FENÊTRE SUR COUR
Rear Window – Etats-Unis – 1954
Support : UHD 4K
Genre : Thriller
Réalisateur : Alfred Hitchcock
Acteurs : James Stewart, Grace Kelly, Wendell Corey, Thelma Ritter, Raymond Burr, Judith Evelyn…
Musique : Franz Waxman
Image : 1.66 16/9
Son : DTS HD Master Audio 2.0 mono Anglais, DTS 2.0 mono français, espagnol…
Sous-titres : Français, anglais, espagnol…
Durée : 112 minutes
Editeur : Universal Pictures Home Entertainment
Date de sortie : 26 juin 2024
LE PITCH
Lorsque J.B. « Jeff » Jeffries, photographe professionnel, se retrouve dans un fauteuil roulant avec une jambe cassée, il devient obnubilé par la vie privée de ses voisins d’en face. Suspectant un représentant de commerce d’avoir assassiné sa mégère de femme, Jeffries demande à sa petite amie, jeune femme très chic de la haute société, de l’aider à enquêter sur une série d’événements très suspects…
Pictures in Pictures
Impossible d’affirmer quel film d’Alfred Hitchcock a le plus marqué l’histoire du cinéma. Psychose, Sueurs froides, L’Homme qui en savait trop ?… En tout cas celui qui parle le mieux de cinéma, c’est Fenêtre sur cour.
Car Fenêtre sur cour est l’une des créations les plus conceptuelles de son auteur. Reprenant comme dans Lifeboat et La Corde l’idée d’un décor unique et fermé servant autant de loupe sur les personnages que de cocotte-minute à l’action, il en repousse une fois encore les limites avec un gigantesque décor reconstitué intégralement en studio (pour la modique somme de 75000 dollars de l’époque) mais dont l’idée est moins d’en mettre plein la vue que de se plier au dispositif de la mise en scène. Le postulat est simple, Jeffries une jambe dans le plâtre est coincé dans son salon depuis des semaines et s’est ainsi pris de passion pour l’observation de la petite vie de ses voisins qu’il espionne de fenêtre à fenêtres. Un photographe de son état qui scrute des instantanés capturés dans des cadres reconstitués sur fond de brique rouge, moins avec une optique de documentariste qui se contenterait de témoigner des pas de danse de la jolie Torso, des rideaux fermés du jeune couple marié ou des états d’âmes de la triste « cœurs solitaire », mais bien avec l’imaginaire d’un metteur en scène qui leur invente des intentions, des sentiments, des relations et comble ainsi les espaces entre les coupures, les ellipses et les distances. Armé de ses yeux, puis de ses jumelles et enfin de son appareil photo au zoom étendu, Jeffrey réalise son propre film. Et Hitchcock lui le met habilement en forme en jouant sur les juxtapositions du montage, sur de souples panoramiques et travelling vertigineux, pour rebondir sur chaque aspérité révélant ainsi la nature même du cinéma tout en développant, avec un esprit particulièrement ludique, son mystère initial.
Les voyeurs
Sujet d’étude passionnant et déclaration d’amour évidente au 7ème art (pas étonnant qu’il soit très fréquemment cité par les réalisateurs des générations suivantes), Fenêtre sur cour n’est cependant pas qu’un film expérimental. Loin de là. C’est aussi tout autant un incroyable divertissement profitant de tous les atours de la grande production hollywoodienne, s’incarnant dans un couple glamour au possible, James Stewart / Grace Kelly, pour dérouler son petit parfait d’un thriller policier venant systématiquement chercher l’attention du spectateur pour l’intégrer dans l’enquête et le pousser à chercher par lui-même la solution à ce crime possible, à cette disparition mystérieuse si savamment orchestrée. Hitchcock est ici en terrain conquis, agence ses indices et ses fausses routes avec malice, détourne l’attention du spectateur, joue avec ses nerfs et distille un humour noir savoureux porté par des dialogues très fins (surtout en anglais, la traduction doublée ou sous-titrée manquant des subtilités) dont la précision n’a d’égale que dans l’économie. Étonnant et rafraichissant de voir alors au milieu de cette mécanique d’horloger, le film se muter régulièrement en authentique comédie romantique où les joutes verbales entre les deux stars du film, discourent sur la nature du couple, sur les opposions homme/femmes, sur la confrontation entre les origines sociales et plus généralement la nature du mariage, tandis que les rapports de force classique du genre s’inversent à l’image : une jambe dans le plâtre, l’homme se retrouve dans la position de faiblesse, là où la sublime mannequin qu’on imaginait précieuse et gâtée, prend les devants, s’empare de l’action et se confronte directement au danger. Moderne non ?
70 ans plus tard Fenêtre sur cour est certes définitivement un objet d’analyse et de cinéphilie d’une rare richesse, mais il est aussi l’un des divertissements les plus éclatants du cinéaste, drôle, tendu et imaginatif. Un vrai régal.
Image
Le bluray de Fenêtre sur cour a déjà dix ans, et cela se voit. Universal toujours inconstant dans ses masters n’a pas choisi ici de revenir à la source avec un nouveau scan 4K ou autre, mais plutôt de continuer à améliorer le master déjà existant usant de toute la batterie d’outils et de logiciels modernes. On est donc assez loin encore de la perfection : les génériques, fondus enchainés et plans à trucages se démarquant fortement par un grain légèrement neigeux et une définition plus baveuse, tandis que certains plans restent effectivement assez doux dans le piqué. Mais le support UHD permet tout de même de nombreuses améliorations avec forcément un approfondissement de l’image, une meilleure délimitation des détails et surtout un travail admirable sur les couleurs grâce au Dolby Vision. Les teintes sont beaucoup mieux tenues, plus fermes, plus définies, plus subtilement contrastées, et le réetalonnage plus naturel et plus sombre (là où le bluray semblait presque brulé parfois) redonne au film toute son élégance picturale.
Son
Zéro changement pour les pistes sonores mono avec toujours l’excellent doublage français d’époque mais à la restitution un peu fatiguée et essoufflée, et une version originale bien plus claire, nettoyée des petites imperfections du temps, et aboutissant à un DTS HD Master Audio 2.0 des plus confortables.
Interactivité
Comme pour Sueurs froides, Universal reprend sur le disque UHD l’intégralité des suppléments proposés sur l’ancien DVD lui-même en grande partie composé du matériel produit pour le DVD collector plus âgé encore. Cela ne gâche cependant rien au plaisir de la découverte tant tous ces segments fournissent un effort considérable pour aborder le cinéma du maitre avec une approche pédagogique mais jamais sentencieuse. Le making of rétrospectif de Laurent Bouzereau, solide et bourré d’anecdote, est toujours aussi incontournable, la conversation avec le scénariste aussi rare qu’indispensable et les sujets sur le style et la musique des films d’Hitchcock permettent d’entendre des pointures comme Scorsese, Friedkin ou Carpenter (entre autres) disséquer et louer l’art du bonhomme. Complément idéal, l’extrait de l’entretien Truffaut / Hitchcock permet à nouveau d’entendre le cinéaste discuter de l’importance visuelle du cinéma et ses efforts pour réduire à l’extrême les dialogues est poursuivi par un entretien télévisé datant de 72 où le metteur en scène, très en forme, prend un grand plaisir à partager quelques souvenirs de sa carrière. Les plus assidus peuvent même revoir le film avec le commentaire audio du critique américain John Fawell qui s’il n’échappe pas parfois à quelques simples descriptions de l’image, dissémine quelques informations et analyses tout à fait pertinentes.
Liste des bonus
« L’Éthique de Fenêtre sur cour » : un documentaire original (55’), iscussion avec le scénariste John Michael Hayes (13’), « Le Cinéma pur : à travers les yeux du maître » (25’), « Repousser les limites » : le son de Hitchcock (23’), Morceaux choisis Hitchcock / Truffaut (16’), « Masters of Cinema » : interview d’Alfred Hitchcock (33’), Photos du tournage (3’), Bandes-annonces, Commentaire audio de John Fawell auteur de « Hitchcock’s Rear Window: The Well-Made Film » (VOST).