FOU À TUER
Crawlspace – Etats-Unis, Italie – 1986
Support : Bluray & DVD
Genre : Horreur
Réalisateur : David Schmoeller
Acteurs : Klaus Kinski, Talia Balsam, Barbara Whinnery, Carole Francis, Tane McClure, Sally Brown, …
Musique : Pino Donnagio
Durée : 80 minutes
Image : 1.85 16/9
Son : Français & Anglais DTS-HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Sidonis Calysta
Date de sortie : 17 février 2022
LE PITCH
Recherché pour avoir pratiqué des euthanasies illégales en Amérique du Sud, le docteur Karl Gunther s’est réfugié aux Etats-Unis et laisse à nouveau libre cours à ses instincts meurtriers sur les belles et jeunes locataires de l’immeuble dont il est propriétaire, …
Le Monstre est vivant
Auteur d’un excellent Tourist Trap en 1979 pour le compte de Charles Band, David Schmoeller tente ici d’en reproduire la formule en confrontant à nouveau un groupe de jeunes femmes à un monstre à la personnalité complexe et qui a transformé sa demeure en terrain de chasse piégé. Propulsé tout en haut de l’affiche, l’ogre Klaus Kinski, vedette ingérable et violente, ne lui a clairement pas facilité la tâche.
Impossible de parler de Fou à tuer (alias Crawlspace au pays du Big Mac) sans aborder – fut-ce succinctement – la vie, la personnalité et la postérité de Klaus Günter Karl Nakszynski, alias Klaus Kinski. Né en Pologne en 1920 d’un père chanteur d’opéra raté et d’une mère infirmière, cadet de la famille, celui qui ne s’appelle pas encore Kinski traverse la Seconde Guerre Mondiale en tant que prisonnier de guerre après avoir été enrôlé de force dans la Wehrmacht à l’âge de 17 ans. C’est là qu’il développe un goût pour le métier d’acteur, jouant des pièces pour maintenir le moral de ses compagnons d’infortune. Libéré en 1946, il débute dans le théâtre en Allemagne où il se fait déjà remarquer pour ses explosions de colère et son agressivité imprévisible. Le cinéma, il y arrive pour de bon dans les années 60 où ils s’imposent surtout dans quelques westerns spaghettis de très haute volée tels que Et pour quelques dollars de plus, El Chuncho ou Le grand silence. La consécration vient avec la collaboration orageuse avec le cinéaste allemand Werner Herzog qui lui offre sur un plateau les premiers rôles d’Aguirre, la colère des dieux, de Nosferatu le vampire et de Fitzcarraldo. Entre Kinski et Herzog, l’amitié succède à la haine la plus tenace, et inversement. Jusqu’à la rupture et la lassitude et une fin de carrière gentiment alimentaire. Victime d’une crise cardiaque soudaine, Klaus Kinski quitte définitivement la scène en 1991. Ou presque, puisque ses filles Pola et Nastassja, enfin libérée de son emprise, révèlent en 2013 l’envers d’un personnage dont le comportement avait fini par être assimilé à une sorte de folklore. Menteur, manipulateur, odieux et coupable d’agressions sexuelles sur ses enfants, Klaus Kinski fut bel et bien le monstre sadique qu’il a si souvent joué devant la caméra et sa filmographie se teinte avec le recul d’un malaise on ne peut plus palpable.
La bête immonde
Quelle mouche a bien pu piquer David Schmoeller pour se réjouir de tourner avec Klaus Kinski ? La question, le cinéaste se l’est lui-même posé au bout d’une seule journée de tournage, comme il le révèle, entre humour et amertume, dans un court-métrage documentaire au titre évocateur : Please, kill Mr Kinsky. Initialement enthousiaste au point de réécrire son scénario pour donner plus de présence à l’acteur, Schmoeller déchante pourtant bien vite et le tournage en studio à Rome de se transformer en chemin de croix pour toute l’équipe, la fascination pour le talent brut de Kinski cédant la place à de très réelles envies de meurtre. Et pourtant, en dépit de la guerre qu’il a ouvertement mené à l’encontre de son metteur en scène, des altercations physiques déclenchées sur un simple caprice et des retards savamment orchestrés comme autant de provocations puériles, Kinski est impeccable et tout à fait à sa place dans les frusques du Dr Gunther, über-psychopathe accro à la mort et à la souffrance. Il parvient surtout à rendre crédible un personnage qui, sur le papier, tient presque de la caricature tant Schmoeller s’est amusé à charger la mule. Un peu trop même. Meurtrier au palmarès impossible à chiffrer, voyeur pervers et érotomane, fils d’un nazi sadique, Gunther garde en cage une jeune femme dont il a coupé la langue, élève et dresse des rats qu’il lâche sur ses victimes, élabore des pièges mortels, se balade dans les murs d’un immeuble dont il est le démiurge absolu et s’offre même le luxe d’une partie de roulette russe quotidienne pour conclure ses longues journées. Il en reste un peu, je vous en remets ?
Artisan efficace et appliqué, Schmoeller consacre ainsi l’essentiel de son énergie et de son savoir-faire à mettre sa star en valeur, quitte à laisser sur le carreau le reste du casting et en particulier sa final girl, la très mimi Talia Balsam, plus figurante qu’héroïne et dont le rôle peut se résumer à dix minutes de course poursuite et cinq minutes de dialogues inutiles. Même bilan pour Kenneth Robert Shippy dont le personnage de fouineur/chasseur de nazis ne vaut que pour sa mise à mort on ne peut plus douloureuse et dont il serait criminel de révéler les détails (sachez juste que bobo cucul).
Huis clos tendu, malsain et généreusement bis, Fou à tuer est certes à place dans le haut du panier des productions Charles Band des 80’s et doit beaucoup à la photographie très particulière de Segio Salvati (à mi-chemin entre le voile épais et onirique des films de Lucio Fulci et la vulgarité virtuose d’un De Palma tendance Body Double) et à la musique de Pino Donaggio mais le film souffre aussi malheureusement d’un vrai déséquilibre dans le choix de ses points de vue et d’une intrigue trop mécanique, son numéro de train fantôme sordide ayant un peu tendance à tourner à vide en fin de parcours.
Image
L’usure du temps et l’absence d’une restauration en bonne et due forme se font discrètes sur ce master vraisemblablement récupéré auprès des Américains de Shout Factory, lesquels avaient consacré au film de David Schmoeller une très belle édition il y a presque dix ans de cela. On y retrouve les mêmes petits défauts de compression et les très rares points blancs mais aussi des contrastes très travaillés, une palette de couleurs très dynamique et un niveau de détail très élevé.
Son
Version française propre mais insignifiante lorsqu’elle se retrouve face à une stéréo originale très musclée. Les basses profondes et rondes du générique d’ouverture, les éclats de violence (qui ne saturent jamais) et les petits bruits dans les murs de l’immeuble se succèdent pour un spectacle acoustique inattendu et surprenant de la part d’un petit budget du milieu des années 80.
Interactivité
Annoncés sur le site de l’éditeur, l’interview du maquilleur John Vulich reprise du blu-ray US de Shout Factory (qui proposait aussi un commentaire audio avec David Schmoeller) et le court-métrage Please, kill Mr Kinsky sont malheureusement introuvables sur l’édition qui nous a été fournie pour cet article. Le livret de Marc Toullec et l’entretien de près d’une demi-heure avec Olivier Père s’avèrent suffisamment exhaustifs pour faire oublier la déception.
Liste des bonus
Livret de Marc Toullec, Présentation du film par Olivier Père, Bande-annonce.