FOLIE MEURTRIÈRE
Mio caro assassino – Italie, Espagne – 1972
Support : Bluray
Genre : Thriller
Réalisateur : Tonino Valerii
Acteurs : George Hilton, Salvo Randone, William Berger, Marilù Tolo, Manuel Zarzo…
Musique : Ennio Morricone
Durée : 100 minutes
Image : 2.35 16/9
Son : Italien et français DTS HD Master Audio 2.0
Sous-titres : Français
Éditeur : Le Chat qui fume
Date de sortie : 15 février 2022
LE PITCH
Les meurtres successifs du détective d’une compagnie d’assurances, puis d’un conducteur d’excavatrice conduisent le commissaire Luca Peretti à rouvrir une affaire non classée. À l’époque, une petite fille, Stefania Moroni, avait été kidnappée, puis assassinée, et son corps jamais retrouvé. Avec l’aide d’une institutrice, Paola Rossi, Peretti reprend l’enquête à son compte, déterminé à identifier le coupable. Commence alors, pour le policier, une lutte contre la montre, afin de retrouver les derniers indices et résoudre l’énigme.
Résurgences primaires
Seul et unique giallo de Tonino Valerii connu et respecté pour des westerns forts réussis, Folie Meurtrière est habilement habité par un scénario malsain et manipulateur parmi les plus réussis du genre.
Réalisateur ayant offert au moins deux westerns inoubliables (Mon nom est personne et Le Dernier jour de la vengeance) Tonino Valerii aura pourtant toujours crié haut et fort son besoin de réaliser un film social ou du moins de sortir d’un genre dont il se sentait prisonnier. Rare incursion loin des colts, Folie Meurtrière, dont le manque de succès lors de sa sortie le renvoya directement dans les pattes de Sergio Leone, est bel et bien un giallo. Un genre ultra codifié (peut-être encore plus que le western) mais qui pour Valerii est un ilot de liberté. Pourtant, il ne s’engouffre jamais dans les excès stylistiques et cinématographiques d’un Dario Argento, préférant coller au plus près du récit avec un certain classicisme, voir une certaine modestie. Sa mise en scène est assez discrète, atmosphérique, mais ajoute à la sensation de stupeur qui étreint le spectateur et le détective à chaque instant, anéantis par les relents nauséabonds de l’affaire, par un décorum en plein pourrissement (décors en ruines, vides, décharges) reflet d’une famille bourgeoise italienne que l’envie, la haine et les ressentiments ont fini par faire imploser. Il faut dire que la photographie grisâtre ne résiste pas à l’intelligence du scénario de Roberto Leoni (L’Exécuteur, Santa Sangre) et Franco Bucceri (Adios California, Un Homme à respecter) qui fait preuve d’une certaine virtuosité pour justement déstabiliser le public tout en reprenant quelques artifices bienvenus du policier à la Hercule Poirot (la révélation final devant tous les suspects).
La vérité sort de la bouche des enfants
Las des whodunit lâchement construits où chaque petite preuve amène laborieusement vers une conclusion attendue et des modus operandi à l’arme blanche, les deux scénaristes, alors au tout début de leur carrière, décapitent à coup de pelleteuse, étranglent, lacèrent avec une scie rotative pour souligner la perversité totale de l’assassin. Un assassin bien difficile à saisir tant les suspects sont nombreux alors que les fameux indices se révèlent pour la plupart totalement hasardeux. Que ce soit le détective, interprété par un George Hilton enlaidi, ou l’assassin, tout le monde est visiblement dans le brouillard le plus complet, personne ne sachant finalement quel est l’indice laissé par la première victime, une petit fille de sept ans. Machiavélique, manipulateur, Folie Meurtrière est aussi l’un des premiers films à parler directement de la pédophilie, et ce même si cela est en périphérie du récit principal au travers de deux personnages, forcément, borderline. Si pour le premier on évoque assez tristement un flagrant délit en compagnie d’une gamine de 13 ans ayant soi-disant caché son âge, le second est bien plus pertinent. Grand père de la petite fille enlevée et séquestrée et lui vouant une véritable passion, on le découvre donc artiste peintre aux œuvres mêlant teintes rouge sang et membres disloquées de poupées. Des créations visiblement très macabres mais dont le mélange perversité-tristesse n’éclate que lorsque apparaît le tout jeune modèle, entièrement nue. Une petite fille forcément du même âge que celle assassinée et qui symbolise la destruction totale de l’innocence mais aussi la perte totale de repère d’une famille absolument détruite par un fait divers scabreux. Un scénario brillant, un mystère passionnant, une mise en scène maîtrisée, une bande sonore limite expérimentale du maestro Morricone pour un giallo d’une grande rigueur.
Image
Le Chat qui fume propose une superbe copie restaurée à partir d’un scan 4K du négatif 35mm. Tout a été nettoyé avec soin et ferveur sans jamais dénaturer le grain de pellicule, la matière ou les argentiques tout en rehaussant habilement une colorimétrie plus subtile que dans nos souvenirs (voir le DVD de Neo Publishing). La définition est fine et solide, même dans les zones les plus sombres. Parfait.
Son
On retrouve enfin la version italienne du film (seule la version anglaise était présente sur l’ancien DVD) bien plus à même de transmettre l’ambiance si particulière du film. Certes tout le monde était ici postsynchronisé (tournage en partie en Espagne avec des acteurs locaux), mais l’italien est y est plus naturel et plus fluide avec une piste plutôt ferme et nette. Le doublage français lui aussi proposé en DTS HD Master Audio 2.0 chuinte un peu plus et propose quelques voix étranges et caricaturales.
Interactivité
Superbe packaging comme toujours avec un digipack cartonné glissé dans son fourreau du meilleur effet. Le disque bluray présent reprend d’ailleurs très pertinemment la longue interview qu’avait produit autrefois Neo Publishing pour son DVD. Le scénariste Roberto Leoni se plie ici avec plaisir à l’exercice de l’interview. Un document de trois quart d’heure (tout de même) qui permet au monsieur de nous faire part de ses ambitions de l’époque, de s’agacer en évoquant la polémique liée au film lors de sa sortie (à peine quelques semaines après un terrible fait divers très similaire), de détailler quelques effets spéciaux ou d’explorer sa participation plus concrète dans la fabrication du film aux coté de Tonino Valerii. Un document très intéressant désormais complétée par une présentation inédite de Mr Jean-François Rauger qui en souligne tous les contours les plus giallos, les thèmes et les qualités évidentes.
Impossible de passer à côté de l’ajout de taille de l’édition : un CD inédit compilant quelques thèmes parmi l’immense bibliothèque d’Ennio Morricone dont Le Venin de la peur, Holocaust 2000 ou L’Antéchrist, tout en restant dans une atmosphère oppressante et déliquescente.
Liste des bonus
CD best of d’Ennio Morricone, « La folie meurtrière » par Jean-François Rauger (18’), « Innocence perdue » avec le scénariste Roberto Leoni (45’).