FIRST REFORMED
États-Unis – 2017
Support : Blu-ray
Genre : Drame
Réalisateur : Paul Schrader
Acteurs : Ethan Hawke, Amanda Seyfried, Cedric the Entertainer
Musique : Brian Williams
Durée : 113 minutes
Image : 1.33 16/9
Son : Anglais, Français DTS HD Master Audio 5.1
Sous-titres : Français
Éditeur : L’Atelier d’image
Date de sortie : 31 mai 2023
LE PITCH
Ravagé par la mort de son fils, Toller, un ancien aumônier militaire en proie à une crise spirituelle tente d’aider un jeune couple de sa paroisse. Lorsque les nombreux secrets de son institution religieuse remontent à la surface, il tente de retrouver la foi et faire face aux démons de son passé jusqu’à se retrouver sur le chemin de la rédemption…
Rédemption
Scénariste de renom, Paul Schrader a longtemps été affilié à la carrière de Martin Scorsese pour qui il a collaboré à l’écriture de certains de ses films les plus personnels. Autant ses récits ont pu passer à la postérité, autant son parcours de metteur en scène a tendance à parfois devenir très anecdotique. Si certains méritent le coup d’œil, First Reformed lui, vaut carrément le détour.
Si Paul Schrader doit effectivement figurer dans les annales, nul doute que les livres de cinéma le citeront volontiers pour son scénario de Taxi Driver. Son binôme avec le réalisateur new-yorkais avec qui il partage nombre de traumas et de centres d’intérêts est ici fusionnel. Cette Palme d’Or est indissociable de l’un comme de l’autre. Les compères ont cette obsession pour l’âme humaine, la foi, la rédemption et la dualité entre le bien et le mal. Raging Bull, La Dernière Tentation du Christ et A Tombeau ouvert creusent le sillon de cette collaboration. Rien de plus normal pour le scénariste de passer à son tour par la case réalisation. Si son début de carrière dans ces eaux laisse entrevoir de belles promesses avec American Gigolo, Mishima ou son remake de La Féline, l’espoir porté sur Paul Schrader cinéaste, est depuis tombé dans les limbes des productions DTV charcutées par des producteurs exploitant son pedigree passé jusqu’à écœurement. Après une (disons même deux) décennies de vache maigre, l’arrivée de First Reformed ne provoque pas l’impatience. Signe miraculeux, le titre français Sur le chemin de la rédemption semble tout à fait approprié comme parallèle à l’histoire de son auteur.
Crise de foi
Paul Shrader avoue dans les bonus du film que tous ses scénarios pullulent de métaphores pour parler de la vie. En suivant le parcours d’un prêtre avec son lot de doutes, de remises en question et de foi, le scénariste approfondit l’essence même de l’existence. Nouveau venu dans son univers, Ethan Hawke, impeccable, donne à son personnage une profondeur tout en retenue au tourment de l’âme. Usant du format peu conventionnel du 1.33, le réalisateur semble tenir ou prouver au spectateur que son esprit est bien trop étriqué face aux dimensions philosophiques et spirituelles qu’il veut nous partager. Le format semble scruter les tourments intérieurs là où le scope aurait pu le magnifier et détourner le propos. Pour s’approprier davantage le film, il est bon de revenir aux bases théologiques du titre remontant à un demi-millénaire en arrière où un prêtre nommé Luther se révolta contre l’autorité catholique. Dans cette période d’obscurantisme, l’église est plus intéressée par l’argent de ses ouailles que par le salut de leur âme. Luther reprit les écritures à la lettre et revint aux sources de l’Évangile brisant ainsi le pouvoir de la religion et de ses dogmes pas très catholiques au profit de la foi véritable. C’est ainsi qu’est née « la réforme », créant par ce fait le mouvement protestant. Cette réforme est celle du cœur ; c’est ce que Shrader tente d’approfondir ici. Il veut ébranler les acquis et pose en constat les imperfections du monde que l’homme a créé à son image. La perversion de son cœur le plonge dans le chaos écologique et la détresse humaine. Son égoïsme entraîne son défaitisme, son individualisme qui appuie sur l’accélérateur menant à sa destruction inéluctable. Mais Shrader poursuit ses constats en menant ses obsessions vers l’intime, qui l’ont à un moment donné ou un autre touchés plus particulièrement. La maladie, le suicide, les critiques, l’inutilité de procréer dans un monde si destructeur… Il questionne ses doutes pour mieux se convaincre. Il veut comprendre. Son film est comme le journal intime de sa vie que son protagoniste écrit. Dieu peut-il pardonner à l’humanité ? Le cinéaste ne donne pas de leçon mais partage ses réflexions. Il cite Jacob et Job, les grands prophètes du doute et de la lutte. Dans son chemin de croix, il admet que la foi est solitaire, les autres ne peuvent pas l’avoir pour nous. Le tout-puissant semble lui dire qu’il doit regarder à lui-même, à son âme avant de regarder ailleurs, le vide ressenti au plus profond de son cœur a la forme de Dieu.
Shrader trouve le chemin de sa rédemption, partage ses découvertes sur la spiritualité qui l’a depuis toujours tiraillé citant la Bible : « la foi est une ferme assurance des choses qu’on espère, une démonstration de celles qu’on ne voit pas. ». Il s’essaie à l’amour, ose le pardon. Jamais l’un de ses films n’aura autant côtoyé son intimité. La première réforme est celle de ces acquis. Son chemin de croix peut prendre fin. Sa rédemption peut commencer.
Image
L’atelier d’image respecte sa volonté en proposant le film dans son format 1.33. L’image reste attractive avec sa photographie froide au rendu très précis. Le piqué assure dans les gros plans et les cadrages parfaitement fignolés avec une définition toujours marquée et creusée et des teintes naturellement contrastées. Rien à redire.
Son
Le film doit beaucoup à ses ambiances. Entre dialogues et silences pesants, la palette sonore excelle dans les nuances sans en faire de trop. Simple et discret comme une confession.
Interactivité
L’atelier d’image aime soigner ses éditions en sortant le film dans un Mediabook limité à 1,500 exemplaires accompagné d’un livret d’archives de Paul Shrader. L’interactivité est elle aussi digne d’intérêt. Une bonne analyse du film est effectuée par le journaliste et scénariste Laurent Vachaud. Le point d’orgue des bonus réside dans un module d’une heure et demie réalisé au forum des images où Paul Shrader donne une leçon de scénario. Quoique longuet et répétitif, il démonte ses propres mécanismes d’écriture et l’importance apportée aux métaphores qui font toute la richesse de ses scénarios.
Liste des bonus
« Un sursaut inattendu » : entretien autour du film avec Laurent Vachaud (17’), Analyse de sequence (6’), Leçon de scénario par Paul Schrader au Forum des images (93’), Bande-annonce (1’).