FRISSONS D’HORREUR
Macchie solari – Italie – 1975
Support : Bluray
Genre : Horreur
Réalisateur : Armando Crispino
Acteurs : Mimsy Farmer, Barry Primus, Ray Lovelock, Carlo Cattaneo, Angela Goodwin
Musique : Ennio Morricone
Durée : 101 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Italien et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 19 avril 2022
LE PITCH
Rome, années 1970 – La capitale italienne subit un été caniculaire et une vague de suicides inexplicable. Ce climat anxiogène a des effets néfastes sur Simona Sanna, jeune légiste à la morgue. Surmenée, elle commence à être victime d’hallucinations. Dans le même temps, ses rapports avec son petit ami Edgardo Fiorini, photographe, se dégradent. C’est alors qu’elle rencontre Paul Lenox, un prêtre persuadé que sa sœur ne s’est pas suicidée comme on le lui affirme. Simona accepte de l’aider dans ses investigations.
Canicule
Après 4 Mouches de velours gris et Le Parfum de la dame en noir, Mimsy Farmer revient au giallo pour Frissons d’horreur. Une nouvelle expérience aux limites même du genre pour un essai certes parfois un peu cafouilleux mais parsemé de vraies fulgurances putrides.
Révélée dans More de Barbet Schroeder, Mimsy Farmer va rapidement tourner sa carrière vers l’Europe et plus particulièrement l’Italie. Elle y interprétera certes souvent la jolie touriste américaine, ajoutant une plus-value non négligeable aux productions locales, mais elle semble aussi inspirer les réalisateurs qui lui offrent des rôles souvent troubles ou sa silhouette fragile, son visage presque trop pur et délicat, sont contrebalancés par des déviances douteuses qui font irrémédiablement glisser les films vers le cauchemar éprouvant. En l’occurrence quelques mois après le très déroutant mais sublime Le Parfum de la dame en noir, où déjà son corps embrassait la morbidité environnante et était l’objet d’une fascination malade, elle enchaîne avec ce Frissons d’horreur. Une autre variation autour des codes du giallo, dont elle est bien évidement l’enjeu principal, tour à tour victime désignée et suspecte, dont les névroses éclatent à chacune de ses scènes. Une jeune étudiante en médecine légale préparant sa thèse sur la question du suicide, et qui semble avoir plus d’attirance pour les corps des cadavres que pour les plaisirs charnels. Frigide, perturbée, manifestement habitée par un complexe d’Electre loin d’avoir été réglé, elle hante littéralement un film déjà largement au bord de sa propre folie. Artisan du cinéma italien lancé par quelques comédies lourdingues en costumes que seuls les italiens supportent – genre auquel il sera obligé de revenir par la suite avec Plus Moche que Frankenstein tu meurs -, Armando Crispino aura tenté de se faire un nom en proposant des visions souvent légèrement biaisées des genres à la mode comme le western italien avec Johnny le bâtard ou le film de guerre avec Commandos.
Chairs décomposées
Mais il espérait surtout réussir à construire une trilogie giallesque thématique entamée avec Overtime (aka L’etrusco uccide ancore) et approfondie par le présent Machie solari. Du Giallo proprement dit il préserve la construction en whodunit (éventé), une trame policière sur fond de chantage et d’héritage, quelques meurtres perpétrés par un criminel mystérieux, une certaine forme d’érotisme ou en tout cas une exploration frontale de la sexualité, mais il mélange tout cela avec une trame qui ressemble le plus souvent à celui d’un film d’horreur aux lisières de l’onirique. Dans une Rome écrasée par la canicule et le soleil, les suicides se multiplient comme une épidémie et donnent lieu à une ouverture transgressive et brutale montrant entre deux images d’éruptions solaires, une femme nue se couper les veines, un homme se jeter dans le fleuve, un père se mitrailler après avoir abattu ses enfants…. La chaleur implacable, la torpeur qui pousse à la folie et à une dégénérescence dont l’héroïne se fera écho lorsqu’en pleine autopsie elle a la vision des corps abîmés la regarder, se relever et se lancer dans une simulation de coït à même le carrelage. Si la réalisation de Crispino a tendance à se perdre dans quelques cadrages et décadrages approximatifs, dans des zooms peu pertinents ou dans une austérité peu inspirée, elle délivre tout au long de Frissons d’horreur quelques séquences vraiment marquantes, jouant sur une omniprésence perverse de la mort (visite d’un musée des horreurs, photos de suicidés) et de la sexualité (soirée projection de photos de bordel, étreintes douloureuses et contraintes) dans un ballet qui s’approche bien souvent des lisières du fantastique.
Si Mimsy Farmer, accompagnée des solides Barry Primus (Bertha Boxcar) et Ray Lovelock (Le Massacre des morts-vivants), incarne à merveille ce glissement de terrain perpétuel, les compositions stridentes, scandées, obsédantes d’Ennio Morricone (avec un accord qui sera largement repris des années plus tard dans The X -Files) affirment le climat très particulier de ce giallo qui ne l’est pas moins.
Image
Reprenant le même master HD présenté récemment par Vinegar Syndrome, Le Chat qui fume nous permet de redécouvrir le film dans des conditions bien loin des anciennes copies vidéo. Une restauration appliquée à partir d’un nouveau scan du négatif 35mm qui permet d’apporter une définition pointue, de nombreux détails de matières et de grains et des couleurs particulièrement pêchues. Si la source a bien évidemment été nettoyée, on aperçoit encore quelques fritures de celluloïd, des restes de griffures et surtout quelques passages aux teintes fluctuantes.
Son
Si le film a été tourné en anglais et que cette piste était présente sur la galette import, on n’en retrouve pas de trace ici. Reste bien entendu le doublage français d’époque au rendu un peu étouffé et surtout parfois incomplet (des dialogues au second plan disparaissent) et la version italienne, très convaincante et profitant d’une clarté naturelle et d’un bon équilibre avec les musiques du maestro.
Interactivité
Nouveau giallo pour Le Chat qui fume, nouveau digipack avec fourreau limité à 1000ex et nouvelle présentation du métrage par l’indispensable Jean-François Rauger directeur de la programmation à la Cinémathèque française. Un fin connaisseur du cinéma de genre et bis, qui explore avec beaucoup de précision et de pertinence les différents aspects de ce Giallo atypique : un petit détour par la filmographie d’Armando Crispino, par la psychologie de l’héroïne et un ré-ancrage du propos dans le décors et la culture romaine. La suite est laissée à Francesco Crispino, historien du cinéma et fils du cinéaste qui retrace dans un premier temps la carrière de son père (de ses débuts de critique, puis assistant et enfin réalisateur) pour ensuite s’attarder plus longuement sur Frissons d’horreur par quelques anecdotes, un retour sur ses soucis avec la censure et sa redécouverte plus tardive.
La section bonus s’achève par une seconde intervention du même Francisco décrivant quelques archives retrouvées autour des multiples versions et évolutions du scénarios et la lecture de notes d’intentions laissées par son père.
Liste des bonus
« L’autopsie de Frissons d’horreur » par Jean-François Rauger (22’)
« Les dossiers de l’autopsie » avec Francesco Crispino (10’), « Meurtres au soleil » avec Francesco Crispino (39), Bande-annonce.