FREEZE ME
フリーズ・ミー – Japon – 2000
Support : Bluray & DVD
Genre : Thriller, Drame
Réalisateur : Takashi Ishii
Acteurs : Harumi Inoue, Shingo Tsurumi, Kazuki Kitamura, Shunsuke Matsuoka, Daisule Iijima…
Musique : Goro Yasukawa
Image : 1.77 16/9
Son : Japonais DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Durée : 101 minutes
Editeur : Extralucid Films
Date de sortie : 28 août 2024
LE PITCH
Alors qu’elle s’apprête à se marier, Chihiro rencontre par hasard l’un de ceux qui l’ont violée cinq ans auparavant. Mais elle, n’est pas décidée à rester une éternelle victime…
Le Voyage de Chihiro
Redécouvert l’année dernière à l’Etrange Festival, Freeze Me est considéré par beaucoup comme l’un des aboutissements de la carrière de Takashi Ishii (Gonin). Un artiste de cinéma, mais aussi de la photo et du manga, explorant inlassablement la figure de la femme bafouée dans un Japon cruel, violent et toujours rongé par un régime patriarcal.
Un cinéaste toujours très méconnu, dont on connait surtout l’une de ses rares explorations hors de ses thèmes de prédilections, le thriller sombre et brutal Gonin avec l’inénarrable Takeshi Kitano. Pourtant son œuvre est, depuis ses débuts dans le manga pour adultes, presque entièrement tournée vers l’exploration d’une sexualité plus ou moins violente, brassant autant les univers S&M que les rives parfois très explicites du fameux Rape & Revenge. Arrivant après une petite vingtaine d’années de carrière (débutée comme scénariste de roman porno pour la Nikkatsu), Freeze Me est inévitablement travaillé par cette étrange proximité entre le cinéma d’exploitation et un versant bien plus personnel, ancré dans cette volonté d’exposer la place insoutenable de la femme dans la société japonaise. Jamais nauséeux, jamais gênant, voyeuriste ou déplacé, Takashi Ishii réussit même brillamment à faire la part des choses entre des accents ouvertement érotiques, ne cachant pas le corps magnifique de l’actrice, suivant avec lascivité ses ébats avec son fiancé, et les viols proprement dits qui ne seront jamais véritablement présents à l’écran. Le crime initial, filmé au caméscope par les bourreaux qui s’en servent pour faire pression sur elle, sera entrevue dans des flashbacks fugaces, plus cauchemardesques qu’autre-choses, et les autres violences subies resteront hors-champs. Car ce qui intéresse ici le cinéaste est peut-être moins justement cette confrontation entre deux violences, celle subit et celle renvoyée aux agresseurs, que véritablement le traumatisme subit par la pauvre Chihiro.
Tombe la neige…
Une jeune femme d’apparence enjouée, pleine de vie, d’humour et d’espoir, mais qui cache à tous, même à son petit amis, le crime qu’elle a subie quelques années plus tôt, marquée par la honte et la crainte d’un rejet de son entourage. D’où cette forme de stupéfaction lorsque les trois violeurs décident de revenir successivement dans son quotidien, la traitant comme un territoire conquis, un pur objet sexuel, un accessoire de mobilier et une boniche docile. La vengeance de la jeune n’est donc pas froidement calculée et préparée comme souvent dans le Rape & Revenge, mais bien une réaction de survie, des actes de folie qui l’enfoncent plus encore dans son cauchemar. Violent, cru, perturbant, mais aussi résolument onirique dans la relation que va tisser Chihiro avec ces cadavres préservés chacun dans leur propre congélateur, régulièrement émaillé d’un humour noir plutôt osé au vu du contexte, Freeze Me dépasse aisément la simple illustration d’un fait divers scabreux pour tendre aussi vers une exploration de la masculinité toxique japonaise. Ainsi les trois mâles représentent chacun, avec des petits cotés caricaturaux assumés, un archétype de l’homme japonais avec le jeune voyou parasite, le salary-man alcoolique et abusif et le yakuza aussi abrutis que violent. Mais même le fameux fiancé, de prime abord idéal, prévenant et avenant, reflète rapidement une certaine lâcheté et l’hypocrisie d’un monde qui a vite tendance à abandonner la femme abimée à son triste sort.
Dans ce joyeux tableau, redoutable thriller psychologique entre mélancolie et nécessaire empathie, la performance fragile et subtile d’Harumi Inoue n’en est que plus belle et déchirante.
Image
Elles ne sont pas nombreuses les éditions HD de Freeze Me, et la proposition d’Extralucid Films n’en est que plus appréciable. Tout comme la copie proposée d’ailleurs qui sans être d’une pureté virginale et d’une netteté ultra performante, travaille parfaitement l’aspect naturellement rugueux et rude du film d’exploitation. Les matières peuvent être légèrement neigeuses, l’image un poil vaporeuse, mais les cadres sont toujours propres, stables avec un piqué marqué et qui dessine solidement les personnages et les décors renfermés et souligne joliment les effets de lumière.
Son
Rien à redire sur la piste sonore DTS HD Master Audio 2.0 qui accompagne comme il se doit la sobre stéréo d’origine. Peu d’effets dynamiques ou latéraux, le mixage est très central mais clair et équilibré.
Interactivité
Encore une belle édition pour un film rare, pour une curiosité, par Extralucid. Etrange choix cependant qu’un fourreau cartonné au format DVD plutôt que Bluray, mais l’objet reste de qualité avec l’inclusion en premier lieu d’un excellent livret rédigé par Julien Sévéon. Une traversée extrêmement complète de la carrière et de la filmographie de Takashi Ishii, avec une exploration de ses diverses œuvres, ses évolutions et ses formes récurrentes qui donne vraiment envie de (re)découvrir rapidement d’autres créations du monsieur.
On retrouve bien évidemment le même intervenant sur les disques Bluray et DVD pour une présentation qui reprend un peu le même chemin dans les premières minutes mais qui très vite s’attache surtout à creuser plus avant les coulisses de Freeze Me et à s’efforcer d’en analyser légèrement la forme et les motivations. Il transmet ensuite la parole à Clara Sebastiao qui retrace les grandes lignes et les multiples variations du genre Rape and Revenge avant d’en appliquer la grille de lecture à Freeze Me, justement particulièrement intéressant pour son regard sur « la victime » et sa différentiation entre l’érotisme sain et son traitement des scènes d’agressions.
Liste des bonus
Un livret (64 pages), « Freeze Me, en quête d’une révolution » par Julien Sévéon (29’), ‘Rape and Revenge, des apparences et au-delà’ par Clara Sebastiao (32’).