l’espace, mais pour Gamera, la mission reste la même : leur botter le cul à coup de souffle radioactif et de coups de pattes supersoniques.
Alors que Gardien de l’univers restait fidèle aux effets spéciaux old school, cette brillantissime suite introduit enfin les CGI au service de destructions de plus en plus spectaculaires et efficaces. Si les CGI n’en sont qu’à leurs balbutiements, ils sont largement compensés par des créatures de toutes beauté, mention spéciale pour Légion. La nouvelle franchise monte en puissance. Shūsuke Kaneko reste fidèle à sa mise en scène énergique et efficace avec des plans de folie dont lui seul a le secret. Pour le plus grand plaisir des amateurs du genre, les stéréotypes du Kaiju sont toujours présents : des monstres au design unique, des scientifiques en jupettes toujours aussi sexy, des populations en panique et des militaires toujours aussi impuissants face à la force de frappe des monstres géants. Le reste n’est que destruction et séquences de catch démesurées. Shūsuke Kaneko s’offre même le luxe d’orienter ce second volet vers le pur film d’horreur (la séquence dans le métro de Tokyo est, à juste titre, un magnifique exercice de style). Du travail de maître en somme. Convoquant aussi bien le christianisme que le shintoïsme, le scénario propose un lot conséquent de batailles toutes plus réussies les unes que les autres. Encore plus puissant que le premier volet, ce second Kaiju réalisé par Shūsuke Kaneko surpasse même les Godzilla 90’s de par une mise en scène énergique, où le rythme ne faiblit jamais, et annonce de très belle manière le Gamera ultime.
Un dernier opus en forme d’apothéose absolue
Troisième et ultime volet, Gamera 3 : La Revanche d’Iris est beaucoup plus posé en termes de rythme, et les personnages sont beaucoup plus développés que dans les précédents volets. Au niveau des effets spéciaux, c’est quasiment un sans-faute, s’approchant alors du niveau des rivaux américains comme l’infâme Godzilla du tâcheron Roland Emmerich, mais avec évidemment cette touche de poésie qui fera toujours toute la différence. Au lieu de New-York, on a droit en ouverture à la destruction de Shibuya à Tokyo, une superbe mise en condition en attendant la suite des événements, avec ce fameux plan de simples badauds tranquillement assis en terrasse d’un immeuble qui voient la tête de Gamera apparaître, hésiter une seconde, puis les cramer avec son souffle atomique pour atteindre en fait son ennemi de l’autre côté du building… Un plan juste génial.
Mais la suite va jouer sur la retenue, marque de fabrique du scénariste Kazunori Ito qui adore prendre son temps, présenter ses personnages (beaucoup plus développés que dans les deux films précédent), faire qu’on s’intéresse à eux avant de les envoyer dans le feu de l’action pour qu’on compatisse d’autant plus à leurs ennuis et au danger qui les entoure. Oui, exactement comme dans la série Patlabor dont on a souvent l’impression de voir une version live ici avec un Gamera plus souvent plus évoqué que montré… Moins énergique que L’Attaque de Légion, cette conclusion s’efforce de véritablement inclure les humains au milieu des grands combats, des scènes de destructions et donc des effets spéciaux. C’est très net lors du combat final où les protagonistes sont quasiment aux pieds des bestioles (sans casque en plus, courageux les gars), ce qui fait que les combats sont sans doute un peu plus statiques que d’habitude mais tout aussi spectaculaire par ce réalisme accru.
Si l’opus précédent étonnait déjà par son ton adulte et sa noirceur ambiante, La Revanche d’Iris va encore plus loin, et c’est tant mieux. Pour la première fois, Shūsuke Kaneko et Kazunori Ito osent enfin montrer les victimes collatérales de la tortue géante, plus badass que jamais et se fichant royalement des pauvres humains placés sur son chemin. L’ambiance est globalement pesante, nous ne sommes plus vraiment dans le pur divertissement décomplexé, le film de Shūsuke Kaneko offrant même quelques plans franchement dégueux. Shootant ses magnifiques monstres à hauteur d’homme, le réalisateur affine encore plus sa mise en scène et balance son lot de séquences spectaculaires et carrément apocalyptiques, que ce soit l’attaque des Gyaos ou le combat contre Iris. Soignant ses personnages, qu’ils soient anciens ou nouveaux, et ne prenant jamais le spectateur pour un abruti, Gamera 3 conclut parfaitement une trilogie qui aura su transcender un matériau à la base purement mercantile. Violent, dantesque, vénère, il est sans aucun doute l’épisode le plus réussi d’une trilogie.
Une trilogie indispensable pour les amoureux de Kaiju Eiga et pour les amoureux de films de monstres géants, qui aura eu le très grand mérite de remettre la tortue volante sur le devant de la scène, car si elle a toujours été dans l’ombre de Godzi, avec cette trilogie elle l’aura renvoyé dans les cordes grâce à un réalisateur (qui livrera plus tard un autre Kaiju Eiga super jouissif avec Godzilla, Mothra and King Ghidorah : Giant Monsters All-Out Attack), un scénariste et toute une équipe qui était définitivement résolue à dépoussiérer le Kaiju Eiga.
Image
Roboto Films reprend ici les restaurations effectuées il y a cinq ans au Japon et déjà appréciées sur le coffret intégral colossal d’Arrow Video. Un travail très impressionnant effectué à partir de nouveau scan 4K des sources 35 et 16 mm, avec nettoyage de circonstance, stabilisation et rééquilibrage des teintes. C’est un sans-faute, l’image est superbe, à noter une colorimétrie plus chaude concernant le premier opus, mais revoir la trilogie en HD tient véritablement de la pure redécouverte tant les copies s’avèrent plus que jamais resplendissantes.
Son
Les bandes sonores s’offrent elle aussi un bon petit coup de jeune avec des remasterisation complètes en DTS HD Master Audio 5.1 désormais dotées d’effets plus massifs et de sensations plus immersives à même de rendre toute l’amplitude spectaculaire des films. La VO 5.1 est logiquement supérieure et plus dynamique par rapport à la VF 5.1, mais cette dernière s’avère tout de même très claire.
Interactivité
Un documentaire rétrospectif passionnant sous la forme d’entretiens plus qu’exhaustif de six heures et réparti sur les trois disques où les différents membres de l’équipe de tournage de la trilogie évoquent leurs souvenirs, leur expérience ainsi que leur parcours effectué.
Des effets spéciaux à la photographie en passant par la production ou encore les décors, ce très long documentaire s’avère plus que complet. L’éditeur nous propose en plus un somptueux livret de 80 pages intitulé « La Pléiade du Kaiju Eiga » concocté par l’expert en Kaiju et Tokusatsu Fabien Mauro, nous offrant des analyses passionnantes ainsi que des perspectives historiques sur le genre Kaiju.
Liste des bonus
Livret de 80 pages « La Pléiade du Kaiju Eiga » par Fabien Mauro, Documentaire rétrospectif sous forme d’entretiens (6h) réparti sur les trois disques., Bandes annonces.